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Je suis pharmacien : ce médicament est un des plus dangereux après 60 ans, mais personne ne se méfie

« À long terme, il augmente notamment le risque d’ostéoporose et donc de fractures. »


Ils figurent parmi les traitements les plus prescrits en France. Ces médicaments, capables de calmer en quelques jours des brûlures d’estomac ou un reflux, ont conquis les patients comme les médecins. Leur efficacité rapide et leur bonne tolérance à court terme expliquent leur succès. Pourtant, derrière leur apparente innocuité, leur banalisation interroge. On les prescrit parfois de manière injustifiée, même en automédication, sans suivi médical réel alors que leur usage prolongé n’est pas sans conséquence, notamment chez les plus âgés.

S’ils sont surprescrits, c’est aussi parce qu’ils répondent à des troubles devenus extrêmement fréquents, souvent liés à notre mode de vie. « Une alimentation trop grasse, trop sucrée, le stress, la consommation excessive de café ou d’alcool – tous ces facteurs favorisent le reflux gastro-œsophagien. À cela s’ajoute la prise courante d’anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’aspirine ou l’ibuprofène, connus pour fragiliser la muqueuse de l’estomac et favoriser les ulcères », nous explique Arnaud Cinturel, pharmacien. Face à ces causes multiples, ces médicaments apparaissent comme une solution simple, rapide et efficace, bien tolérée sur le court terme – d’où leur usage massif.

Ces médicaments plus dangereux qu’on ne le pense sont les « inhibiteurs de la pompe à protons » ou IPP. Leur rôle : réduire fortement la production d’acide gastrique, en bloquant les enzymes responsables de cette sécrétion dans l’estomac. Le plus ancien et le plus connu de tous est l’oméprazole. Il est suivi par le pantoprazole, l’ésoméprazole ou encore le lansoprazole. « Utilisés ponctuellement, ils sont sûrs. Mais sur le long terme, ils peuvent entraîner carences nutritionnelles, troubles digestifs persistants, et parfois des complications plus sérieuses, notamment chez les personnes âgées » prévient notre expert. Chez les seniors, ces médicaments peuvent perturber l’absorption de certains nutriments essentiels, comme le calcium, le magnésium ou la vitamine B12. « À long terme, cela augmente le risque d’ostéoporose et donc de fractures. En modifiant le pH de l’estomac, les IPP perturbent aussi l’équilibre du microbiote digestif, ce qui peut favoriser la prolifération de bactéries indésirables, avec à la clé un risque accru de diarrhées ou, plus rarement, d’atteintes rénales », ajoute le pharmacien. Les IPP peuvent aussi réduire l’efficacité des anticoagulants.

La Sécurité sociale commence à surveiller de près la prescription des IPP. « Même si ces médicaments ne sont pas très coûteux à l’unité, leur prescription massive représente une dépense significative pour la collectivité. Des discussions sont en cours autour d’un encadrement de leur usage au long cours, notamment pour éviter les traitements prolongés injustifiés. Mais la question reste délicate : les médecins conservent leur liberté de prescription, tant qu’ils estiment que celle-ci est médicalement justifiée », conclut Arnaud Cinturel.

Merci à Arnaud Cinturel, pharmacien à Isneauville (Seine-Maritime), créateur de la chaîne YouTube LePharmaPreneur.


Source : JDF Santé