HPI : c'est quoi, signes, comment savoir, des hypersensibles ?

La série HPI, incarnée par Audrey Fleurot dans le rôle de Morgane Alvaro, diffusée sur TF1 (et dont la 3ème saison est en préparation selon une publication de la comédienne le 18 janvier sur Instagram) met en lumière le haut potentiel intellectuel. Le diagnostic du HPI porte sur l’évaluation du QI de la personne. Parmi les célébrités concernées, l’acteur et réalisateur Franck Gastambide avait révélé dans l’émission Quotidien en 2021 avoir été diagnostiqué dyslexique par erreur alors qu’il est en fait HPI. Il avait 40 ans. « Je ne le dis jamais parce que souvent HPI, ce n’est pas bien intégré, on pense que le mec se la raconte, comme s’il était un peu supérieur » a-t-il déclaré. C’est après avoir fait l’émission « Rendez-vous en terre inconnue » en 2019 qu’il l’a découvert. « Des gens m’ont envoyé des messages pour me dire ‘tu sais, les réactions que tu as eu à certains moments sont typiques des HPI’. Donc je me suis fait diagnostiquer et je me suis rendu compte que j’avais ça. » Qu’est-ce qu’un haut potentiel intelectuel ? Est-ce fréquent chez l’adulte ? Comment reconnaître une personne HPI ? Est-elle plus sensible ? Plus intelligente ? Quelles sont ses caractéristiques

Que signifie HPI ?

HPI signifie « Haut Potentiel Intellectuel ».

Qu’est-ce qu’une personne HPI ?

Audrey Fleurot © F.Andrieu/Agencepeps/SIPA (publiée le 23/05/2022)

Le haut potentiel intellectuel (HPI) est une caractéristique individuelle qui désigne les personnes dont le Quotient Intellectuel (QI) est compris entre 130 et 160. Le QI moyen étant par convention fixé à 100, le HPI désigne donc des personnes qui manifestent des aptitudes intellectuelles exceptionnelles en comparaison de leurs pairs dans la population. « Le QI est lui-même un indice d’efficience cognitive qui est considéré comme une mesure fiable du facteur g d’intelligence générale, explique Nathalie Boisselier, Psychologue & Psychothérapeute. Selon la définition de l’intelligence donnée par un comité de chercheurs (task force) réuni par l’American Psychological Association (APA) en 1996 autour d’Ulrich Neisser, le QI évalue ainsi l’aptitude globale et variable entre les individus à traiter des idées complexes dans la vie de tous les jours, à s’adapter efficacement à leur environnement, à apprendre de l’expérience, à s’engager dans des raisonnements variés et à surmonter les obstacles en réfléchissant. »

Combien y-a-t-il de HPI en France ?  

Le seuil de QI placé à 130 fait que les personnes HPI sont rares« Ils représentent, en France et partout dans le monde, seulement 2,28% de la population (un peu plus de 1,5 million de personnes en France), avance la psychologue. Pour donner une idée plus précise, cela représente ainsi moins d’un enfant par classe. »

D’où vient ce chiffre ? « Comme beaucoup d’aptitudes humaines, l’intelligence cognitive -telle que mesurée par le QI- s’organise selon ce qu’on appelle en statistiques « une distribution normale ». La population se distribue alors sous une courbe en forme de cloche qui s’appelle « courbe de Gauss » et on parle de distribution gaussienne » explique la psychologue. « Si on fixe par convention le QI moyen à 100 (avec un écart-type à 15), nous trouverons 50% de la population au-dessus de 100 et, symétriquement, 50% de la population au-dessous de 100. Lorsque l’on arrive à 2 écarts-types au-dessus de la moyenne (2 x 15 = 30 et QI moyen = 100 + 30 = 130), on atteint le seuil du HPI le plus communément admis (QI = 130) et il ne concerne que 2,28% de la population. »

Y-a-t-il beaucoup d’adultes HPI ?

