Le papillomavirus humain (HPV) est un virus que l’on contracte par voie sexuelle même si les rapports sont protégés. « C’est un virus issu d’une grande famille de virus puisqu‘il existe une centaine de sous types connus (HPV 16, 18…), qui sont plus ou moins oncogènes« informe d’emblée le Dr Joëlle Robion, gynécologue. Selon les chiffres de l’Institut national du cancer, le papillomavirus serait responsable d’environ 6000 cancers par an en France. Les cancers du col de l’utérus (44 %), de l’anus (24 %) et de l’oropharynx (22 %) représentent la majorité des cas. Si les femmes sont les plus concernées par les cancers liés aux HPV (dont 2900 cancers du col de l’utérus), près d’un tiers de ces cancers touche les hommes.
Chiffres papillomavirus et cancer
Les papillomavirus humains (HPV) sont responsables de huit localisations de cancers : le col de l’utérus, l’anus, l’oropharynx, la vulve, le vagin, la cavité orale, le larynx et le pénis. « De nombreuses personnes ne vont rien développer au contact du virus et seront porteuses saines. D’autres vont développer des lésions pré-cancéreuses, car certains types de HPV peuvent induire plus ou moins de risques », informe la gynécologue.
- Les sous-types, comme le HPV 6 et le 11 qui sont les plus fréquents, peuvent « provoquer des condylomes, c’est-à-dire des verrues génitales qui sont bénignes. »
- Il existe aussi des sous-types à risques oncogènes, c’est-à-dire qu’ils peuvent être à l’origine de cancers : « Il s’agit le plus souvent du HPV 16 et 18. Cependant, ce n’est pas parce qu’on les a que l’on va avoir une lésion précancéreuse. »
« On ne peut pas quantifier le risque de développer un cancer à cause du HPV, car ce risque dépend du papillomavirus dont on est porteur et de la personne concernée », prévient la gynécologue.
Quel est le délai de survenue du cancer ?
« Cette durée n’est pas connue précisément, néanmoins il s’agit d’un processus qui nécessite plusieurs années. Chez certains patients, l’infection virale est survenue 10 à 15 ans voire plus avant l’apparition du cancer » répond Gustave Roussy.
Papillomavirus et le cancer de la gorge
« Il y a quelques années, les ORL ne connaissaient pas les cancers liés au HPV » constate la gynécologue. Aujourd’hui, les cancers de l’oropharynx (amygdales, voile du palais, arrière de la langue et arrière de la gorge) représentent la troisième localisation des cancers liés à l’infection par le papillomavirus en France (22% de 6000 cancers liés à l’HPV). Comment expliquer que le HPV cause ce types de cancers ? « Le papillomavirus peut être transmis de la zone génitale à la zone buccale via des pratiques sexuelles (rapports oro-génitaux comme la fellation ou le cunnilingus, ndlr)« répond le Dr Robion. D’ordinaire, les cancers ORL sont causés par plusieurs facteurs de risques, dont la consommation d’alcool et de tabac. « Les patients atteints d’un cancer ORL lié à un HPV sont plus jeunes. L’apparition du cancer n’est pas liée à un des facteurs de risques normalement connus dans l’apparition des cancers ORL. Ils ont aussi des cancers localisés sur des zones différentes des cancers alcoolo-tabagiques : de la base de la langue, à l’amygdale » précise le Dr Robion, gynécologue. « Les anomalies génétiques et les dérégulations cellulaires traditionnellement retrouvées dans les tumeurs induites par le tabac et l’alcool sont absentes des tumeurs associées aux HPV, ajoute Gustave Roussy. Enfin, les tumeurs HPV-induites répondent généralement mieux aux traitements et par conséquent ont le plus souvent un meilleur pronostic. »
Papillomavirus et le cancer de l’anus
Les cancers de l’anus liés aux HPV touchent chaque année quelque 1 800 personnes dont environ 1 620 femmes, selon l’Institut national du cancer. Ils représentent 90 % des cancers de l’anus. Le taux d’incidence de ce cancer est en augmentation ces dernières années, de manière plus marquée chez les femmes de 50 et 60 ans. « Les pratiques sexuelles comme le sexe anal (sodomie, ndlr), des attouchements anaux ou des sécrétions lors de rapports vaginaux, peuvent provoquer des cancers de l’anus ou de la marge anale si l’un des partenaires est porteur du HPV« , explique la gynécologue. « Chez les patients à risque, il y a de nouvelles recommandations et l’on peut réaliser une sorte de frottis de l’anus pour détecter la présence du HPV. » Les traitements envisagés sont alors les mêmes que pour un cancer qui n’est pas causé par un papillomavirus : « Cela ne change pas la prise en charge. On utilise les mêmes armes de traitement : la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie. Les traitements dépendent ensuite du stade de développement du cancer et du facteur de risque du patient. »
Papillomavirus et le cancer du col de l’utérus
« Tous les cancers du col de l’utérus sont liés au HPV« constate le Dr Robion. Selon Santé Publique France, près de 3 000 femmes développent un cancer du col de l’utérus et 1 100 femmes en meurent chaque année. Le HPV 16 serait impliqué dans 55% des cas et le HPV 18 dans 12% des cas. « Le HPV se contracte le plus souvent lors d’un rapport sexuel car il est présent sur la peau au niveau génital, mais il est extrêmement contagieux donc il peut se transmettre même si les rapports sont protégés » rappelle le Dr Robion. Le port d’un préservatif est toujours conseillé lors d’un rapport, mais un test HPV des partenaires est nécessaire.
