Manger cru, ou « raw foodism » aux Etats-Unis, ou encore crudivorisme permet de profiter de tous les nutriments des aliments et présente de nombreux intérêts pour la santé. Une bonne chose donc si on a envie d’essayer. Mais attention à ne pas tomber dans les pièges des extrêmistes ! En mars 2023, Thierry Casasnovas, « thérapeute », sans diplôme médical, suivi par plus de 600 000 personnes sur sa chaîne YouTube, a été placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte depuis l’été 2020 pour « exercice illégal de la profession de médecin », « abus de faiblesse » et « pratiques commerciales trompeuses », rapporte Le Parisien. Cet homme défendait dans ses vidéos la consommation d’aliments crus pour soigner le cancer et l’autisme. Le point sur les vrais bienfaits du crudivorisme pour la santé et les précautions à prendre, notamment pour bien digérer et éviter les ballonnements, avec la diététicienne-nutritionniste Caroline Seguin.
Quels sont les bienfaits du crudivorisme ?
► Préserver les nutriments des aliments. « La cuisson a l’inconvénient d’altérer certains micro-nutriments comme les vitamines, les minéraux et les polyphénols. Toutefois, il existe des astuces pour pallier à cette altération. Par exemple, on peut garder l’eau de cuisson des légumes pour faire cuire le riz et les pâtes. Ainsi, on conserve tous les micro-nutriments perdus par les légumes lors de la cuisson« , conseille Caroline Seguin. Cette astuce n’est valable que pour une cuisson à l’eau, car pour une cuisson au four ou au barbecue, impossible de récupérer les nutriments perdus.
► Mastiquer plus longtemps les aliments. « Et en mastiquant, on libère un neurotransmetteur appelé l’histamine, l’hormone de la satiété. Plus longtemps on mastique, plus vite on se sent rassasié« , explique la spécialiste. Pour augmenter le pouvoir rassasiant des aliments, privilégiez les fruits et légumes en morceaux ou entiers plutôt que mixés en smoothie, en gaspacho ou en soupe.
► Garder la ligne, en évitant d’utiliser des matières grasses pour la cuisson (à condition d’avoir la main légère pour l’assaisonnement).
► Gagner du temps dans la préparation des repas puisqu’on se passe de l’étape « cuisson ». « Autre avantage non négligeable : quand il fait chaud, on a envie de fraîcheur dans son assiette et donc d’aliments froids et légers« , argue la nutritionniste.
Quels sont les bienfaits de l’huile crue ?
« Passé 120°C, les huiles sont altérées et des substances très toxiques –comme l’acroléine– et cancérigènes peuvent s’en dégager« , précise notre experte. Les huiles crues sont donc de meilleure qualité sur le plan nutritionnel.
- Pour l’assaisonnement : préférez les huiles d’olive, de noix, de maïs ou de soja, consommées à froid.
- Pour la cuisson : préférez les huiles de tournesol, d’arachide ou de noix de coco A savoir que l’huile de colza supporte une cuisson modérée, mais perd ses oméga 3 lorsqu’elle est chauffée.
Quelle quantité d’aliments crus par jour ?
Les doses recommandées : un fruit au petit-déjeuner, une portion de légume (200 g environ) et un fruit le midi et le soir. A titre informatif, une salade composée équilibrée se compose de : 80 à 100 g de légumes, salade verte ou crudités, 100 à 150 g de féculents cuits, 60 à 100 g de protéine, 20 à 30 g de fromage. Variez les plaisirs en consommant des fruits et légumes mixés, râpés, déshydratés ou encore des graines germées qui permettent de garder intactes les enzymes et nutriments.
Manger cru fait-il maigrir ?
Manger cru permet de se passer de cuisson donc de matières grasses. A condition toutefois de ne pas noyer ses crudités sous la sauce et de manger des portions raisonnables. « Certains mangent un concombre ou un melon en entier, sous prétexte que ce sont des fruits et des légumes. » Attention : tout ce que l’on consomme a une valeur énergétique, on ne doit rien manger à volonté sous peine de multiplier l’apport calorique. De plus, manger cru augmente la mastication donc la satiété.
Quels sont les dangers du crudivorisme ?
S’ils ne sont pas cuits, les légumes et crudités vont demander un gros travail intestinal pour détendre les fibres
Les produits frais comme la viande, le poisson, les coquillages peuvent être consommés crus, mais il faut absolument s’assurer de leur fraîcheur et de leur traçabilité à l’achat. Il faut ensuite les conserver au réfrigérateur et les consommer dans les 48 heures pour éviter le risque d’intoxication alimentaire. Le lait et les œufs, qui peuvent aussi être consommés crus, ne doivent pas être gardés trop longtemps même au réfrigérateur. Certains légumes ne sont pas digestes lorsqu’ils sont consommés crus. Notamment le poireau et les haricots verts car ils comportent des fibres très dures, qui ne peuvent se ramollir qu’à la cuisson. « S’ils ne sont pas cuits, les légumes et crudités vont demander un gros travail intestinal pour détendre les fibres et permettre aux intestins de les digérer. A terme, peuvent apparaître un grand inconfort digestif, des diarrhées et des ballonnements« , prévient notre interlocutrice.
Quelles sont les contre-indications à manger cru ?
Il est déconseillé de manger ces produits crus pour les populations à risques comme les femmes enceintes, les personnes âgées, les jeunes enfants et les immunodéprimés.
Quelles précautions prendre si on veut manger cru ?
► Ne pas abuser des crudités : 1 portion par repas, pas plus ! Soit 1 grosse tomate, 1/3 de concombre, 2 carottes râpées par exemple. Mastiquez bien vos légumes crus, ce qui va permettre aux fibres d’être « pré-découpées » et aux intestins d’avoir moins d’effort à faire pour les digérer.
► Eplucher certains fruits et légumes : « Certains fruits et légumes ont une peau absolument pas digeste : le poivron ou la tomate ont une peau très riche en cellulose, une fibre indigeste. L’idéal avant de les consommer est de les ébouillanter et de les peler pour éviter le risque de ballonnement et d’inconfort digestif« , conseille la spécialiste.
► Consommer les fruits et les légumes bio et bien lavés, pour limiter les pesticides et les herbicides chimiques.
► Attention à la (dé)congélation ! La congélation n’élimine pas complètement le risque sanitaire. « Passer les aliments au congélateur, même domestique, peut éventuellement permettre de tuer les parasites comme les ténias, mais pas les œufs des parasites. Ainsi, lorsque les produits se décongèlent et retrouvent une température ambiante, il y a un risque que les œufs éclosent« , insiste Caroline Seguin. Si vous voulez manger du poisson cru, choisissez-le directement chez le poissonnier, respectez la chaîne du froid, les températures de conservation et n’attendez pas longtemps pour le consommer.
► Attention aux cueillettes ! Certains profitent des promenades dans les bois pour ramasser des baies, des fruits, des plantes ou des champignons. « A l’état sauvage, le risque sanitaire est encore plus élevé qu’avec les végétaux présents sur les états des marchés et cultivés sous serre », précise l’experte. Lavez bien vos fruits et légumes cueillis dans votre jardin ou dans la nature avant de les consommer, d’autant plus si vous les mangez crus.
Merci à Caroline Seguin, diététicienne-nutritionniste
Source : JDF Santé