Depuis plusieurs décennies, le QI n’est plus un quotient, mais un rang dans une population de référence. « Par exemple, avoir un QI de 130 signifie que l’on est intellectuellement plus performant que 97,72% des personnes de sa tranche d’âge, répond la spécialiste. Il y a donc autant d’enfants HPI que d’adultes HPI. Cette qualification implique une mesure. C’est pourquoi on entend souvent parler de « bilan de QI ». »

« On peut identifier un HPI chez un enfant à partir de 2 ans et demi même si cela reste déconseillé »

Quel test diagnostic pour savoir si on est HPI ?

Le diagnostic du HPI porte sur l’évaluation du QI de la personne (entre 130 et 160 pour un HPI). Il existe différents tests ou échelles d’intelligence qui ont été validés par la recherche, les tests sur internet n’étant en aucun cas valides. Les plus couramment administrées dans le monde sont les échelles standardisées de Wechsler qui sont au nombre de trois et seuls les psychologues sont habilités à les administrer :

  • Wechsler Preschool and Primary Intelligence Scale (WPPSI) : pour les enfants de 2 ans et 6 mois à 7 ans et 3 mois.
  • Wechsler Intelligence Scale for Children (WISC) : pour les enfants et les adolescents de 6 ans à 16 ans et 11 mois.
  • Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS) : pour les adultes de 16 à 79 ans et 11 mois.

« On peut donc identifier un HPI chez un enfant à partir de 2 ans et demi même si cela reste une démarche déconseillée par les psychologues à ces âges précoces, à moins qu’il y ait une souffrance, un enjeu scolaire (saut de classe…), ou un enjeu diagnostique (participer au diagnostic d’un trouble du spectre autistique). Si l’identification peut se faire aussi tôt, c’est parce que l’intelligence est hautement héritable, même si ce qu’on appelle l’héritabilité varie avec l’âge. L’intelligence des enfants est plus soumise à l’influence de l’environnement, tandis que le phénomène s’inverse à partir du début de l’âge adulte l’intelligence est plus soumise à l’influence des gènes. »

Quels sont les signes d’une personne HPI ?

« Le HPI n’est pas un trouble mais une caractéristique de la personne, rappelle notre interlocutrice. On ne peut donc pas parler de diagnostic et de symptômes, mais d’identification et de caractéristiques associées. » Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas être HPI et anxieux ou dépressif. Mais après un siècle de recherche, les études scientifiques sont arrivées au consensus que le HPI ne se présentait pas comme un facteur de vulnérabilité dans le développement de troubles psychiatriques, quels qu’ils soient. « Parler ensuite de caractéristiques associées au HPI devient un exercice périlleux tant il existe de mythes, dont certains sont parfois diffusés par des psychologues ayant pignon sur rue. Il est donc difficile pour le grand public de s’y retrouver. De plus, la vérité est parfois décevante. Chacun souhaiterait pouvoir se retrouver dans des caractéristiques désirables (par exemple la pensée en arborescence), ou dans une théorie unique qui permette d’expliquer l’ensemble de ses souffrances. Or, le HPI ne le permet pas. »

Il n’existe pas de portrait-robot de l’enfant ou de l’adulte HPI.

→ Il est important de préciser qu’il n’existe pas de portrait-robot de l’enfant ou de l’adulte HPI. « Toutefois, certaines caractéristiques se retrouvent en moyenne plus souvent chez eux. Par exemple, il est assez clairement établi que le HPI est un facteur de réussite scolaire et professionnelle, et la sous-réalisation scolaire est plus un cas particulier qu’une généralité ; ce qui n’empêche pas d’être HPI et en échec scolaire ou professionnel, bien sûr. »

→ Les enfants, adolescents et adultes HPI sont en général plus motivés intrinsèquement, plus créatifs aussi. « Chez certains, cette tendance à proposer des idées nouvelles, à créer de nouvelles choses et/ou à envisager de nouvelles procédures de travail serait même déclarée comme relevant d’une seconde nature. Ils ont une tendance à maîtriser l’humour et particulièrement l’humour noir pour les adultes. Sur le plan de la personnalité, ils semblent plus stables émotionnellement (moins enclins à expérimenter des affects négatifs). Ils seraient plus ouverts à l’expérience, ce qui irait de pair avec un besoin plus grand de stimulation intellectuelle due à leurs grandes capacités d’apprentissage. Si les résultats sont moins nets de ce côté-là, une légère tendance en faveur de l’extraversion a été notée dans une méta-analyse*, avec au moins la certitude que l’association entre HPI et introversion qui a pu être faite renvoie à un mythe. »

→ Concernant l’empathie, elle a pu être montrée comme plus marquée chez les enfants HPI, mais ce résultat n’a jamais été retrouvé pour l’instant chez les adultes. 

