Définition : qu’est-ce qu’une rupture d’anévrisme ?
L’anévrisme cérébral est une petite poche qui se forme sur une artère du cerveau. « C’est un peu comme une hernie sur une chambre à air« , explique le Professeur Emmanuel Houdart, neuroradiologue à l’hôpital Lariboisière à Paris. Cet anévrisme se développe avec le temps. La poche, au départ minuscule, grandit. En s’étirant, l’artère devient fatalement plus fine à l’endroit de l’anévrisme et, par conséquent, plus fragile. Il arrive que cette petite poche, pleine de sang, se fissure ou se rompe, provoquant une hémorragie interne : c’est la rupture d’anévrisme. « Il s’agit toujours d’un événement caractéristique, soudain et grave, souligne Emmanuel Houdart. La paroi se fissure brusquement, entraînant une petite hémorragie, très brève, qui ne dure pas plus d’une seconde. » Le risque de rupture de cet anévrisme est d’autant plus important que l’anévrisme est volumineux.
Types de ruptures d’anévrisme
Qu’ils revêtent la forme d’une poche ou d’un élargissement artériel, les anévrismes peuvent se produire sur tous les trajets des différentes artères. Ainsi, on compte trois principaux types d’anévrisme susceptibles de se rompre :
- Les anévrismes cérébraux : sont les anévrismes les plus fréquents. Généralement localisés à la base du cerveau, ils provoquent une hémorragie intracrânienne lors d’une rupture.
- Les anévrismes aortiques : l’aorte représente la plus grosse artère qui part du muscle cardiaque pour descendre le long de la colonne vertébrale.
- Les anévrismes cardiaques, fréquemment situés au niveau du ventricule gauche. Ce type d’anévrisme se forme souvent à la suite d’un infarctus du myocarde.
« L’origine de l’anévrisme est mal connue »
Quelle différence entre l’AVC et la rupture d’anévrisme ?
L’accident vasculaire cérébral ou AVC est provoqué par l’obturation d’un vaisseau sanguin dans le cerveau à cause d’un caillot ou par la rupture d’un vaisseau. Dans ce second cas, il peut être lié à une rupture d’anévrisme et entraîne une hémorragie cérébrale.
Quelles sont les causes de la rupture d’anévrisme ?
« L’origine de l’anévrisme est mal connue, souligne le Professeur Jacques Moret, chef du service de neuroradiologie à la Fondation Rothschild. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils découlent parfois d’une anomalie congénitale qui se développe en anévrisme au fil du temps. Chez les enfants (pour lesquels la rupture d’anévrisme est extrêmement rare) et les jeunes adultes le plus souvent. Dans d’autres cas, ils sont acquis : une pathologie telle que l’hypertension ou le diabète a provoqué une fragilisation de la paroi des artères, favorisant ainsi l’apparition d’un anévrisme. » Le tabac joue aussi un rôle à peu près certain, même si on ne sait pas encore décrire précisément ses effets. » Les produits contenus dans le tabac et inhalés provoquent une oxydation des parois des artères. Cette oxydation provoque une inflammation et donc une fragilisation des parois. D’où un terrain plus favorable au développement de la déformation. Les médecins disent à leurs patients rescapés qu’ils doivent impérativement arrêter de fumer. » Le tabac favorise notamment grandement l’apparition d’athérome (dépôts lipidiques qui forment des plaques blanchâtres sur les parois internes des artères), qui pourrait aussi avoir un rôle néfaste en matière d’anévrismes. Enfin, les spécialistes évoquent les contraceptifs oraux et une consommation excessive d’alcool comme facteurs influençant le développement des anévrismes.
Quel est l’âge à risque d’une rupture d’anévrisme ?
On estime qu’entre 2% et 3% de la population est porteuse d’un anévrisme sans même le savoir la plupart du temps. Le pic de ruptures d’anévrisme est observé autour de 45 ans. Les femmes sont légèrement plus touchées que les hommes.
Comment diagnostiquer une rupture d’anévrisme ?
