Ejaculation rétrograde : quand le sperme reflue vers la vessie

L’éjaculation rétrograde (plus rarement appelée éjaculation sèche) se produit quand le sperme, au lieu d’être projeté à l’extérieur, reflue vers la vessie. Autrement dit, l’éjaculat n’est pas expulsé hors du pénis. C’est souvent la conséquence du traitement d’un adénome de la prostate ou d’un cancer de la prostate. Quelle cause ? Est-ce grave ? Pour la fertilité ? Quelles solutions et traitements pour retrouver une éjaculation normale ?

Définition : c’est quoi une éjaculation rétrograde ?

Habituellement, lors d’une éjaculation classique, la contraction des muscles du périnée et de l’urètre permet l’expulsion du sperme hors du pénis. « L’éjaculation rétrograde, c’est un orgasme qui survient sans émission de sperme. Le sperme est renvoyé en arrière, vers la vessie« , définit le Pr Aurel Messas, chirurgien-urologue à l’Hôpital américain de Paris. Une éjaculation rétrograde peut être partielle ou totale :

Pour une éjaculation rétrograde partielle : une partie du sperme seulement peut remonter dans la vessie tandis que l’autre suit le trajet normal de l’éjaculation. 

Pour une éjaculation rétrograde totale : tout le sperme remonte dans la vessie

Comment expliquer mécaniquement une éjaculation rétrograde ?

« Lors d’une éjaculation normale, le col de la vessie (col vésical) se ferme et permet à l’éjaculat d’être expulsé de la prostate, située sous la vessie, vers l’urètre plus bas situé puis vers l’extérieur », explique le Dr Ludovic Ferretti, chirurgien urologue, membre du Comité d’Andrologie et Médecine sexuelle de l’Association française d’urologie (AFU). Mais lors d’une éjaculation rétrograde, le col de la vessie reste ouverte (voir les causes ci-dessous), l’éjaculat bifurque et se dirige vers la vessie. 

schema-ejaculation
Schéma du mécanisme de l’éjaculation © sayukichi – stock.adobe.com / Journal des Femmes Santé

Quelles sont les causes de l’éjaculation rétrograde ?

► La cause la plus fréquente est la chirurgie de la prostate, précisément la chirurgie de l’adénome de la prostate. « A l’époque, l’éjaculation rétrograde était une conséquence quasiment obligatoire des traitements chirurgicaux, même mini-invasifs de l’adénome de prostate (ou hyperplasie bénigne de la prostate) : le traitement qu’on appelle communément le grattage, qui est une résection endoscopique – qui consiste à désobstruer la filière urinaire sous-vésicale, entraine une ouverture du col de la vessie – ou le traitement au laser Greenlight® et le laser HoLEP qui sont des traitements qui sont arrivés dans les dix dernières années qui provoquent aussi une éjaculation rétrograde. Jusqu’à présent, quand un patient nécessitait un traitement chirurgical, on le regardait droit dans les yeux en lui annonçant qu’il allait devoir subir une éjaculation rétrograde. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas parce que nous avons de nouveaux traitements qui permettent de conserver intacte la sexualité, l’érection et l’éjaculation« , explique le Pr Messas. 

La chirurgie du cancer de la prostate peut « entraîner quant à elle une anéjaculation définitive en raison de l’ablation des glandes produisant le sperme et de la ligature des canaux déférents », poursuit le Dr Ludovic Ferretti.

► Les lésions de la moelle épinière

► La prise de certains médicaments notamment en psychiatrie, certains traitements de l’hypertension (comme la guanethidine) ou certains médicaments indiqués en cas d’adénome de la prostate (alpha-1-bloquants)

► Certaines interventions chirurgicales peuvent léser les nerfs connectés au sphincter de la vessie : endoscopie du col de la vessie, chirurgies pelviennes (comme l’ablation des ganglions lymphatiques pour le traitement des cancers testiculaires) 

« Le diabète peut être à l’origine d’une neuropathie périphérique (complication du diabète), c’est-à-dire une altération de la fonction de certains nerfs. Lorsque les nerfs qui permettent de coordonner l’éjaculation sont touchés, la contraction simultanée des muscles périnéaux, permettant l’expulsion, et des vésicules séminales et de la prostate qui permettent la sécrétion et l’émission ne peut se faire de façon efficace et l’éjaculat disparaît », détaille le Dr Ferretti. 

L’éjaculation rétrograde est-elle grave ?

« Le sperme qui va dans la vessie, même s’il est mélangé avec les urines ne pose pas de problème pour les patients qui ont accompli leur désir d’enfant, rassure le Pr Messas. En revanche, cela peut être problématique chez les hommes qui veulent des enfants car cela rend stérile. Dans tous les cas, cela peut être très mal vécu pour d’autres patients, même s’ils n’ont plus le désir de féconder« . 

