Quelle est la définition de l’alexithymie ?
L’alexithymie désigne la difficulté plus ou moins grande à lire ses émotions propres et à décoder celles des autres, entraînant ainsi des problèmes de relations affectives et sociales. Maurice Corcos, professeur de psychiatrie et psychanalyste que l’on a contacté, explique qu’il existe deux façons de comprendre l’alexithymie selon l’étymologie. Ainsi, il est possible de découper le mot en A = absence, lexi = lecture et thymie = de ses émotions. Dans ce premier cas, « le sujet est incapable d’entrer dans une relation empathique, authentique avec l’autre comme avec soi-même« . La seconde découpe étymologique est la suivante : Alex = contre et thymie = les émotions. Dans ce second cas, le sujet n’est pas incapable mais lutte contre la lecture de ses émotions et celles des autres. « La personne a une grande inquiétude à se confronter à son monde extérieur par peur d’être débordée par ses émotions, que celles-ci l’envahissent sans qu’il parvienne à les contrôler ou bien que ce que génère ou suscite en lui les émotions des autres l’envahissent également. Dans ce deuxième cas, on va pourquoi aider le patient à comprendre pourquoi et contre quoi il lutte, par exemple des fantasmes et/ou traumas colonisant son monde intérieur et qu’il projette à l’extérieur« .
Quel lien avec l’autisme ?
« L’autisme ou bien plutôt les spectres autistiques seraient marqués entre autres par des formes extrêmes d’alexithymie où une composante biologique est à prendre en compte« , analyse Maurice Corcos. Selon lui l’alexithymie peut apparaître dans toutes les formes de pathologies psychiatriques.
Est-ce un TDAH ?
Le TDAH est un trouble qui se caractérise principalement par un déficit d’attention, une hyperactivité et de l’impulsivité. Il est difficile de confirmer s’il existe un lien entre TDAH et alexithymie. Cependant, « les personnes hyperactives ayant une expression comportementale agressive ou agitée témoignent souvent d’une humeur dépressive et d’un trouble de la régulation émotionnelle. Si elles sont agitées, il faut préalablement à toute chose (un sujet tout seul ça n’existe pas) chercher ce qui ne va pas avec l’entourage. Le problème dans le cas d’un TDAH est de proposer uniquement des traitements qui tranquillisent la personne, les encourager à s’exprimer est fondamental », déplore le psychanalyste.
Quelles sont les causes de l’alexithymie ?
Une cause biologique est recherchée – Maurice Corcos, quant à lui, assure qu’il « suffit souvent de parler avec le patient alexithymique pour constater que celui-ci a vécu une vie de traumatismes ». Ainsi, l’hypothèse traumatique est l’une des causes de l’alexithymie. « La plupart du temps, ils ne souhaitent pas voir refluer des souvenirs traumatiques donc ils chloroforment leurs angoisses, et défensivement ne descendent pas au plus profond d’eux- mêmes.«
Quel test faire pour savoir ?
« Le diagnostic doit se faire avec un thérapeute lors de plusieurs séances en favorisant l’écoute du patient et ses expressions infra-verbales. Un test sur ordinateur est, selon lui, très déconnecté. »
Quels sont les traitements de l’alexithymie ?
La psychothérapie comme l’hypnose et l’EMDR est le traitement approprié. « Ces techniques permettent au sujet d’être accompagné lors de la descente dans l’exploration de son monde intérieur. On fait remonter un antécédent traumatique et on le désensibilise ». Maurice Corcos prévient cependant : « si on ne travaille pas suffisamment tôt sur ces questions existentielles, on se désertifie, on s’anesthésie et c’est là qu’apparaît l’alexithymie. Il faut que le cerveau pense et pas seulement contrôle, que l’activité psychique soit au travail. Je ne dis pas qu’il faut affronter la douleur tout le temps mais si on ne le fait pas du tout, on laisse travailler à l’intérieur de nous quelque chose qui progressivement nous maîtrise et nous aliène. On crée une bombe à retardement à l’intérieur de soi qui peut exploser à un moment où on va rencontrer quelqu’un ou quelque chose qui va réactiver le traumatisme. Il est donc important de prendre cela au sérieux très tôt dès l’enfance ou l’adolescence.«
Merci à Maurice Corcos, psychanalyste, auteur de Qu’est-ce que l’alexithymie. Dernier ouvrage paru : Destruction et désaffiliation : psychopathologie de la violence à l’adolescence Dunod – 2023
Source : JDF Santé