C'est quoi le trouble dysphorique prémenstruel ou TDPM ?

On connait le SPM, moins le TDPM mais tous deux ont pour conséquence de faire chuter le moral des femmes quelques jours avant l’arrivée de leurs règles. Et ça, tous les mois. La différence ? Le TDPM ou trouble dysphorique prémenstruel est la formé sévère du SPM (syndrome prémenstruel). « Les femmes qui présentent des symptômes de trouble dysphorique prémenstruel ne doivent pas hésiter à en parler » souligne le Dr Joëlle Robion, gynécologue médicale et membre du Syngof (Syndicat des gynécologues et obstétriciens de France).. Quels sont les symptômes du TDPM ? Que faire pour mieux supporter ses cycles ? Quelles causes ? La pilule Est-ce que ça passe avec le temps ? Réponses et conseils avec le Dr Robion.

Qu’est-ce que le trouble dysphorique prémenstruel ?

Le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) est un trouble dépressif qui touche 3 à 8% des femmes en activité génitale et qui survient lors de la deuxième phase du cycle menstruel (phase lutéale). On le qualifie de « prémenstruel » car il survient avant les menstruations c’est-à-dire avant les règles. « C’est une forme sévère du syndrome prémenstruel (SPM). Comme lui, sa caractéristique est de se limiter à la phase lutéale du cycle. Quand les femmes ont leurs règles, elles vont mieux puis le trouble recommence aux cycles suivants » explique le Dr Joëlle Robion.

Comment se manifeste le trouble dysphorique prémenstruel ?

Le trouble dysphorique prémenstruel est donc une forme exagérée du SPM avec un impact plus lourd sur l’humeur et les émotions. « Les femmes ne se plaignent plus seulement de douleurs aux seins, de ventre gonflé ou de fatigue mais aussi de tristesse, d’anxiété, de crise de panique, de changement d’humeur, d’apathie, d’insomnie, de troubles la libido, d’hyperphagie ou au contraire de manque d’appétit » poursuit notre interlocutrice. Chaque femme ne présente pas tous les symptômes, elles en ressentent souvent deux, trois, quatre ou cinq avec toujours avec cette sensation de moral très bas juste avant leurs règles. « Elles ont beau savoir que c’est lié à leur cycle, elles n’arrivent pas à dépasser le mal-être lié à cette période ». La répétition de ces symptômes sur au moins de 2 ou 3 cycles doit alerter. Ils se distinguent de ceux d’une dépression puisqu’ils n’existent que dans la 2e partie du cycle menstruel. 

Quelles sont les causes du TDPM ?

Les causes du trouble dysphorique prémenstruel ne sont pas clairement identifiées. « Ce n’est pas lié à un déséquilibre hormonal« , annonce d’emblée le Dr Robion. Parmi les pistes envisagées :  une hypersensibilité aux hormones, des facteurs neuro-endocriniens (perturbation de la sérotonine et/ou de la dopamine) ou génétiques. « On pense aussi que les femmes qui ont des troubles psychiques sont peut-être un peu plus sensibles au trouble dysphorique prémenstruel » ajoute la gynécologue. 

La pilule est-elle responsable du TDPM ?

« La pilule contraceptive n’est pas un facteur de risque de ce trouble. Elle ne l’améliore pas ni ne l’aggrave » répond le Dr Robion. Une pilule à base de drospirénone fait partie des traitements pouvant être proposés aux femmes souffrant du trouble dysphorique prémenstruel. Une étude publiée en 2005 a montré que sa prise améliorait les symptômes mais « les effets restent petits » nuance la gynécologue. 

« Les femmes qui présentent des symptômes de trouble dysphorique prémenstruel ne doivent pas hésiter à en parler »

Quels sont les critères diagnostic du TDPM dans le DSM ?

Des critères diagnostic figurent dans le DSM, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par l’Association Américaine de Psychiatrie (APA). Le trouble dysphorique prémenstruel (Premenstrual Dysphoric Disorder (PMDD) en anglais) y est rangé dans les troubles dépressifs. Selon le DSM, au moins 5 symptômes doivent être présents dans la dernière semaine avant le début des règles, commencer à s’améliorer quelques jours après le début des règles et devenir minimes ou absents dans la semaine qui suit les règles :

  1. Instabilité affective marquée (sautes d’humeur, sensation soudaine de tristesse ou de larmes…)
  2. Irritabilité, colère, conflits interpersonnels
  3. Humeur nettement déprimée, sentiment de désespoir, pensées d’autodérision
  4. Anxiété marquée, tension et/ou sensation d’excitation ou d’énervement
  5. Un (ou plusieurs) des symptômes suivants :
  • diminution de l’intérêt pour les activités habituelles (travail, école…) ;
  • difficulté de concentration ;
  • léthargie ;
  • modification de l’appétit ;
  • hypersomnie ou insomnie ;
  • sentiment d’être dépassé ou hors de contrôle ;
  • symptômes physiques comme sensibilité ou gonflement des seins ;
  • douleurs articulaires ou musculaires,
  • sensation de ballonnements ou prise de poids. 

