Intersexuation : définition, signes, causes, c'est quoi ?

Aussi appelée « hermaphrodisme » ou « ambiguïté sexuelle », l’intersexuation ou DSD (Disorders in Sexual Development) est un terme générique utilisé pour couvrir un vaste groupe de personnes dont les caractéristiques sexuelles primaires et secondaires (appareil uro-génital) ne correspondent pas au sexe génétique. Près de 2% des bébés qui naissent en France seraient intersexes. Souvent diagnostiqués dans la jeune enfance, ces troubles du développement sexuels peuvent parfois se révéler au cours d’un bilan d’infertilité. Plus de précisions avec nos experts.

Définition : que veut dire intersexuation et intersexué ?

Selon l’ONU, « les personnes intersexes naissent avec des caractères sexuels qui ne correspondent pas aux définitions habituelles du sexe masculin ou du sexe féminin ». Par caractères sexuels on entend : chromosomes, hormones et organes génitaux qui ne correspondent pas aux normes médicales des corps dits masculins et féminins« Ces spécificités se manifestent, par exemple, au niveau des caractéristiques sexuelles secondaires (la forme du visage, la masse musculaire, la pilosité…) ou des caractères sexuelles primaires comme les organes génitaux internes et externes et/ou la structure chromosomique et hormonale (femme avec 46 chromosomes dont 2 chromosomes XX, homme avec 46 chromosomes dont 2 chromosomes XY) » explique le Dr Victor Soulier, chirurgien urologue et sexologue. Les personnes intersexuées peuvent présenter des troubles de la fertilité, allant jusqu’à la stérilité.

« Les troubles du développement sexuels n’ont absolument rien à voir avec l’orientation sexuelle »

Parfois le recours à des traitements médicaux hormonaux est nécessaire. « Les troubles du développement sexuels n’ont absolument rien à voir avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des personnes. Ces dernières peuvent être hétérosexuelles, gays, lesbiennes, bisexuelles ou encore asexuées, et s’identifier en tant que femme, homme ou personne non-binaire (ni homme, ni femme)« , complète Julie Condemine, sage-femme et sexologue. Les causes de l’intersexuation sont encore mal connues. Mais il est important de souligner qu’on recense davantage de cas en raison d’un meilleur dépistage. « Plusieurs facteurs environnementaux sont toutefois pointés du doigt, comme les polluants organiques, les pesticides, les métaux lourds, certains perturbateurs endocriniens (phyto-œstrogènes, phtalates, bisphénols…) ou la consanguinité, souligne le médecin. Les anomalies sont la plupart du temps d’origine génétique, avec de nombreuses variations possibles, impliquant les chromosomes et/ou les gènes présents sur les chromosomes X et Y. »

Chiffres : combien de bébés intersexes à la naissance ?

« Il n’existe aucune statistique complète et fiable sur le nombre exact de naissances de personnes présentant une variation du développement sexuel, assure le médecin. Les statistiques de l’état civil ne recensent pas les personnes dites  » intersexes « . Selon les chiffres publiés par le gouvernement, les enfants intersexes représentent 1,7% des naissances, soit environ 12 800 en France en 2019.

Quels sont les signes de l’intersexuation ?

Par exemple : 

  • un clitoris jugé trop grand,
  • une soudure des lèvres génitales,
  • une absence de vagin ou d’utérus,
  • une plus forte pilosité chez une fille ou une absence de poils chez le garçon
  • l’absence de règles
  • un pénis jugé trop petit

« Les symptômes sont très variables d’une personne à l’autre ; il existe de nombreuses particularités génétiques rendant la prise en charge individuelle, médicale et génétique parfois difficile », reconnait le Dr Soulier. Les troubles du développement sexuels peuvent être dépistés ou suspectés à la naissance (ex : Hyperplasie Congénitale des Surrénales), ou apparaître seulement à la puberté, ou encore ne pas être apparentes du tout sur le plan physique. « Cela peut aller d’une anomalie hormonale dont on ne se rendra compte que tardivement lors d’investigations pour infertilité et qui ne se manifeste que par un défaut de pilosité chez un garçon par exemple – jusqu’à la présence d’une verge visible à la naissance chez une petite fille. »

Quelles sont les conséquences sur la reproduction et la fertilité ?