Quand consulter un médecin ?

« L’éjaculation rétrograde, c’est quelque chose qui est perçue de façon très variée en fonction des individus et de leur âge« , précise le Pr Messas. Il n’est donc pas forcément nécessaire de consulter en cas d’éjaculation rétrograde. Mais, il convient de consulter un médecin dans certains cas :

  • En cas de désir d’enfant
  • En cas de difficultés à uriner ou d’envies pressantes
  • En cas d’autres signes évoquant une maladie chronique comme le diabète ou les neuropathies comme la sclérose en plaques.

Quels hommes sont plus à risque d’avoir une éjaculation rétrograde ?

Les hommes ayant subi une opération de la prostate sont les plus à risque. De manière globale, les hommes âgés de plus de 60 ans sont davantage à risque.

Comment soigner une éjaculation rétrograde ?

L’éjaculation rétrograde peut poser un problème lorsque le couple désire avoir un enfant, car, comme dit précédemment, cette non-expulsion de spermatozoïdes peut entraîner une stérilité masculine. Dans ce cas, le médecin peut proposer un traitement à son patient, qui consiste à prendre des médicaments qui ont pour effet de fermer le col vésical pour forcer l’éjaculat à prendre le bon chemin. « Il s’agit le plus souvent de milodrine, ephédrine ou pseudoéphédrine, médicaments dit alpha-stimulants qui sont à manier avec précaution, car ils peuvent entraîner des effets secondaires notables, comme une hypertension et une accélération du pouls, tient toutefois à préciser le Dr Ludovic Ferretti. La pression artérielle devra être contrôlée très régulièrement. »

Quels traitements pour préserver l’éjaculation lors d’une opération de la prostate ?

► En cas d’adénome de la prostate : 

→ Pour des prostates qui vont jusqu’à 100 grammes : « Le Rezum est un traitement qui permet, en passant par la voie urinaire, d’injecter de la vapeur d’eau dans l’adénome de prostate, sous une sédation assez légère. A cause de l’augmentation de température, les cellules vont être détruites. L’adénome de prostate, qui enserre le conduit urétral, va finir par réduire de volume et donc laisser plus de place à la voie urinaire. Ce traitement est réalisé en chirurgie ambulatoire, provoque très peu d’effets secondaires et de complications, et permet de maintenir dans 95% des cas une éjaculation normale et qui a priori ne provoque aucun trouble de l’érection« , explique le Pr Messas. 

→ Pour des prostates plus volumineuses (plus de 100-120 grammes) : « Nous avons deux techniques qui permettent de conserver l’éjaculation. La première technique fonctionne avec le laser interstitiel, à différencier du laser HoLEP. C’est une fibre laser qu’on va placer à l’intérieur de l’adénome de prostate, en passant par le périnée sous un contrôle échographique et qui va permettre de réduire le volume de l’adénome de prostate. C’est un acte qui se fait en chirurgie ambulatoire et qui peut se faire sous une très légère sédation, donc qui peut également être appliqué à des patients âgés ou qui ne pourraient pas supporter un geste lourd. La deuxième technique, cette fois-ci pour de très volumineuses prostates, avec laquelle nous avons également des bons résultats est l’embolisation prostatique. C’est un acte qui est également fait en ambulatoire et qui peut être fait sous anesthésie locale. C’est un geste qui est fait en radiologie interventionnelle, après que le patient a rencontré un urologue en consultation« , détaille le Pr Messas. 

► En cas de cancer de la prostate : « Au lieu d’enlever tout l’organe comme on le faisait auparavant (dans le sein, au début, on enlevait même le muscle qui était derrière le sein, donc une intervention très mutilante) désormais, il est possible de proposer, dans certains cas, un traitement focal. Il s’agit d’un traitement où nous allons essayer de détruire uniquement la partie de la prostate qui contient la tumeur, et préserver le reste de la prostate et de ce fait préserver beaucoup mieux les fonctions urinaires et sexuelles de l’homme« , conclut le spécialiste de l’Hôpital américain. 

Merci au Pr Aurel Messas, chirurgien-urologue à l’Hôpital américain de Paris. Propos recueillis le 10 février 2023 par Anaïs Thiébaux et merci au Dr Ludovic Ferretti, chirurgien urologue, membre du Comité d’Andrologie et Médecine sexuelle de l’Association française d’urologie (AFU). Propos recueillis le 25 juin 2019 par Océane Redon. 


Source : JDF Santé