Opération transgenre : homme, femme, en France, comment ?

Naître avec un sexe de femme mais se sentir homme. Naître avec un sexe d’homme mais se sentir femme. Les personnes « trans » ou « transgenres » s’identifient à un genre différent de celui correspondant à leur sexe de naissance. Adolescentes ou adultes, elles décident un jour de franchir le cap de la transition physique pour se sentir (enfin) en accord avec elles-mêmes. Ce parcours de transition commence souvent par l’hormonothérapie (féminisante ou masculinisante) et peut se poursuivre avec les opérations chirurgicales : visage, torse mais aussi sexe (vaginoplastie, phalloplastie). En France, « le nombre de séjours hospitaliers avec pour diagnostic principal le « transsexualisme » a triplé entre 2011 et 2020. Ils concernent pour plus des deux tiers des personnes de 18 à 35 ans » soulignent le Dr Hervé Picard, médecin généraliste et de santé publique et Simon Jutant de l’association ACCEPTESS-T dans le « Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans » rendu en janvier 2022 au ministère de la Santé. Si l’accès à la chirurgie d’affirmation se développe en France, il reste long et difficile « du fait d’une offre de soins trop limitée et mal répartie géographiquement ». Parmi les centres de prise en charge des personnes trans, l’hôpital Lyon-Sud est le pionnier des interventions de réassignation sexuelle. Interview du Dr Damien Carnicelli, urologue dans cet établissement.

Qu’est-ce que la chirurgie transgenre ?

La chirurgie transgenre ou de réassignation sexuelle « a pour but de mettre le morphotype (ou genre, ndlr) en conformité avec l’identité sexuelle désirée en créant une anatomie génitale aussi conforme que possible à celle du sexe souhaité » définit la Haute Autorité de Santé. Cette chirurgie des organes génitaux permet à la femme qui se sent homme de recourir à une phalloplastie pour avoir un sexe d’homme ; et à l’homme qui se sent femme d’accéder à une vaginoplastie pour avoir un sexe de femme. Elle est souvent la dernière étape de la transformation, après les traitements d’hormonothérapie et d’autres opérations chirurgicales d’affirmation (mammaire, maxillo-faciale…). La chirurgie de réassignation sexuelle n’est absolument pas obligatoire. Certains trans ne souhaitent pas la réaliser. D’autres ne le peuvent pas. Tout est une question de libre choix.

Quels sont les différents types d’opérations dans la chirurgie transgenre ?

Dans un parcours de transition médicale, les opérations chirurgicales visent à réduire les caractéristiques physiques du sexe d’origine de la personne trans et à développer celles du genre auquel elle s’identifie. Il n’y a pas d’opérations « obligatoires ». « C’est un parcours à la carte », explique le Dr Carnicelli. « La notion de choix est essentielle à la compréhension du déroulement des parcours de transition médicale, rappellent Hervé Picard et Simon Jutant. Il est possible pour les personnes de ne souhaiter qu’un traitement hormonal ou qu’un acte chirurgical sans traitement hormonal, et ces choix peuvent évoluer au cours de la vie. » Parmi les opérations que peuvent demander les personnes trans :

  • l’hystérectomie (ablation de l’utérus), 
  • l’annexectomie (ablation des trompes de Fallope et des ovaires (sauf s’il y a un désir d’enfant))
  • mastectomie (pour retirer les seins)
  • chirurgie de la pomme d’adam (elle est rabotée)
  • augmentation mammaire (pose de prothèse)
  • opération pour retoucher les fesses
  • opération de la mâchoire
  • frontoplastie
  • opération au niveau des arcades orbitaires (naturellement plus marquées chez les hommes)
  • phalloplastie
  • métaoidioplastie
  • vaginoplastie

Quelles sont les opérations pour devenir une femme (MtF) ? 

Dans les parcours MtF (Male to Female en anglais pour « Homme qui devient Femme » en français ou « femme trans »), la chirurgie d’affirmation de genre recouvre des interventions de féminisation : création d’un néo-vagin, augmentation mammaire, rabotage de la pomme d’adam, chirurgie de la mâchoire, des arcades orbitaires… Ces interventions sont possibles mais absolument pas imposées. C’est à chaque personne de décider librement ce dont elle a envie, en concertation avec les médecins.

