Fentanyl : un analgésique 50 fois plus puissant que l'héroïne

[Mise à jour le 7 avril 2023 à 15h48] Le fentanyl est un médicament antidouleur très puissant. Après avoir été à l‘origine du décès du chanteur Prince en 2016, le fentanyl aurait aussi provoqué la mort du rappeur américain Coolio en septembre 2022, selon le rapport du médecin légiste publié jeudi 6 avril 2023 par le comté de Los Angeles, relayé par Reuters. Coolio aurait fait une overdose accidentelle, il souffrait de maladies cardiaques et d’asthme.

Définition : c’est quoi le fentanyl ?

Le fentanyl est un analgésique opioïde de synthèse dérivé de la phénylpipéridine, qui agit principalement sur les récepteurs morphiniques de type μ. Découvert dans la fin des années 1950, il est utilisé comme médicament contre la douleur, son effet analgésique étant environ 100 fois plus puissant que celui de la morphine et au moins 50 fois plus puissant que celui de l’héroïne. Ce médicament est inscrit sur la liste des stupéfiants, en raison de ses dangers pour la santé, des risques en cas de mauvaise utilisation et de la complexité de manipulation qui en découle. Chez l’Homme, la dose létale de fentanyl est estimée à 2 mg.

Indications : pourquoi prendre du fentanyl ?

Le fentanyl peut être indiqué dans la prise en charge des accès douloureux paroxystiques (accès plus forts et transitoires d’une douleur déjà présente et stable) d’origine cancéreuse, dans les analgésies post-opératoires, des douleurs chroniques intenses, des anesthésies et des neuroleptanalgésies (anesthésies provoquées à la fois par un analgésique et un neuroleptique).

Quel est le mode d’action du fentanyl ?

Le fentanyl est un agoniste morphinomimétique pur, c’est-à-dire qu’il agit sur les récepteurs de la morphine, et plus particulièrement sur le récepteur morphinique μ. Ce type de récepteur présent au niveau du cerveau, de la moelle épinière et du système digestif module notamment la réponse à la douleur, l’humeur, la dépendance physique et la motilité gastro-intestinale. L’action thérapeutique recherchée du fentanyl est avant tout une analgésie (soulagement de la douleur). Le fentanyl est une molécule lipophile (à forte affinité pour les corps gras et à faible affinité pour les substances aqueuses) et son absorption est très rapide par la muqueuse buccale, mais il peut également être administré par voie injectable ou transdermique. L’action du fentanyl sur la douleur est rapide tout comme sa durée d’action, elle dépend de la dose administrée et ainsi de sa concentration plasmatique. 

Fentanyl en patch : quand, quel délai d’action ?

Les patchs de fentanyl (dispositifs transdermiques) sont indiqués chez l’adulte dans le traitement des douleurs chroniques sévères qui nécessitent une administration continue au long cours d’opioïdes, ainsi que pour les douleurs chroniques sévères chez l’enfant (à partir de 2 ans) recevant un traitement par opioïdes. Les patchs permettent une libération continue de fentanyl dans le sang, par passage transdermique, pendant 72h soit la durée d’application du patch. Après l’application d’un premier patch, l’effet maximal est observé après 12 à 24 heures. L’effet reste ensuite stable durant les applications ultérieures (toutes les 72 heures) de patchs de même taille. Par contre en cas de changement de dosage, un délai de 12 à 24 heures est de nouveau nécessaire après la mise en place du patch.

Fentanyl en comprimé : quand, quel délai d’action ?

Le fentanyl sous forme de comprimé (sublingual, bucco-gingival ou avec applicateur buccal) est un antalgique d’action rapide, il est utilisé dans le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients adultes qui utilisent déjà des morphiniques en traitement de fond pour traiter les douleurs chroniques d’origine cancéreuse.  Il est absorbé par la muqueuse buccale en environ 30 minutes et son effet sur la douleur est observé entre 20 minutes et 4 heures après l’administration du médicament. L’effet maximal est parfois atteint en moins d’une heure, et jusqu’à 8 heures dans certains cas.

Quels sont les médicaments qui contiennent du fentanyl ?

