Près de 500 cas de leucémie sont diagnostiqués chez les enfants chaque année en France. Elles représentent 29 % des 1 780 nouveaux cas de cancers diagnostiqués chez l’enfant de moins de 15 ans. Les leucémies infantiles sont les cancers les plus fréquents chez les enfants. Quelles sont les causes ? Quels sont les symptômes de de la leucémie pédiatrique ? Et les chances de guérison ?
Définition : c’est quoi la leucémie de l’enfant ?
Les leucémies chez l’enfant résultent d’une anomalie dans le développement des cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse (cellules précurseurs de l’ensemble des cellules sanguines : globules rouges et blancs, plaquettes). Ces cellules souches peuvent évoluer en deux grands types de cellules :
► Les cellules souches lymphoïdes, qui se transforment ensuite en lymphocytes (types de globules blancs). Trois types de lymphocytes existent : les lymphocytes B, les lymphocytes T et les lymphocytes NK ;
► Les cellules souches myéloïdes, qui produisent les globules rouges, d’autres types de globules blancs (granulocytes, monocytes) et les plaquettes.
Les leucémies constituent un cancer particulier, car les cellules tumorales envahissent l’ensemble de l’organisme à partir de la moelle osseuse, grâce à la circulation sanguine.
Quelles sont les causes de la leucémie chez l’enfant ?
Dans plus de 90 % des cas, les causes d’une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) restent inconnues. Pour les 10 % restants, les facteurs de risque reconnus sont d’ordre génétique ou toxique et liés :
- à une anomalie génétique telle que la trisomie 21 (mongolisme ou syndrome de Down),
- à l’exposition à certaines substances toxiques (benzène, métaux lourds) et aux radiations ionisantes
Il y a probablement des facteurs de prédisposition génétique, qui font encore l’objet d’études : le jumeau monozygote (vrai jumeau) d’un enfant atteint d’une leucémie risque lui aussi de développer cette maladie, surtout si celle-ci survient dans la première année de vie. « Mais il ne s’agit en aucun cas d’une maladie génétique transmissible », précise le Dr Cécile Renard, pédiatre à l’institut d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique de Lyon.
Quels sont les types de leucémie chez l’enfant ?
On rencontre principalement des leucémies aiguës, d’évolution rapide, par opposition aux leucémies chroniques plus fréquentes chez l’adulte. Selon le type de globules blancs atteints, on parle de :
- leucémie aigüe lymphoïde (lymphoblastique) si les lymphocytes (type de globule blanc) sont en cause. La Leucémie Aigüe Lymphoblastique (LAL) représente 80% des leucémies aiguës de l’enfant.
- leucémie aigüe myéloïde (myéloblastique)(LAM) si les cellules de la lignée myéloïde sont en cause (20%).
Quels sont les symptômes de la leucémie chez l’enfant ?
La leucémie aiguë survient de manière brutale et se manifeste par une insuffisance de la moelle osseuse et la prolifération de cellules anormales, l’une étant le résultat de l’autre. L’insuffisance médullaire se répercute sur les trois types de cellules sanguines. On observe alors :
- pâleur, fatigue, difficultés respiratoires (dyspnée), palpitations (tachycardie) et malaise général, c’est un signe de manque de globules rouges (anémie),
- des infections récidivantes telles que angines, bronchites, infections des gencives (gingivite), c’est un signe de manque de globules blancs normaux,
- de petits saignements dans l’épaisseur de la peau (pétéchies), des pertes de sang au niveau des gencives, du nez, etc., c’est un signe de manque de plaquettes.
- une augmentation de volume du foie, de la rate et des ganglions lymphatiques,
- des douleurs osseuses ou articulaires, au point que l’enfant peut se mettre à boiter (elles sont dues à la prolifération de cellules leucémiques dans la moelle des os concernés).
Il est rare qu’un enfant présente l’ensemble de ces anomalies. Elles peuvent souvent se résumer à un ou deux symptômes.
Comment diagnostiquer une leucémie chez l’enfant ?
► Prise de sang. « Un diagnostic de leucémie aiguë est souvent suspecté à la suite d’une analyse de sang, ou numération formule sanguine (NFS), lorsque celle-ci met en évidence une anémie, une thrombopénie ainsi qu’une neutropénie (chute du taux de leucocytes polynucléaires neutrophiles) », poursuit le médecin. « Cette analyse révèle souvent la présence des cellules leucémiques, globules blancs immatures et anormaux, appelés blastes. »
► Myélogramme. Toutefois, une simple prise de sang ne suffit pas à poser le diagnostic, ni à déterminer le type de leucémie dont est atteint l’enfant. Un myélogramme est nécessaire. Il s’agit d’un examen au cours duquel la morphologie des cellules de la moelle osseuse est étudiée au microscope. Le prélèvement de ces cellules est effectué, par ponction dans le sternum ou dans l’os du bassin. Si ce geste ne dure que quelques minutes, il peut néanmoins se révéler douloureux.