Les personnes intersexes ont souvent des problèmes de fertilité. « Dans certains cas, elles sont même infertiles, observe la sage-femme. Un diagnostic médical et génétique permettra de connaître l’impact supposé futur sur la fertilité et les risques de transmission à leur descendance. »

L’intersexualité est un sujet très peu abordé dans notre société française.

Opération et intersexuation

L’intersexuation n’est pas une pathologie en soi mais peut avoir des conséquences à court ou long terme. « La prise en charge est pluridisciplinaire, faisant appel aux gynécologues, aux pédiatres, aux chirurgiens, aux généticiens, aux endocrinologues reprend Julie Condemine. On s’attache à identifier le sexe dit « génétique », les particularités anatomiques afin de proposer une prise en charge individualisée. » En France, les opérations de réassignation sexuelle dans l’enfance font l’objet d’articles dans la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Dans les faits, elle n’interdit pas les interventions chirurgicales sur les bébés concernés, mais insiste sur l’obligation d’informer et d’accompagner l’enfant et sa famille. Une équipe pluridisciplinaire doit « assurer une information complète de l’enfant et de sa famille » et « veiller à ce que ces derniers disposent du temps nécessaire pour procéder à un choix éclairé », stipule l’article L. 2131-6. Un « accompagnement psychosocial approprié » doit aussi être assuré par cette même équipe. Les titulaires de l’autorité parentale doivent par exemple être informés « de l’existence d’associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes présentant une variation du développement génital »« Il apparaît fondamental de pouvoir aussi réaliser un suivi des personnes « intersexes » au cours de leur vie, aussi bien sur les plans médical et psychologique que dans le domaine social et économique », afin de mieux connaître :

► les conséquences médicales et psychologiques de leur traitement, en fonction des interventions subies et de l’âge auxquelles elles ont été pratiquées ;

► les situations d’exclusion, voire de discrimination, dont ces personnes peuvent être victimes (le rapport reviendra ultérieurement sur ce point).

« Biologiquement il n’existe pas que deux genres mais aussi un genre « neutre » « 

Quel accompagnement psychologique pour les personnes intersexuées ?

L’intersexualité est un sujet très peu abordé dans notre société française qui ne fait que ressortir davantage les tabous liés à la sexualité. « Il est certain qu’il est important d’offrir un accompagnement thérapeutique bienveillant et une écoute active pour les personnes intersexuées, assure Gwennaëlle Deroost, sexothérapeute. De leur apporter des éléments de ressources de compréhension de leur singularité pour qu’elles puissent s’accepter et accepter leur corps. Déconstruire aussi cette idée qu’elles ne sont pas dans les normes et qu’elles ont tout autant leur place et leur légitimité qu’une personne binaire puisqu’elles aussi appartiennent dans la famille des genres. Ce qui leur permettra de prendre pleinement confiance sur le fait qu’elles n’ont pas à choisir un genre qui ne les définissent pas pour exister. » Selon la sexothérapeute, le plus gros travail psychologique à faire pour accompagner les personnes intersexuées est avant tout psycho-social. « Comment ? En informant dès le plus jeune âge que biologiquement il n’existe pas que deux genres mais aussi un genre « neutre » comme le proclament les personnes intersexuées. Car même si une personne intersexuée vient consulter pour trouver une aide psychologique et regagner grandement confiance en elle, en son corps et assumer le fait qu’elle seule peut se définir, elle ne peut pas s’armer sans cesse, seule, contre l’ignorance de tous. » L’information permettra de faire rentrer l’intersexualité dans les mœurs et ainsi permettre aux intersexué.es de vivre plus sereinement sans devoir sans cesse se défendre ou justifier de leur genre ou identification à chaque « discussion curieuse car ce n’est pas habituel« . « Ce n’est pas à elles de faire un pas vers nous en se justifiant pour être comprises et acceptées mais au reste de la population de les inclure en étant dans une compréhension active et inclusive sur tous les panels sexo-biologiques existants » conclut Gwennaëlle Deroost.

Merci au Dr Victor Soulier, chirurgien urologue et sexologue à Saint-Etienne, à Mme Julie Condemine, sage-femme et sexologue à Saint-Étienne, et à Gwennaëlle Deroost (Instagram : @sublimation_gwenn), sexothérapeute à Lille et membre du comité Psychologue.net, pour leurs validations.

Source : Le RESPECT des droits des personnes intersexes, Gouvernement, 2021


Source : JDF Santé