Papillomavirus et le cancer de la vulve
« Les HPV peuvent provoquer des cancers de la vulve, mais il y a des cancers de la vulve qui ne sont pas causés par le papillomavirus » précise le Dr Robion. Pour les mêmes raisons que pour le cancer du col de l’utérus, le HPV se transmet lors des relations sexuelles, c’est par cette voie qu’il peut causer des lésions pré-cancéreuses au niveau de la vulve.
Quels facteurs augmentent le risque de cancer à cause du HPV ?
« 80 à 90% des personnes qui sont ou qui ont été sexuellement actives seront porteuses du papillomavirus à un moment ou à un autre » indique la spécialiste. Il existe plusieurs facteurs de risque :
- « La contamination est liée à l’activité sexuelle, donc plus on a de partenaires, plus on a de chances d’avoir le HPV. »
- Le tabagisme.
- Les personnes immunodéprimées : par exemple les personnes atteintes du VIH, suivant un traitement immunodépresseur, les greffées.
« On va surveiller davantage ce type de profil car on sait que s’ils sont porteurs, ils ont plus de chances de développer des lésions cancéreuses » précise le Dr Robion. « Mais ce n’est pas parce qu’on est immunodéprimé ou que l’on fume que l’on va obligatoirement avoir des lésions cancéreuses. Inversement, des personnes qui ne présentent aucun facteur de risque, peuvent avoir des cancers liés au HPV. »
Comment se faire dépister ?
Toutes les personnes ayant contracté un HPV ne vont pas forcément développer un cancer. « Si on sait que le patient est porteur et qu’il est à risque, il doit faire l’objet d’une surveillance plus étroite », explique la gynécologue.
- « Entre 25 et 30 ans on fait un frottis (examen médical de la cavité vaginale ndlr) car c’est l’âge où les femmes sont plus susceptibles d’être porteuses du HPV. »
- « De 30 à 65 ans, on réalise une recherche de HPV via un test HPV et seules les femmes porteuses d’un papillomavirus à haut risque font un frottis. »
Comment attrape-t-on le papillomavirus ?
« Le HPV se contracte par voie sexuelle car il est sur la peau au niveau génital mais il est extrêmement contagieux et peut donc se transmettre même si les rapports sont protégés« commence le Dr Joëlle Robion, gynécologue. En effet, le port du préservatif protège contre la majeure partie des infections sexuellement transmissibles, mais pas contre le papillomavirus. « Il peut aussi s’agir d’une contamination manuportée, c’est-à-dire avec la main, la bouche, durant les préliminaires. » La gynécologue précise que « des contaminations de nature non-sexuelles existent » mais qu’elles sont « beaucoup plus rares. »
Quelles mesures préventives ?
« On ne peut pas dire aux patients de changer leurs pratiques sexuelles. C’est pourquoi il n’y a pas de prévention à proprement parler » répond la gynécologue.
Elle recommande néanmoins :
- « Il faut que les femmes se fassent suivre régulièrement et passent des tests HPV ou frottis selon les cas. »
- Les personnes ressentant des symptômes ORL, gynécologiques doivent consulter.
- Eviter les facteurs aggravant comme le tabac.
- Faire vacciner ses enfants. « Le vaccin non avalent protège à 90% des lésions cancéreuses liées au papillomavirus. Depuis novembre 2020, le vaccin est enfin remboursé pour les garçons » précise le Dr Robion. « L’idéal est de faire vacciner ses enfants de 11 à 14 ans car ils auront besoin de deux doses. De 15 ans à 19 ans, ils ont besoin de 3 doses. Un rattrapage peut être effectué jusqu’à 26 ans s’il n’y a pas eu de rapport sexuel, mais dans ce cas, le vaccin n’est plus remboursé par la sécurité sociale. » La gynécologue rappelle que les femmes, même vaccinées, doivent se faire suivre régulièrement par un gynécologue.
Merci au Dr Joëlle Robion, gynécologue. Propos recueillis en 2021.
Sources : Institut national du cancer / Santé Publique France / Gustave Roussy.
Source : JDF Santé