La prévalence de la rupture d’anévrisme augmente avec l’âge mais il est impossible de donner un chiffre précis car la plupart des patients ne s’aperçoivent de leur maladie qu’au moment de la rupture. D’autres peuvent être diagnostiqués lors d’une IRM ou d’un scanner, mais si l’on n’a pas subi ce genre d’examen, on peut être porteur d’un anévrisme et l’ignorer toute sa vie. « Dans l’immense majorité des cas, l’anévrisme non rompu est asymptomatique », ajoute le Pr Houdart.
L’apparition des symptômes est toujours extrêmement brutale.
Quels sont les symptômes d’une rupture d’anévrisme ?
Le premier symptôme d’une rupture d’anévrisme cérébral, commun à l’immense majorité des patients, est un mal de tête d’une violence inouïe, qui apparaît de façon instantanée. « Rien à voir avec une migraine, précise Emmanuel Houdart. Tous les patients décrivent ce mal de tête d’une intensité extrême comme une sorte d’explosion dans le crâne. D’autre part, cette irruption est si soudaine qu’ils sont capables de dire précisément ce qu’ils faisaient au moment où c’est arrivé. Une fois, un patient m’a dit qu’il était en train de tourner la clé dans la serrure de sa porte lorsqu’il a ressenti les premiers symptômes. » Et aussi :
- Cette douleur est souvent accompagnée de nausées et de vomissements.
- Le patient devient sensible à la lumière et au bruit, ce qui décuple ses symptômes.
- Il n’est pas rare que la personne frappée par la rupture d’anévrisme perde connaissance pendant quelques instants. Dans les cas les plus graves, elle peut même sombrer dans le coma voire mourir subitement.
- D’autres troubles, plus rares, peuvent être associés à la rupture d’anévrisme : certaines personnes sont partiellement paralysées (au niveau des globes oculaires notamment), d’autres subissent une crise d’épilepsie…
« Il existe également certaines manifestations psychologiques surprenantes, précise le Pr Houdart. C’est très rare mais le malade peut n’avoir d’autres symptômes qu’un comportement extrêmement bizarre et soudain. J’ai ainsi un patient, homme d’affaires, qui s’est soudainement déshabillé dans l’Eurostar. On l’a retrouvé perdu à la Gare du Nord. Dans ces cas-là, on ne pense pas immédiatement à la rupture d’anévrisme ! »
Le sang perdu sort de l’artère pour se répandre dans les espaces liquidiens qui entourent le cerveau.
Quels sont les traitements d’une rupture d’anévrisme ?
Face à la rupture d’anévrisme, le pronostic dépend énormément de la rapidité d’intervention. Le sang perdu sort de l’artère pour se répandre dans les espaces liquidiens qui entourent le cerveau. La quantité de sang déversée est très faible (au-delà de 30 ml, c’est la mort immédiate), mais la boîte crânienne étant inextensible, cela provoque instantanément une vive réaction : le cerveau se met à gonfler. Très dangereux, ce gonflement est également salvateur puisqu’il a pour effet de bloquer l’écoulement du sang.
« Insistez bien sur l’intensité des symptômes quand vous appelez le Samu (15) »
Parallèlement, un petit bouchon se forme, ce qui permet de colmater très vite l’artère endommagée. « Mais cette fermeture est précaire. Il suffit que la personne soit un peu hypertendue pour que le bouchon saute. Même chose si le cerveau dégonfle progressivement : la fissure peut se rouvrir et provoquer un second saignement qui sera forcément plus grave. Un troisième saignement serait fatal. C’est pourquoi il faut agir très rapidement. » Il faut appeler le Samu (15) pour que la personne soit le plus rapidement prise en charge médicalement. N’ayez pas peur de bien insister sur la violence et l’intensité des symptômes, sans quoi certains médecins penseront d’abord à une pathologie moins grave et prescriront des antalgiques, faisant perdre quelques heures à quelques jours très précieux avant le traitement. « Après quoi, notre travail consiste à éviter que l’anévrisme ne ressaigne. Dans le même temps, on va traiter les conséquences de l’hémorragie sur le cerveau« , expose Emmanuel Houdart. Cela passe généralement par la prise d’anti-œdémateux cérébraux pour réduire le gonflement du cerveau et parfois par la réalisation d’un drainage du liquide céphalo-rachidien.