► D’autres examens de laboratoire sont indispensables pour affiner le diagnostic et le pronostic. C’est le cas de l’étude des protéines présentes à la surface ou à l’intérieur des cellules leucémiques (immuno-phénotype). Différentes techniques permettent de repérer des anomalies chomosomiques (caryotype) ou génétiques acquises (biologie moléculaire), caractéristiques de cellules leucémiques. Ces différents éléments permettent de préciser le pronostic.
► Ponction lombaire. Enfin, une ponction lombaire (elle aussi réalisée sous anesthésie locale associée à l’inhalation de protoxyde d’azote) est indispensable pour savoir si des cellules leucémiques ont infiltré le système nerveux central.
Quels sont les facteurs de risque de leucémie chez l’enfant ?
Plusieurs facteurs de risque de leucémie ont été identifiés chez les enfants :
- L’existence de syndromes génétiques (résultant de la mutation d’un ou plusieurs gènes), en particulier le syndrome de Down, le syndrome de Bloom, l’anémie de Fanconi, l’ataxie-télangiectasie, la neurofibromatose de type 1, le syndrome de Wiskott-Aldrich, le syndrome de Li-Fraumeni ou le syndrome de Shwachman-Diamond ;
- Des antécédents de leucémie dans la fratrie ;
- L’exposition à de fortes doses de radiations ;
- Un traitement antérieur par radiothérapie ou chimiothérapie ;
Parallèlement à ces facteurs connus, d’autres aspects pourraient jouer un rôle dans la survenue d’une leucémie, même si ce lien n’a pas encore été prouvé scientifiquement : l’exposition à certains rayonnements ou à des champs électromagnétiques, les pesticides, la fumée de cigarette, l’alcool, le benzène (solvant cancérigène) ou encore l’exposition maternelle à certaines peintures.
Quels sont les traitements de la leucémie chez l’enfant ?
Pour traiter la leucémie aiguë lymphoblastique chez l’enfant, on utilise avant tout la chimiothérapie. Ce traitement est classiquement divisé en plusieurs étapes :
► L’induction. C’est la phase initiale du traitement. Elle a pour but de réduire fortement la quantité de cellules cancéreuses. Il s’agit d’un traitement relativement intensif qui dure 3 à 4 semaines.
► La consolidation. Elle débute dès l’obtention de la rémission complète c’est à dire l’absence de symptômes et de signes cliniques (on ne détecte plus de cellules cancéreuses dans le sang ni dans la moelle osseuse). Cette phase du traitement fait appel à des médicaments différents de ceux utilisés lors de l’induction.
« Le taux de guérison des leucémies ne cesse de s’améliorer, »
► L’intensification. Elle fait suite à la consolidation et reprend habituellement les médicaments utilisés lors de l’induction.
« Ces phases de traitement constituent le traitement « lourd », qui dure entre 6 et 12 mois, avec des conséquences sur la vie familiale et la scolarité, poursuit le Dr Rénard. En effet, l’enfant est souvent à l’hôpital et ne peut pas aller à l’école. Heureusement, l’école à l’hôpital ainsi que de nombreux intervenants prennent le relais pour aider l’enfant et sa famille durant cette période difficile. »
► Le traitement d’entretien (dans les cas de leucémie aiguë lymphoblastique uniquement). Il vise à éviter une éventuelle reprise de la maladie et dure environ 2 ans. À l’arrêt du traitement, on procède pendant plusieurs années à une surveillance régulière qui consiste en un examen médical et une prise de sang.
Comment évolue la leucémie aigüe lymphoïde chez l’enfant ?
« Le taux de guérison des leucémies ne cesse de s’améliorer, grâce à une meilleure caractérisation de la maladie par des techniques de biologie moléculaire, et à la détection des formes plus résistantes par le suivi de la maladie résiduelle, rappelle la spécialiste. Les traitements eux aussi s’améliorent, et de nouvelles thérapies (immunothérapie, CAR T-cell) se développent pour les formes les plus graves. » La recherche ne cesse d’avancer et de permettre de guérir plus de patients, tout en essayant de diminuer les toxicités des traitements.
Quel est le taux de guérison d’une leucémie chez l’enfant ?
Le taux de guérison est de près de 90 % pour les enfants atteints de leucémie aiguë lymphoblastique et d’environ 60 % pour les leucémies aiguës myéloblastiques. On peut parler de guérison à partir des 5 ans du diagnostic de la leucémie aiguë, délai après lequel une rechute est exceptionnelle. « L’allogreffe de moelle osseuse est rarement nécessaire dans les leucémies aigües lymphoblastiques et réservée aux formes les plus graves et aux rechutes, conclut le Dr Renard. Ce traitement est plus souvent nécessaire dans les leucémies aiguës myéloblastiques « . Une étude de suivi à long terme est actuellement en cours en France (LEA = Leucémie Enfant Adolescent), et a permis de montrer que la plupart des adultes traités dans l’enfance pour une leucémie vont bien, mais que certains organes sont à surveiller plus particulièrement chez les patients allogreffés.
Merci au Dr Cécile Rénard, pédiatre à l’institut d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique de Lyon.
Source : JDF Santé