Gaz hilarant : effet, danger, combien de morts en France ?

Depuis quelques années, le protoxyde d’azote utilisé dans le champ médical, mélangé à de l’oxygène pour ses effets anesthésiants et analgésiants ou en cuisine pour les siphons à chantilly est détourné de son usage par les jeunes qui l’utilisent comme gaz hilarant. Une pratique très dangereuse pour la santé. « Les atteintes les plus graves que nous voyons aux urgences, ce sont les atteintes neurologiques, dont les paralysies persistantes induites par le gaz. On voit aussi beaucoup de brûlures, des asphyxies et des pertes de connaissance » alerte le Pr Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital Bichat.

Quel est le nom du gaz hilarant ?

Ce que l’on appelle « gaz hilarant » porte en réalité le nom de protoxyde d’azote (N²O).

Qu’est-ce que le gaz hilarant ?

Plus connu sous le nom de « gaz hilarant » ou « proto », le protoxyde d’azote N²O est à l’origine un gaz utilisé dans le milieu médical comme antalgique ou anesthésique. Il est également utilisé dans le milieu agroalimentaire en tant que propulseur, par exemple dans les siphons de crème chantilly. « C’est un gaz anesthésiant que l’on utilise depuis très longtemps en médecine. Il est très bien supporté lorsqu’il est utilisé pour des anesthésies brèves mais le protoxyde d’azote est devenu une drogue récréative dont l’usage est totalement banalisé, considéré comme normal. Les étudiants n’ont pas la perception de sa dangerosité« , commente le Pr Michel Lejoyeux.

Photo d'une ampoule de protoxyde d'azote
Photo d’ampoules de protoxyde d’azote © Inkdrop – 123RF

Gaz hilarant chez les jeunes : une tendance en hausse

Les derniers chiffres publiés par l’Anses et l’ANSM démontrent une très nette augmentation des cas d’intoxication au protoxyde d’azote chez les jeunes. « 134 cas rapportés aux centres antipoison en 2020 contre 46 en 2019, 254 signalements auprès des centres d’addictovigilance en 2020 contre 47 en 2019″. Des chiffres corroborés par l’Association Française des Centres d’Addictovigilance dans un communiqué du 23 juin 2022. Selon elle, le nombre de cas de complications sanitaires graves liés à l’usage non médical du protoxyde d’azote a été multiplié par 10 depuis 2019. Le public concerné est jeune, avec des sujets âgés de 22 ans en moyenne, dont environ 1/10 sont mineurs. Dans la moitié des cas, les consommations sont quotidiennes et peuvent atteindre jusqu’à une dizaine de bouteilles par jour. Face à ce constat, une loi visant à prévenir les usages dangereux du gaz hilarant a été promulguée le 1er juin 2021. Le texte interdit la vente de protoxyde d’azote aux mineurs dans les commerces, les lieux publics et sur internet et ce, quel que soit son conditionnement. Une interdiction qui ne s’applique pas aux majeurs, sauf dans certains lieux : bureaux de tabac, bars et discothèques. 

Quelle est la composition du gaz hilarant ?

Dans le milieu médical, le protoxyde d’azote (N2O) est un gaz liquéfié contenu dans des bouteilles. Celles-ci sont composées de 90% de liquide et de 10% de gaz. Il est administré par inhalation, et mélangé avec de l’oxygène. Il vise à diminuer la douleur sans induire un état d’inconscience. 

Comment est utilisé le protoxyde d’azote ?

Le protoxyde d’azote est utilisé dans le milieu médical, où il est soumis à la réglementation du médicament. Le secteur de l’industrie y a également recours en tant que comburant. Dans l’agroalimentaire, il fait office de gaz de compression pour les siphons de cuisine (pour faire des émulsions ou des crèmes fouettées). Le gaz hilarant se trouve donc très facilement, aussi bien sur internet que dans les supermarchés

Quels sont les effets secondaires du gaz hilarant ?

Lorsqu’il est utilisé dans un cadre médical, le gaz hilarant est très bien toléré et son effet s’estompe en quelques minutes. Il est notamment proposé aux femmes enceintes en salle de travail pour soulager la douleur des contractions. Dans un contexte récréatif, l’inhalation de gaz hilarant provoque des effets indésirables immédiats et d’autres, à plus long terme. Les risques immédiats sont :

  • Asphyxie par manque d’oxygène
  • Perte de connaissance
  • Brûlure par le froid du gaz expulsé de la cartouche
  • Perte du réflexe de toux
  • Désorientation
  • Risque de chute

En cas de consommations répétées, des troubles engageant le pronostic vital peuvent survenir : un risque d’asphyxie, des complications cardiovasculaires avec notamment des troubles du rythme cardiaque, des troubles psychiques (addiction) et des atteintes neurologiques pouvant être sévères. « Les principaux dangers du gaz hilarant sont des troubles du comportement et des atteintes des nerfs qui peuvent être irréversibles. Il peut y avoir des conséquences extrêmement dommageables voire mortelles. L’inhalation de gaz hilarant est considérée comme un amusement alors que ça ne l’est pas du tout ! Les atteintes les plus graves que nous voyons aux urgences, ce sont les atteintes neurologiques, dont les paralysies persistantes induites par le gaz. On voit aussi beaucoup de brûlures parce que c’est du gaz qui sort très froid de la cartouche et qui peut brûler la bouche au moment de l’inhalation, des asphyxies et des pertes de connaissance« , indique le chef du service de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital Bichat.

Quels effets sur le taux de vitamine B12 ?

Le gaz hilarant engendre un déficit en vitamine B12 (par carence et/ou inactivation) qui peut entraîner des atteintes de la moelle épinière et une anémie,

Le gaz hilarant peut-il entraîner la mort ?

Inhalé régulièrement et à fortes doses, le gaz hilarant peut provoquer la mort par asphyxie et arrêt cardio-respiratoire. Le cas d’un jeune homme de 22 ans, décédé le 6 août 2022 à Vitry-sur-Seine, a été rapporté dans les médias. Il a été victime d’un arrêt cardiorespiratoire suite à l’inhalation de protoxyde d’azote.

Où est vendu le protoxyde d’azote en France ?

En France, il est possible de se procurer très facilement du gaz hilarant sous forme de cartouches, en grande surface et sur Internet. « Rappelons que son usage n’est pas banal, que c’est tout sauf ludique et qu’il faut se montrer vigilant. On peut parfaitement faire la fête sans un appui de substance ! Il devient impératif de sortir de cette intoxication systématique avec des produits toxiques. Et lorsque des parents se demandent comment faire pour que leurs enfants arrêtent de prendre du Tramadol, eh bien qu’ils commencent eux-mêmes par arrêter de fumer !« , insiste le spécialiste.

Merci au Professeur Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital Bichat, auteur de En bonne santé avec Montaigne, aux éditions Robert Laffont. Source : Usage détourné du protoxyde d’azote : une pratique à risques, 22 novembre 2022, ARS Hauts-de-France.


Source : JDF Santé