Quelle est la définition d’un trouble de la personnalité histrionique ?
« Historiquement, le trouble de la personnalité histrionique était une maladie essentiellement repérée chez les femmes. C’est pourquoi nous l’appelions, autrefois, le trouble de la personnalité hystérique, dont -hyster- signifie utérus. Mais, cette maladie, qui semble imiter toutes les maladies, est comme un caméléon, selon le médecin anglais Sydenham et elle a toujours mis la médecine en échec. Ses symptômes dont l’expression change au fur et à mesure des époques et des mutations culturelles sont insaisissables et prennent souvent le corps en otage. L’hystérie dans sa douleur d’exister fait parler le corps dans sa matérialité, en dehors de tout dysfonctionnement cérébral » définit en préambule Rosa Caron, psychologue, psychanalyste et maîtresse de conférence en psychopathologie clinique à l’Université de Lille. L’hystérie peut être considérée comme une façon d’être au monde avec un rapport ambigu au symptôme : tout à la fois, l’hystérique se plaint de son symptôme et en jouit. « Aujourd’hui, nous employons le terme de trouble de la personnalité histrionique, car -histrion- veut dire comédien. Le patient atteint par cette affection mentale est théâtral : ses réactions émotionnelles sont exacerbées. Il a besoin d’une focalisation de l’attention des autres vers lui. Avec son comportement plutôt séducteur, la personne souffrant du trouble de la personnalité histrionique utilise tous les moyens en sa possession pour « manipuler » l’autre« , explique quant à lui Stéphane Rusinek, professeur de psychologie clinique à l’université de Lille.
Ce trouble fait-il partie du DSM ?
Ce trouble fait partie de la 5e édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).
Quels sont les symptômes d’un comportement histrionique ? Exemples.
Les symptômes du trouble de la personnalité histrionique sont toujours inconscients.
- Le patient est en quête perpétuelle d’attention et lorsqu’il ne l’a pas, il est souvent déprimé.
- Ces personnes sont séduisantes et elles prennent soin de leur apparence car elles veulent renvoyer une bonne image d’elles-mêmes. Elles aiment séduire, et ce dans plusieurs aspects de leur vie (sentimental, professionnel, etc.).
- L’expression de leurs émotions est très forte et spectaculaire.
- Les patients souffrant d’un trouble de la personnalité histrionique se lassent vite, c’est pourquoi ils peuvent rapidement changer de métier ou d’amis.
Quelle est la cause d’un trouble de la personnalité histrionique ?
Selon le psychologue clinicien, « il existe des facteurs génétiques, des apprentissages et des schémas avec lesquels la personne grandit, surtout au moment de l’adolescence. Ce sont essentiellement des apprentissages, des formes de réactions qui ont fonctionné, et dont la personne continue de se servir à l’âge adulte« . « La place donnée à l’enfant, l’histoire familiale, les mots qui ont baigné son enfance et qui ont dessiné le contour du système familial ou du roman familial, participent à la construction d’une réalité psychique singulière et inscrivent chacun de façon inconsciente dans des positions subjectives conditionnées par la vision qu’il/elle a intégré du monde, explique Rosa Caron. Le développement du trouble de la personnalité histrionique peut ainsi se « fabriquer » : c’est une véritable formation de l’inconscient, un retour sous forme de symptôme de ce qui a été refoulé, mais dans une forme déguisée, transformée« .
Y a-t-il un test pour poser le diagnostic ?
« Il existe des tests de personnalité, mais ce ne sont pas des tests de diagnostic« , précise Stéphane Rusinek. La limite du test est qu’il ne prend que les symptômes et occulte le contexte dans lequel ils surviennent. Chez un professionnel, comme le psychologue, les conditions et circonstances d’apparition des symptômes sont très importantes.
Quel est le traitement d’un trouble de la personnalité histrionique ?
► Une thérapie. « Le premier objectif de la thérapie est de faire reconnaître à la personne qu’elle souffre à cause de ces modes de réactions exacerbées. Une fois le trouble reconnu, il s’agira ensuite d’accepter ses réactions« , indique le professeur en psychologie. Mais le chemin n’est pas facile. Notre personnalité est notre façon de réagir aux autres. Or, nous réagissons à l’abandon ou au stress par exemple, par une façon de penser qui est toujours la même. Le fondement de notre personnalité est donc de toujours réagir de la même façon, car cette dernière nous convient. Par ailleurs, faire reconnaître l’existence de ce trouble est un défi, puisque pour les personnes atteintes du trouble de la personnalité histrioniques, le problème vient toujours des autres. « La seconde partie de la thérapie consiste à apprendre au patient à avoir un répertoire de comportements pour mieux comprendre l’autre : nous leur demandons de tester différents comportements et d’autres façons de penser et de voir ce qui en résulte. Et la personne prend conscience qu’en réagissant de façon différente, elle y gagne de plus en plus souvent. Elle s’adapte, sa souffrance et celle qu’elle peut infliger inconsciemment aux autres finit par disparaître. Pour que ce type de thérapie fonctionne, la démarche doit provenir du patient et ce dernier doit être motivé au changement. A partir de là, tout le monde s’améliore« , indique Stéphane Rusinek.
► La psychanalyse. Il s’agit d’une toute autre approche. « C’est une thérapie sur le long cours, qui propose de visiter ce qui fonde les coordonnées singulières de la réalité psychique du patient. Il s’agit de dénouer par la méthode des associations libres, ce que les mots de l’enfance, perçus par l’enfant ont pu nouer, explique la psychologue Rosa Caron. Cette « cure par la parole », qui permet au patient de comprendre les enjeux de sa dynamique relationnelle et le maniement du transfert qui rejoue la façon d’être au monde et d’être en lien, opèrent progressivement une transformation du rapport au monde, à l’écart des illusions de l’identification. C’est en cela que l’on dit souvent, de façon métaphorique, que le symptôme est un langage qui doit être décrypté. »
Merci à Rosa Caron, psychologue, psychanalyste et maîtresse de conférence en psychopathologie clinique à l’Université de Lille (labo PSITEC) et à Stéphane Rusinek, professeur de psychologie clinique à l’université de Lille (labo PSITEC) et Directeur de l’Enseignement de l’AFTCC (Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive), pour leur contribution à cet article.
Source : American Psychiatric Association
Source : JDF Santé