Il existe sur le marché pharmaceutique divers médicaments à base de fentanyl, et pour lesquels les formes galéniques diffèrent. Sont commercialisés : 

  • Abstral® en comprimé sublingual (100 mcg, 200 mcg, 300 mcg, 400 mcg, 600mcg et 800 mcg) ainsi que ses génériques, 
  • Actiq® comprimé avec applicateur buccal (200 mcg, 400 mcg, 600 mcg, 800 mcg, 1200 mcg et 1600 mcg), 
  • Breakyl® film orodispersible (200 mcg et 400 mcg), 
  • Durogesic® dispositif transdermique ou patch (12 mcg/h, 25 mcg/h, 50 mcg/h, 75 mcg/h et 100 mcg/h) et ses génériques fentanyl et Matrifen®, 
  • Effentora® comprimé bucco-gingival (100 mcg, 200 mcg, 400 mcg, 600 mcg, 800 mcg) et ses génériques fentanyl, 
  • Fentanyl Piramal® solution injectable en ampoule (100 mcg/2ml et 500 mcg/10 ml) et ses génériques fentanyl, 
  • Fentanyl Renaudin® solution injectable IV/péridurale en ampoule (50 mcg/ml), 
  • Instanyl® solution pour pulvérisation nasale en récipient unidose ou en récipient multidose (50 mcg, 100 mcg, 200 mcg), 
  • Pecfent® solution pour pulvérisation nasale (100 mcg/pulv, 400 mcg/pulv), 
  • Recivit® comprimé sublingual (133 mcg, 267 mcg, 400 mcg, 533 mcg et 800 mcg).

Disponible avec ou sans ordonnance ? 

Le fentanyl ne peut être obtenu qu’au moyen d’une prescription médicale. Pour être délivré, il doit de plus être prescrit sur une ordonnance sécurisée car il fait partie des médicaments stupéfiants, pour lesquels la réglementation est stricte et très encadrée (durée maximale de prescription de 28 jours, délivrance à l’unité correspondant au nombre exact de prises prescrites, délivrance fractionnée tous les 7 jours sauf mention expresse du médecin, chevauchement d’ordonnances impossible sauf mention expresse du médecin, ordonnance rédigée en toutes lettres).

Quels sont les effets secondaires du fentanyl ? 

Les effets secondaires les plus fréquents sont des nausées, de la constipation, de la somnolence, des vertiges et des maux de tête, des difficultés respiratoires, de la sécheresse buccale, de la transpiration et une sensation de fatigue. Plus rarement, il est possible de constater une hypersensibilité, une perte d’appétit voire une anorexie, des troubles psychiatriques (dont l’euphorie), des pertes de mémoire, des modifications du goût, des tremblements, des troubles du sommeil, une vision floue, un rétrécissement de la pupille, une hypotension, une hypothermie, des troubles digestifs divers, des manifestations cutanées, des dysfonctions érectiles, un syndrome de sevrage ou encore un surdosage accidentel. En cas de surdosage en fentanyl (overdose), une dépression respiratoire, un état de choc, une hypotension sévère, une rigidité musculaire ou encore un coma peuvent survenir. Ces signes sont à prendre au sérieux, et peuvent dans certains cas mener au décès. D’autres effets délétères du fentanyl sont la tolérance (besoin de doses plus élevées au cours du temps) et la dépendance physique, qui sont très variables d’une personne à une autre.

Quelles sont les contre-indications du fentanyl ? 

Le fentanyl par voie intrabuccale est contre-indiqué en cas d’allergie au fentanyl ou à un excipient contenu dans le médicament, en cas d’absence de traitement de fond morphinique (risque accru de dépression respiratoire), en dehors des accès douloureux paroxystiques, en cas de dépression respiratoire sévère, en cas de pathologie pulmonaire obstructive sévère ainsi qu’en cas de traitement simultané par un médicament contenant de l’oxybate de sodium. La forme film buccogingival (Breakyl®) est contre-indiqué de plus en cas d’administration simultanée ou dans les deux semaines suivant l’arrêt d’un IMAO. Les patchs de fentanyl sont également contre-indiqués dans les douleurs aigues ou post-opératoires en raison de l’impossibilité de réaliser une titration de la dose dans un traitement de courte durée, et de l’hypoventilation grave voire fatale qui pourrait en résulter. Ils sont contre-indiqués en cas d’association avec la buprénorphine ou la nalbuphine. La forme injectable est contre-indiquée aussi en cas d’association à des morphiniques agonistes-antagonistes ou à la naltrexone. Enfin, une vigilance accrue s’impose avec la prise de fentanyl en raison du risque de dépendance physique, psychique et des abus qu’il peut entraîner, ainsi que du risque de syndrome de sevrage (y compris néonatal), de syndrome sérotoninergique, et des risques liés à la prise concomitante de médicaments sédatifs et de l’alcool.


Source : JDF Santé