Quelles sont les opérations pour devenir un homme (FtM) ? 

Dans les parcours FtM (Female to Male en anglais pour « Femme qui devient Homme » en français ou « homme trans »), la chirurgie d’affirmation de genre recouvre des interventions de masculinisation : ablation de l’utérus, ablation des ovaires, des trompes de Fallope, phalloplastie (création d’un pénis), métaoidioplastie (création d’un pénis à partir d’un clitoris hormonalement hypertrophié), mastectomie (ablation des seins).

La phalloplastie chez l’homme trans

L’opération des organes génitaux de la femme qui souhaite avoir un sexe d’homme est la phalloplastie. Elle vise à construire un pénis. Plusieurs techniques sont possibles :

La phalloplastie avec lambeaux de peau prélevés sur le bras non dominant (technique la plus fréquente), le dos ou la cuisse : « On prend toute l’épaisseur de la peau du bras et on va en faire un tube pour le greffer en bas. En haut, comme il y a une grosse cicatrice, on prend la peau de la cuisse pour la greffer sur le bras. La cicatrice est stigmatisante, explique le Dr Carnicelli. Pour les personnes qui ont un métier manuel, il peut être difficile de retrouver une bonne amplitude des mouvements de flexion/extension. » Pour la sexualité « le plaisir pourra venir du nerf clitoridien que l’on connecte » précise notre interlocuteur

 La phalloplastie abdominale où le pénis est créé à partir de la peau prélevée au niveau du ventre en plusieurs opérations.

La phalloplastie peut être associée à la création d’un gland et d’un scrotum puis quelques mois plus tard à la pose d’une pompe pour permettre l’érection. « L’urètre est connecté pour pouvoir faire pipi debout. »

La métaiodoplastie : « Si l’homme veut garder le clitoris, on va l’allonger sous l’imprégnation hormonale, le libérer puis en faire un micropénis. On conserve toutes les connexions nerveuses donc ce n’est pas trop délabrant mais le pénis ne sera pas assez long pour une pénétration donc il faudra envisager une sexualité sans pénétration » explique le Dr Carnicelli. 

La vaginoplastie chez la femme trans

L’opération chirurgicale qui permet d’avoir un sexe féminin est la vaginoplastie. « La technique consensuelle est d’utiliser la peau du scrotum (qui enveloppe les bourses, ndlr) pour fabriquer l’intérieur du vagin. On crée les grandes lèvres et les petites lèvres avec le fourreau de la verge et le clitoris à partir du gland » détaille le spécialiste. 

Où se faire opérer en France ?

Que l’on souhaite accéder à des chirurgies d’affirmation de genre (féminisation du visage, masculinisation du torse) ou à des chirurgies génitales « il faut se rapprocher d’une équipe pluridisciplinaire composée de chirurgiens plasticiens, d’urologues, d’endocrinologues, de psychiatres… » explique le Dr Carnicelli. « Dans notre pôle, toutes personnes qui demandent à changer d’identité de genre rencontrent ces spécialistes. Nous discutons avec eux de leurs choix pour les guider. Certains veulent juste prendre des hormones et changer de prénom mais n’ont pas envie de recourir à une vaginoplastie car ils veulent garder leurs organes génitaux, d’autres veulent aller jusqu’au changement de sexe. On s’adapte. On les invite aussi à aller au CECOS qui sont des banques de sperme et d’ovocytes pour qu’ils puissent conserver leur patrimoine génétique » poursuit-il. Un petit nombre d’équipes à Lyon, Paris et Bordeaux concentrent une part prépondérante de l’activité en chirurgie pelvienne, la plus complexe. Des équipes hospitalières se sont aussi organisées à Lille, Limoges et Rennes. « Mais les équipes restent fragiles car reposant sur l’implication d’un petit nombre de chirurgiens, et débordées à peine créées » souligne le rapport du Dr Hervé Picard et de Simon Jutan. Le secteur privé, présent sur la chirurgie d’affirmation mammaire et maxillo-faciale, l’est très peu dans la chirurgie pelvienne.

A partir de quel âge une personne trans peut se faire opérer ?

