Près de 16 000 nouveaux cas de cancer du pancréas sont recensés chaque année en France, à parts quasiment égales entre les hommes (8323 cas) et les femmes (7668 cas). « Entre 1990 et 2023, le taux d’incidence a progressé de plus de 300% en France et cette tendance ne va faire que de se poursuivre. C’est l’une des seules tumeurs pour lesquelles on observe une nette augmentation de l’incidence. Actuellement, le cancer du pancréas représente la 4ème cause de mortalité par cancer et on estime que d’ici 2030, ce sera la 2ème cause », constate le Dr Alice Boilève, oncologue médical spécialiste des cancers digestifs à l’institut Gustave Roussy. En parallèle, on observe un rajeunissement de la population touchée, même si le cancer du pancréas survient essentiellement chez les sujets âgés de plus de 50 ans. Véritable enjeu de santé publique, la recherche avance pour tenter d’expliquer cette augmentation du nombre de cas et découvrir comment la faire diminuer, notamment à travers le projet YODA, mené par notre interlocutrice à Gustave Roussy.
L’adénocarcinome canalaire du pancréas est la forme principale du cancer du pancréas. Il se développe sur les cellules des canaux du pancréas, chargés de conduire les enzymes digestives jusqu’au tube digestif. Par des mécanismes inconnus, certaines de ces cellules vont se mettre à muter et à devenir cancéreuses. Les patients diagnostiqués avec un cancer du pancréas ont une espérance de vie d’environ 1 an. Deux facteurs expliquent ce mauvais pronostic. « Le pancréas est un organe qui est entouré de nombreux autres organes indispensables comme le duodénum, l’estomac et les vaisseaux sanguins, explique l’oncologue médical. Autrement dit, il suffit d’une masse pas très grosse mais mal placée pour que les vaisseaux soient touchés et qu’on ne puisse plus opérer. C’est aussi un type de cancer qui a une facilité à faire des métastases, c’est-à-dire à aller migrer dans d’autres endroits de l’organisme. Dans un cas comme dans l’autre, le cancer sera difficile à traiter ».
La chimiothérapie n’est pas très efficace, même si des études ont démontré que c’était plus efficace que de ne rien faire. Elle permet de retarder la survenue des symptômes et d’améliorer la qualité de vie en réduisant la douleur. « C’est l’une des tumeurs pour lesquelles le pronostic de survie est le moins bon. Le taux de survie à 5 ans s’élève à moins de 10%. Les révolutions récentes telles que les immunothérapies et thérapies ciblées occupent pour l’instant une place marginale dans la prise en charge du cancer du pancréas », déplore la spécialiste. Le développement d’inhibiteurs de KRAS, des médicaments qui pourraient améliorer le pronostic pour une grande partie des patients atteints d’un cancer du pancréas, donnent de l’espoir. Des essais cliniques de phases 1 et 2 sont en cours aux États-Unis et devraient débuter en France fin 2024.
Autre approche de progrès : le vaccin personnalisé, élaboré à partir de cellules cancéreuses du patient cultivées en laboratoire. L’objectif de ce traitement est de permettre au système immunitaire de reconnaître les cellules cancéreuses et de les détruire. « Des résultats prometteurs ont été obtenus, pas au stade métastatique, mais chez des patients ayant été opérés et à qui on propose un traitement adjuvant » souligne pour finir la Dr Alice Boilève.
Merci au Dr Alice Boilève, oncologue médical spécialiste des cancers digestifs à l’institut Gustave Roussy
Source : JDF Santé