→ « Si l’on se concentre finalement sur les adultes, il semble qu’ils soient plus sociables que leurs pairs dans la population générale. Mais ils seraient sociables « autrement ». C’est-à-dire qu’ils accorderaient plus d’importance à la manière dont ils pourraient être évalués et jugés avec une crainte d’être critiqués et rejetés, revenant une plus grande sensibilité sociale. Conjointement, ils ressentiraient un besoin moindre d’affiliation sociale. En d’autres termes, ils seraient socialement plus indépendants, avec un besoin moindre d’être assistés dans leurs projets ou lorsqu’ils rencontrent des difficultés. »

→ Dans le domaine professionnel, ils préfèreraient travailler seul, sauf lorsqu’ils se sentent soutenus par leur équipe. « L’un de leurs principaux motifs de satisfaction serait de pouvoir être indépendants dans leurs réflexions et leurs activités. Ils s’estiment également plus satisfaits de leur emploi s’ils peuvent atteindre une position qui leur permet une grande indépendance. »

Les HPI ont-ils une hypersensibilité émotionnelle ?

Il faut déjà préciser que les tests qui permettent de déterminer la présence du HPI n’évaluent pas les émotions. « Aucune étude scientifique au monde, que ce soit chez les enfants ou les adultes, n’a jamais permis d’établir que le HPI pouvait être associé à une plus grande intensité affective ou à de plus grandes difficultés de régulation émotionnelle, ajoute notre psychologue. Encore moins au fameux « ascenseur émotionnel ». C’est d’ailleurs même le contraire : les études de la personnalité qui ont recherché les liens entre l’instabilité émotionnelle (la dimension Névrosisme dans le modèle du Big Five) et le HPI indiquent toutes une corrélation négative. » On peut donc se demander d’où vient cette association entre l’intelligence et un concept (l’hypersensibilité) qui n’est même pas répertorié dans les classifications internationales ou la littérature scientifique. « Il pourrait s’agir d’une traduction approximative du concept d’hyperstimulabilité (overexcitability ou OE en Anglais) qui a été introduit par Kazimierz Dabrowski (1902-1980) au sein de sa Théorie de la Désintégration Positive. Selon ce psychologue polonais, une OE serait une hypersensibilité ou une réaction excessive d’origine biologique à des stimuli externes ou internes. Les OE permettraient d’atteindre des niveaux de développement plus élevés dans cinq domaines : psychomoteur (énergie et activité physiques élevées), sensuel (expériences sensorielles accrues), imaginaire, émotionnel (plus grande intensité des affects) et (5) intellectuel (curiosité, appétit pour l’acquisition et la maîtrise des connaissances). Néanmoins et à nouveau, les études empiriques qui ont investigué les OE chez les personnes HPI n’ont pas donné les résultats attendus par leurs auteurs ; les personnes HPI n’obtiennent des scores élevés que dans le domaine intellectuel. Dans les autres domaines, ils ne se distinguent pas de leurs pairs non-HPI. » Il semble donc que l’hypersensibilité décrite par certaines personnes renvoie plus à des difficultés de régulation émotionnelle liées à des expériences de stress ou d’adversité connues dans l’enfance. « Qui que nous soyons, HPI et non-HPI, nous sommes tous le produit des deux grandes forces qui gouvernent le développement humain : les gènes et l’environnement. En l’occurrence et concernant l’environnement, notre enfance pèse lourd. Les abus verbaux, émotionnels et physiques, la négligence, l’indifférence, la surprotection, le harcèlement scolaire par les pairs, etc. offrent une voie explicative à ce qui est certainement à tort attribué à une hypersensibilité émotionnelle héritée. Même si le tempérament (la part génétique de la personnalité) est importante, cette hypersensibilité gagnerait bien souvent à être requalifiée en termes d’hypervigilance ou d’anxiété. Car d’un déterminisme qui n’ouvre pas au changement ( » Je suis ainsi fait(e) « ), il est possible de s’ouvrir à celui-ci, notamment par le biais de la psychothérapie. »

Quel est le QI d’une personne HPI ?  