Les demandes de soins de transition augmentent chez les mineurs en France mais il faut être majeur c’est-à-dire avoir au moins 18 ans pour recourir à la chirurgie qu’il s’agisse d’une opération du visage, de la poitrine, du sexe ou d’autres parties du corps. En revanche l’hormonothérapie peut être prescrite « à 16 ans ou avant selon le contexte » précise le Dr Carnicelli. Il est aussi possible d’avoir recours à l’épilation laser avant 18 ans. 

Quels sont les risques des chirurgies de changement de sexe ?

La phalloplastie comme la vaginoplastie sont des opérations délicates qui comportent des risques. « Avec la phalloplastie, il peut y avoir des problèmes de cicatrisation, explique le Dr Carnicelli. Il est aussi possible que le lambeau greffé ne prenne pas, qu’il nécrose et devienne noir. Autre possibilité : quand on construit un urètre lors de la phalloplastie, on prend de la peau de la cuisse que l’on greffe dans le phallus. L’urine au contact de la peau peut entraîner un rétrécissement de l’urètre et créer d’autres soucis comme des sténoses, des diverticules, des infections urinaires. Enfin, il y a les problèmes liés aux prothèses (pour l’érection ou les testicules, ndlr), elles peuvent s’infecter, comme toutes prothèses, tomber en panne, se casser. » Avec la vaginoplastie « il y a des risques de plaies du rectum et de la vessie lors de l’opération, de douleurs post-opératoires et d’infections urinaires« . Outre ces risques, « la vaginoplastie doit être associée à un protocole de dilatation à appliquer tous les 15 jours, au début 4 par jour puis à vie tous les 10 à 15 jours pour garder la profondeur et l’élasticité du vagin et éviter qu’il se rabougrisse, même s’il y a des rapports par voie vaginale » précise le médecin. Il consiste à utiliser des bougies de dilatation qui sont du matériel médical. Un sextoy ne suffira pas car « il est mou alors que la bougie est rigide, c’est ce qu’on utilise aussi contre le vaginisme« 

Quel est le prix d’une opération transgenre ?

Les prix varient selon le type d’opérations choisies. De 2000 euros par exemple pour une mastectomie à 35 000 euros pour une phalloplastie. Mais les chirurgies de réassignation sexuelle peuvent être prises en charge par l’Assurance Maladie au titre de l’ALD 31.

« Pour qu’une demande soit acceptée par l’Assurance maladie, il faut un parcours coordonné »

Les opérations transgenre sont-elles remboursées ? 

Les opérations transgenres sont prises en charge à 100%, dans la limite du tarif de remboursement de la Sécurité sociale, à condition que la personne soit reconnue comme bénéficiaire de l‘ALD* 31. Il faut en faire la demande dès le début du parcours de transition médicale « car l’hormonothérapie coûte chère et la mammoplastie aussi » argue le Dr Carnicelli. « L’obtention d’une prise en charge demeure un point important de difficulté pour les personnes trans et pour certains professionnels de santé qui les accompagnent, car faute de clarté sur les « règles du jeu », les réponses de l’Assurance Maladie varient fortement dans le temps et l’espace, générant incertitude et délais » constatent le Dr Hervé Picard et Simon Jutant dans leur rapport de 2022. « Pour qu’une demande soit acceptée par l’Assurance maladie, il faut un parcours coordonné » confirme notre interlocuteur. La prise en charge à 100% des soins au titre des « troubles de l’identité de genre » relevait jusqu’en 2010 de l’ALD 23 (classée dans les affections psychiatriques de longue durée) pour être ensuite catégorisée en ALD 31 (hors liste). « Toutefois des CPAM exigent encore un certificat psychiatrique pour l’accès à l’ALD » notent Hervé Picard et Simon Jutant. Selon la Caisse nationale d’assurance maladie, le nombre de personnes admises chaque année à l’ALD pour « transidentité » a été multiplié par 10 entre 2013 et 2020, et 8 952 personnes bénéficient en 2020 d’une ALD pour « transidentité ». Près de 70 % des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans.

*Affection Longue Durée

Merci au Dr Damien Carnicelli, urologue à l’hôpital Lyon-Sud.

Sources

Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans. Dr Hervé Picard et Simon Jutant, avec l’appui de Geneviève Gueydan de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, Janvier 2022.

Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France. Novembre 2009. HAS 


Source : JDF Santé