Première maladie génétique en France, l’hémochromatose atteint 1 Français sur 300, soit 200 000 patients. L’hémochromatose est habituellement relativement bénigne si elle est reconnue à 20-30 ans, mais souvent grave et parfois mortelle si elle est reconnue à 50-60 ans. Elle est liée à un taux de ferritine élevé (protéine permettant de stocker le fer). En cause, une mutation génétique héréditaire. Quels sont les symptômes ? Comment établir le diagnostic ? Quels sont les traitements ?
Définition : qu’est-ce que l’hémochromatose ?
L’hémochromatose est une maladie génétique qui entraîne une accumulation de fer dans l’organisme et certains organes en particulier. Le foie, le pancréas, la peau, le cœur sont les principaux organes touchés. Le fer est utilisé par l’organisme selon ses besoins. Dans le cadre de l’hémochromatose, une anomalie génétique va engendrer un message paradoxal de manque de fer ce qui va favoriser son absorption digestive. L’organisme n’étant pas armé pour éliminer le fer qui lui parvient en excès, une surcharge se développe alors progressivement.
Quels sont les symptômes de l’hémochromatose ?
Le malade ne présente habituellement aucun symptôme avant l’âge adulte jeune (« maladie génétique à retardement »), l’accumulation de fer étant très progressive (et les besoins en fer importants pendant l’enfance et l’adolescence). Les signes cliniques sont variés et dépendent des atteintes des organes. Peuvent ainsi apparaître :
- une fatigue chronique (qui souvent fera penser plutôt à un manque de fer),
- des douleurs articulaires (très évocatrices lorsqu’elles touchent les deuxième et troisième métacarpophalangiennes, atteinte qui peut être responsable d’une « poignée de main douloureuse »),
- une teinte bronzée de la peau,
- une hépatomégalie (augmentation du volume du foie) pouvant évoluer vers la cirrhose,
- un diabète,
- des troubles du rythme cardiaque voire une insuffisance cardiaque.
Qu’est-ce qui provoque une hémochromatose ?
« Pour qu’un individu développe la maladie, il faut qu’il porte deux exemplaires du gène défectueux (gène porteur de la mutation C282Y). Ce sujet est dit homozygote : il a donc reçu un gène de son père et un de sa mère ; ces deux parents sont dits hétérozygotes (ils peuvent donc transmettre leur gène mais ne sont pas malades). Il est donc important de ne plus parler « d’hémochromatose hétérozygote« , décrit le Pr Pierre Brissot, hépatologue. Avant d’ajouter : « De même, la situation appelée « hétérozygotie composite », qui associe la mutation classique de l’hémochromatose (C282Y) à une autre mutation (H63D), n’expose pas au risque d’hémochromatose et se marque tout au plus par une augmentation du taux de fer dans le sang sans conséquences cliniques. Un sujet hétérozygote composite ne doit donc pas être diagnostiqué comme étant hémochromatosique« . « Elles ne doivent plus être appelées ‘hémochromatoses secondaires’ mais surcharges en fer acquises. Elles peuvent être en rapport avec des transfusions multiples (les globules rouges étant très riches en fer) au cours de maladies hématologiques qui sont responsables d’une anémie chronique, comme les thalassémies chez l’enfant ou la myélodysplasie (appelée autrefois anémie sidéroblastique) chez l’adulte« , explique le Pr Brissot. Elles peuvent aussi être dues à une supplémentation excessive en fer par voie veineuse. Ces surcharges en fer acquises peuvent donner lieu à des complications qui ressemblent beaucoup à celles de l’hémochromatose, mais le contexte dans lesquels elles surviennent sont donc très particulières et évocatrices. Des excès en fer, habituellement très modérés, peuvent se voir dans d’autres situations, comme :
- le syndrome métabolique (surcharge pondérale, hypertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie…),
- l’alcoolisme chronique.
Comment savoir si on a une hémochromatose ?
Des analyses sanguines permettent à la fois d’évoquer la surcharge en fer, de la quantifier et d’affirmer la nature génétique de la maladie.
► L’augmentation du coefficient de saturation de la transferrine est le signe le plus évocateur du diagnostic d’hémochromatose. Il représente la charge en fer de la transferrine qui est la navette de transport du fer dans la circulation sanguine nécessaire pour délivrer le fer aux différents organes. Une augmentation au-dessus de 45 % nécessite un nouveau dosage sanguin : si celui-ci est toujours supérieur à 45 %, il faut demander le test génétique.
► La ferritine est une protéine permettant de stocker le fer dans les cellules. Elle est aussi une protéine sanguine dont le taux reflète, dans l’hémochromatose, la charge en fer de l’organisme. Toutefois, il est essentiel de garder à l’esprit qu’une hyperferritinémie ne traduit pas systématiquement une surcharge en fer. Ainsi, la cause, de loin la plus fréquente, d’hyperferritinémie est le syndrome métabolique (où la charge en fer de l’organisme est soit normale soit seulement très modérément augmentée). Dans ce cas, la saturation de la transferrine est normale. Une inflammation ou un alcoolisme peut aussi causer une hyperferritinémie hors d’une surcharge en fer.
► La recherche de la mutation C282Y est conseillée, chez un sujet donné, en cas d’élévation vérifiée de la saturation de la transferrine (le test est alors remboursé). Il confirme l’hémochromatose si la mutation est doublement présente (C282Y/C282Y). Lors d’un dépistage familial, le test génétique est l’examen clé, car il permet de « classer » les membres de la famille en sujets » normaux » (pas de mutation C282Y), hétérozygotes (1 mutation) ou homozygotes (2 mutations). Le test génétique est systématiquement remboursé dans ce cadre d’enquête familiale.
Comment soigner une hémochromatose ?
Le traitement s’appuie sur la pratique de saignées, qui permettent d’évacuer l’excès de fer. Les saignées consistent à prélever 400 à 500 ml de sang. Elles sont effectuées initialement chaque semaine puis, une fois la surcharge en fer éliminée, espacées de 2 à 4 mois. Ce traitement est effectué à vie. Il existe des médicaments capables d’éliminer la surcharge en fer mais ils ne sont qu’exceptionnellement utilisés dans l’hémochromatose, tant les saignées sont habituellement efficaces et bien tolérées. Le traitement du futur sera de supplémenter l’organisme en hepcidine de manière à corriger l’augmentation d’absorption du fer.
Quelle alimentation quand on a une hémochromatose ?
« Il n’est pas conseillé de suivre un régime sans fer, mais il convient toutefois de modérer les aliments riches en fer (comme la viande rouge) et surtout la prise de vitamine C en comprimés car elle augmente l’absorption du fer« , conseille le Pr Brissot. La prise de thé, à condition qu’elle corresponde à des volumes assez importants, peut être modérément bénéfique (car le thé diminue l’absorption du fer).
Merci au Pr Pierre Brissot, hépatologue, membre de l’Académie de Médecine et conseiller scientifique de l’Association Hémochromatose Ouest (AHO).
Source : JDF Santé