L’embolisation en cas de rupture d’anévrisme
La technique employée dans 70 % des cas est celle de l’embolisation, beaucoup moins lourde qu’une chirurgie classique. « Il s’agit de passer par l’intérieur des artères et non l’extérieur, pour boucher l’anévrisme avec des petites spirales de platine. Ces petits fils sont introduits par un petit cathéter que l’on fait glisser dans les artères. Il est introduit au niveau de l’artère fémorale (dans la cuisse). » L’opération est réalisée par un neuroradiologue. Elle ne laisse aucune cicatrice et l’on s’en remet beaucoup plus facilement que d’une chirurgie. Après l’embolisation, le patient sera suivi régulièrement les premières années, pour vérifier que les fils de platine ne se « tassent » pas. Cela arrive très rarement, mais si c’est le cas, il faut réitérer pour écarter tout risque de nouveau saignement.
La chirurgie en cas de rupture d’anévrisme
Dans environ 30% des cas, l’embolisation n’est pas possible ou pas souhaitable pour diverses raisons et les médecins ont alors recours à la chirurgie classique. La technique consiste alors à clipper l’anévrisme : il est ainsi séparé du reste de la circulation et donc asséché en sang. La chirurgie oblige à ouvrir la boîte crânienne, ce qui comporte toujours des risques et crée un traumatisme supplémentaire pour le cerveau.
Comment meurt-on d’une rupture d’anévrisme ?
Souvent, l’hémorragie a provoqué une sorte de caillot qui empêche le liquide de s’écouler. Comme il est produit en permanence, il peut y avoir une accumulation de ce liquide autour du cerveau, qui se trouve ainsi comprimé. « Si aucune intervention n’est pratiquée et que le cerveau se retrouve vraiment comprimé, la mort intervient en quelques minutes », précise le Pr Houdart.
Quelles sont les conséquences d’une rupture d’anévrisme ? Les séquelles ?
Les conséquences de la rupture d’anévrisme sont extrêmement variables d’un individu à l’autre.
► Un tiers des patients décède avant d’arriver à l’hôpital.
► Un autre tiers s’en sort avec une belle frayeur, une fatigue passagère mais aucun signe qui perdure.
► Un autre tiers survit, avec des séquelles diverses. « Cela peut aller de troubles de la mémoire à un état végétatif, en passant par l’hémiplégie, explique Emmanuel Houdart. Ces séquelles sont souvent liées aux vasospasmes (contraction des artères) et à l’infarctus cérébral qu’ils peuvent induire. L’importance de l’hémorragie entre également en ligne de compte. »
Même pour ceux qui s’en tirent à bon compte, un long repos sera nécessaire avant de pouvoir reprendre le travail. « Minimum 3 mois, mais je prescris souvent 6, afin qu’ils reprennent une activité dans les meilleures conditions possibles. » Le patient peut également demander un mi-temps thérapeutique pendant un an : l’entreprise le rémunère pour son temps de travail et l’Assurance Maladie compense la perte de salaire.
Quel suivi après une rupture d’anévrisme ?
Les suites de la rupture d’anévrisme sont reconnues comme une Affection longue durée (ALD). « Il peut même s’agir d’un accident du travail si la rupture a eu lieu pendant les heures de travail », souligne le Pr Houdart. Un suivi de contrôle doit être assuré, avec un scanner à trois mois et une artériographie de contrôle au bout d’un an. « Il n’y a pas de risque de récidive à proprement parler. Une fois qu’on est soigné, c’est définitif et l’espérance de vie n’est pas diminuée. Mais dans quelques rares cas, les spirales posées dans l’anévrisme peuvent se tasser. On peut alors être amené à ré-intervenir. » Si au bout d’un an, rien n’a bougé, une nouvelle IRM est prescrite au bout de trois ans. Un suivi peut être proposé par la suite, selon les patients. « Si c’est générateur d’angoisse, mieux vaut laisser tomber. »
Merci au Professeur Emmanuel Houdart, neuroradiologue à l’hôpital Lariboisière à Paris et au Professeur Jacques Moret, chef du service de neuroradiologie à la Fondation Rothschild.
Source : JDF Santé