Ces symptômes ne doivent pas être attribuables aux effets physiologiques d’une substance (drogues, médicaments ou autre traitement) ou à une autre condition médicale (par exemple, l’hyperthyroïdie).

Faut-il consulter ?

Oui ! « Les femmes qui présentent des symptômes de trouble dysphorique prémenstruel ne doivent pas hésiter à en parler. Certaines sont dans une vraie détresse. Si on a un gynécologue, on va le voir et sinon on va voir son médecin généraliste » recommande le Dr Robion. Il ne faut pas rester avec ce sentiment de mal-être sous prétexte qu’il disparaît quand les règles arrivent. Car il se répète tous les mois et a un vrai impact sur la qualité de vie.

Qui consulter ?

Un médecin. Dans un premier temps, le médecin gynécologue (quand on en a un) ou le médecin généraliste. « En tant que gynécologue, je ne me sens pas de prescrire des antidépresseurs donc je ré-adresse au médecin généraliste ou à un psychiatre » témoigne le Dr Robion. Le médecin généraliste et le psychiatre peuvent prescrire des antidépresseurs à la différence du psychologue qui ne le peut pas. Ce dernier saura entendre les plaintes de la patiente mais ça ne suffira pas. « Il peut y avoir des tendances suicidaires chez certaines femmes, c’est vraiment un trouble qui peut être épouvantable. Voilà pourquoi c’est au psychiatre de prendre le relais. » Il est possible de consulter un psychiatre directement, sans l’accord du médecin traitant. C’est un médecin spécialiste reconnu dans le cadre du parcours de soins et dont les consultations sont prises en charge par l’Assurance maladie. 

Quels sont les traitements du trouble dysphorique prémenstruel ?

La première chose à faire est de réévaluer ses habitudes de vie : l’activité physique est-elle régulière ? L’alimentation est-elle variée et équilibrée sans trop de sucre, de café ou d’alcool notamment ? Y a-t-il une consommation de tabac ? Si oui, il vaut mieux arrêter. Y a-t-il trop de stress ? Si oui, il faut se mettre au yoga ou à la méditation. En bref « occupez-vous de vous » conseille d’abord le Dr Robion.

« On évalue ensuite la contraception de la patiente mais ça ne marche pas toujours » poursuit la spécialiste.

► Si rien y fait, il faut envisager le traitement de référence du trouble dysphorique prémenstruel que sont les antidépresseurs dits « inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ». Ce sont par exemple le Prozac®, le Zoloft® ou encore le Deroxat®.

Viennent ensuite les techniques chirurgicales comme l’ablation des ovaires « mais c’est un peu extrême » estime le Dr Robion. Effectivement, cette ablation chez une femme de 40 ou 45 ans entraîne une ménopause précoce non dénuée de conséquences sur sa qualité de vie.

Des injections d’hormones visant à mettre les ovaires au repos existent aussi dans la prise en charge du trouble dysphorique prémenstruel mais, là encore, cela revient à mettre la femme en ménopause. « On peut le faire ponctuellement mais pas pendant 10 ans chez une femme de 40 ans » conclut la spécialiste.

Existe-t-il des traitements naturels au TDPM ?

« La prise de calcium, de magnésium et de vitamine E pourrait avoir un effet sur l’amélioration des symptômes du trouble dysphorique prémenstruel mais il n’y a pas d’études, prévient le Dr Robion. On peut quand même essayer en compléments alimentaires comme c’est en vente libre. » Cette prise doit aller de pair avec une modification de l’alimentation et de l’activité physique si nécessaire. Et si les symptômes ne s’améliorent pas, consultez. N’attendez pas.

Merci au Dr Joelle Robion, gynécologue médicale et membre du SyngofSource : Diagnostic Criteria for Premenstrual Dysphoric Disorder (PMDD). National Library of Medicine; 2020-2022.


Source : JDF Santé