Le syndrome des faux souvenirs se manifeste par des distorsions (transformation, imagination, oubli) d’un évènement lors du rappel ou de la reconnaissance de celui-ci. Le déclin cognitif lié aux troubles de la mémoire (AVC, Alzheimer) n’est pas la seule cause de ce phénomène. La dépression peut aussi provoquer de faux souvenirs. Ces faux souvenirs peuvent aussi se manifester chez des personnes saines et entraîner de faux témoignages. Comment reconnaître un faux souvenir ? Quelles sont ses causes ? Que faire en cas de syndrome des faux souvenirs ?
C’est quoi le syndrome des faux souvenirs ?
Le phénomène du faux souvenir désigne le rappel ou la reconnaissance d’évènements qui n’ont jamais eu lieu. Les faux souvenirs présentent des distorsions et interprétations par rapport à un évènement réel. Ils concernent la mémoire épisodique, c’est-à-dire celle des évènements personnellement vécus. Si la plupart des faux souvenirs sont liés à des pathologies cérébrales, certains apparaissent chez le patient sain et peuvent entraîner de faux témoignages par exemple. « Tout souvenir contient une part de déformations puisque par essence il est une reconstruction plus ou moins approximative de la réalité à partir de ce que nous connaissons de nous-même et de souvenirs des détails vécus, et c’est un phénomène normal » explique Pascale Piolino, professeure en psychologie cognitive et spécialisée de la mémoire autobiographique dans un article publié en 2006. Les souvenirs peuvent être sujets à la transformation, au mélange, à l’imagination, à l’altération ainsi qu’à l’oubli. Une personne est victime d’un faux souvenir lorsqu’elle se remémore un événement qu’elle pense avoir vécu et qui en fait n’a pas eu lieu, ce que l’on appelle confabulation ou « mensonge honnête ». « Pour certains, il s’agirait en fait de faux souvenirs construits par les patientes sous l’influence de suggestions plus ou moins contraignantes présentées par les thérapeutes lors de thérapie. Si la question des faux souvenirs se rapporte à la construction d’un événement que la personne croit avoir vécu, d’une manière plus générale la question s’étend aux diverses transformations que peuvent subir nos souvenirs en fonction de divers paramètres présents au moment où nous les récupérons » indique Xavier Seron, Professeur en neuropsychologie que nous avons interrogé.
Pourquoi j’ai des faux souvenirs ?
► « Il y a le rôle de la répétition. A force de produire des récits sur ce qui nous est arrivé, nous pouvons en fonction de l’audience et des raisons pour lesquelles nous évoquons un souvenir insister sur tel ou tel aspect ou combler une lacune dans un souvenir fragmentaire et inconsciemment créer un souvenir faussé qui s’inscrira cependant profondément dans notre mémoire et que nous tiendrons pour véritable » avance le Pr Seron.
► Il y a aussi des confusions liées aux erreurs de source : le sujet se trompe sur le contexte (spatial, temporel ou social) dans lequel l’évènement souvenu a eu lieu. « Je peux me souvenir par exemple d’une remarque de mon père telle que « un travail doit être parfait autrement il est à refaire » et la lui attribuer parce qu’il était particulièrement exigeant et autoritaire pour découvrir ensuite – en discutant avec d’autres membres de ma famille – que cette remarque avait été émise par ma mère » illustre le neuropsychologue.
► Nos schémas sur les événements, nos stéréotypes sur les personnes peuvent influencer nos mécanismes de récupération et influencer le contenu de nos récits lors de la remémoration d’un souvenir.
► L’affaiblissement des souvenirs liés à l’âge ou aux troubles de la mémoire avec déclin cognitif (Alzheimer, AVC, syndrome de Korsakoff par exemples)
► La dépression aurait également une influence sur la mémoire autobiographique et pourrait biaiser celle-ci. « Les personnes déprimées surenchérissent les expériences négatives de leur passé, elles sont plus fréquemment victimes de souvenirs traumatiques qui surgissent à leur insu. A l’inverse, elles « perdent » en souvenirs personnels positifs. Enfin, la dépression diminuerait le caractère détaillé des souvenirs au profit de généralités, de souvenirs vagues » développe le Pr Seron.
« Il n’y a pas de méthodes permettant de détecter avec certitude un faux souvenir »
Comment reconnaître un faux souvenir ?
Comme les patients sont persuadés d’avoir vécu les souvenirs qu’ils rapportent, que la mémoire modifie plus ou moins tous les souvenirs, il est difficile de reconnaître un faux souvenir. « Excepté les souvenirs délirants comme les personnes rapportant avoir rencontré des extraterrestres, il n’y a pas à ma connaissance de méthodes permettant de détecter avec certitude un faux souvenir » admet le Pr Xavier Seron. Les albums photos par exemple peuvent produire un souvenir que l’on pense se remémorer alors qu’on se souvient seulement de la photo. « L’image médicale est une piste explorée pour diagnostiquer les faux souvenirs » note le neuropsychologue.
Que faire en cas de syndrome des faux souvenirs ?
« L’hypnose peut permettre de retrouver certains détails « occultés » des souvenirs trop vagues mais elle produit davantage d’intrusions de faux souvenirs » remarque Xavier Seron. Interroger le patient sur les détails (olfactifs notamment) de son souvenir, sur les personnes présentes, lui proposer de visualiser l’évènement souvenu peut permettre dans certains cas de démêler le vrai du faux. Pour Xavier Seron, « lorsqu’on a le sentiment qu’un souvenir pourrait être faux, il peut être utile de s’engager dans une série de démarches de vérification. Certains doutent peuvent être émis par la personne elle-même, d’autres par l’entourage« .
Merci à Xavier Seron, Pr en neuropsychologie.
Source : Les faux souvenirs : à la frontière du normal et du pathologique, Pascale Piolino, juin 2006
Source : JDF Santé