Le diagnostic du HPI porte sur l’évaluation du QI de la personne (entre 130 et 160 pour un HPI). « Même dans les définitions qui renvoient à la traduction du mot anglais  » gifted  » (surdoué), seuls deux aspects sont pris en compte : une intelligence très supérieure à la norme et/ou à l’atteinte d’un niveau d’excellence dans un domaine où s’exprime un talent », souligne Nathalie Boisselier. « Ainsi, chez les enfants, l’intelligence serait la principale unité de mesure du surdon au sens où il s’agit encore d’un (haut) potentiel. » Chez l’adulte, le surdon serait principalement qualifiable à partir de l’expression d’au moins un talent exceptionnel dans un domaine pertinent ; l’intelligence devenant alors une condition nécessaire mais pas suffisante.

L’accompagnement psychologique n’est pas une nécessité absolue.

Faut-il consulter un psy quand on est HPI ?

Si l’on revient sur l’idée que le HPI n’est pas un trouble, l’accompagnement psychologique n’est pas une nécessité absolue ; beaucoup de personnes HPI se portent très bien. « Toutefois, le HPI n’est pas un bouclier magique contre la gamme des psychopathologies qui peuvent toucher les humains, insiste notre interlocutrice. En ce cas, la consultation d’un psychologue peut vraiment aider à s’engager ou se réengager dans une vie qui fait sens pour soi, selon que ce trouble soit réactionnel ou endogène (neurodéveloppemental). » De plus, si les différences entre les personnes HPI et non-HPI sont purement et strictement quantitatives, certains auteurs ont pu défendre que cela conduisait à une expérience de vie qualitativement différente sur certains aspects. « Par exemple, les études scientifiques indiquent généralement que l’intelligence cognitive n’est pas associée à l’anxiété ou à la dépression, bien que les HPI puissent en souffrir comme tout un chacun. Néanmoins, Penney et collègues (2015) ont montré que l’intelligence verbale se présentait comme l’unique prédicteur de la sévérité des ruminations et de l’anxiété d’anticipation, tandis que l’intelligence non verbale se montrait comme l’unique prédicteur négatif de ruminations après la survenue d’un événement négatif. Ce n’est donc pas parce qu’on est HPI que l’on « rumine » mais quand cela arrive, il semble que les ruminations soient plus sévères, et que le type de rumination dépende du profil cognitif (intelligence verbale ou non-verbale dominante). » Voici l’explication que les auteurs donnaient à leur résultat : « Il est possible que les personnes plus intelligentes verbalement soient capables de considérer les événements passés et futurs de manière plus détaillée, ce qui entraîne une rumination et une inquiétude plus intenses. Les personnes dotées d’une intelligence non-verbale supérieure pourraient être plus aptes à décoder sur le moment le langage non-verbal des personnes avec lesquelles elles interagissent, ce qui réduirait le besoin de retraiter les rencontres sociales passées. »

*Ackerman, P. L., & Heggestad, E. D. (1997). Intelligence, personality, and interests: evidence for overlapping traitsPsychological bulletin, 121(2), 219.  / Wolf, M. B., & Ackerman, P. L. (2005). Extraversion and intelligence: A meta-analytic investigationPersonality and Individual Differences, 39(3), 531–542. 

Merci à Nathalie Boisselier, Psychologue & Psychothérapeute à Nice, Doctorante en psychologie Université Côte d’Azur (laboratoire CoBTeK), Chargée de cours à l’Université Côte d’Azur.


Source : JDF Santé