[Mis à jour le 17 février 2023 à 11h00] Atteint d’aphasie, l’état de santé de Bruce Willis se serait dégradé. L’acteur de 67 ans serait atteint de démence fronto-temporale (DFT ou dégénérescence fronto-temporale), une maladie neurodégénérative qui s’apparente à la maladie d’Alzheimer, a annoncé son ex femme Demi Moore le 16 février 2023 sur son compte Instagram. « Depuis que nous avons annoncé le diagnostic d’aphasie de Bruce au printemps 2022, l’état de Bruce a progressé et nous avons maintenant un diagnostic plus précis : la démence frontotemporale. Malheureusement, les problèmes de communication ne sont qu’un symptôme de la maladie à laquelle Bruce est confronté« , écrit-elle sur son post. « La DFT est une maladie cruelle dont beaucoup d’entre nous n’ont jamais entendu parler et qui peut frapper n’importe qui. Pour les personnes de moins de 60 ans, la FTD est la forme de démence la plus courante« , peut-on lire sur le site de l’association AFTD (The Association for Frontotemporal Degeneration).
Définition : qu’est-ce que la démence fronto-temporale ?
Les dégénérescences lobaires fronto-temporales (DLFT) ou démences fronto-temporales (DFT) représentent la deuxième cause de démences dégénératives préséniles après la maladie d’Alzheimer. « On parle plus volontiers maintenant de dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT), le terme « démence » correspondant à un stade avancé de la maladie et étant difficile pour les patients et familles » précise le Dr Isabelle le Ber, neurologue spécialiste des DFT au sein du centre de référence des démences rares ou précoces à la Pitié-Salpêtrière et chercheuse à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM). Il existe 3 formes cliniques principales :
- la forme la plus fréquente est caractérisée par des troubles du comportement inauguraux,
- deux autres formes plus rares sont caractérisées par des troubles du langage entravant la communication verbale dès le début de la maladie. Les troubles comportementaux, du langage et les troubles cognitifs qui sont associés évoluent progressivement vers une perte d’autonomie (correspondant au stade de ‘démence’).
La prévalence des démences fronto-temporales est de 10 à 15 sur 100 000 individus. On estime que 6000 à 10 000 personnes en France en seraient atteintes.
Quelles sont les causes d’une démence fronto-temporale ?
Les démences fronto-temporales sont dues à l’altération progressive de certaines zones du cerveau (zones frontales à l’avant du cerveau et temporales sur les côtés du cerveau). « Trois types de lésions peuvent être observés dans le cerveau des patients atteints de DFT. Elles sont constituées de trois protéines différentes (TDP-43, TAU ou rarement FUS) qui s’accumulent dans les cellules du cerveau dans chacun de ces 3 formes« , indique le Dr le Ber. La cause de la maladie et de la constitution de ces lésions ne sont pas connues dans la majorité des cas, mais parfois une cause génétique peut être identifiée. Ces causes génétiques concernent 20% des patients environ, généralement quand d’autres personnes de sa famille sont également atteintes de DFT. La majorité des patients n’ont pas de forme génétique, et dans ce cas la cause demeure inconnue.
Quelles différences avec la maladie d’Alzheimer ?
Les démences fronto-temporales qui débutent vers 60 ans
Le démences fronto-temporales et la maladie d’Alzheimer sont des démences dégénératives dites ‘apparentées’ car elles se caractérisent toutes les deux par des troubles cognitifs. Néanmoins, ce sont en fait des maladies bien différentes. La maladie d’Alzheimer, qui est la première cause de démence débute généralement plus tardivement (vers 70-80 ans) que les démences fronto-temporales qui débutent vers 60 ans. « Les symptômes sont différents : la maladie d’Alzheimer débute en général par des troubles la mémoire, alors que les premiers troubles dans la DFT sont des troubles du comportement et du langage. Enfin, les régions du cerveau qui sont touchées (lobes frontaux et temporaux dans les DFT ; alors que ce sont les ‘régions hippocampiques’ de la mémoire qui sont prioritairement touchées dans la maladie d’Alzheimer) et les protéines qui constituent les lésions dans le cerveau sont également différentes » décrit la neurologue.
Quels sont les symptômes d’une démence fronto-temporale ?
Les démences fronto-temporales se manifestent, au début, par des troubles comportementaux et du langage avant d’affecter plus tardivement d’autres fonctions cognitives et neurologiques. Les manifestations de la maladie sont variables selon les personnes et selon le stade d’évolution de la maladie. Les symptômes qui débutent en général entre 50 et 65 ans et, dans la forme la plus classique, sont représentés par :
- Une apathie, une perte d’intérêt pour les activités habituelles, un isolement social
- Des troubles du comportement marqués par des comportements sociaux inappropriés, une désinhibition, une irritabilité,
- Des troubles des conduites alimentaires : précipitation sur la nourriture, boulimie, changement des goûts alimentaires…
- Des troubles du contrôle des émotions : instabilité émotionnelle, émoussement affectif, émotivité inappropriée
- Des comportements répétitifs ou stéréotypés
- Des troubles du langage (réduction du langage) et cognitifs (difficultés de concentration et attentionnelles, difficultés de raisonnement, de jugement…) sont associés et s’aggravent avec l’évolution. Lorsque la maladie progresse, la personne malade perd peu à peu son autonomie et devient incapable d’effectuer seul(e) les gestes quotidiens.
Diagnostic : existe-t-il des tests à faire ?
Le diagnostic est suspecté par un médecin et posé par un neurologue ou un médecin spécialiste. Il est basé sur une série de tests permettant d’évaluer les fonctions cognitives de la personne. Ces tests cognitifs permettent également d’évaluer le stade d’évolution de la maladie. « Le diagnostic est conforté par des examens d’imagerie cérébrale : une IRM cérébrale, souvent complété par un examen du métabolisme du cerveau par TEP-FDG. Ces examens d’imagerie peuvent révéler des anomalies (‘atrophie’ ou ‘hypométabolisme’) des régions frontales et/ou temporales » ajoute le Dr Isabelle Le Ber. Des examens biologiques, une ponction lombaire ou un électroencéphalogramme peuvent être effectués afin d’éliminer d’autres pathologies, en particulier une maladie d’Alzheimer.
Quels sont les traitements pour la soigner ?
Aucun traitement ne permet de guérir les démences fronto-temporales.
Aucun traitement ne permet de guérir les démences fronto-temporales. Néanmoins, des traitements peuvent améliorer les symptômes les plus gênants (agressivité, déambulation…) comme certains anti-dépresseurs. La prise en charge doit être complétée par un travail de stimulations cognitives pour maintenir autant que possible des fonctions cognitives, mais également par les aides sociales et humaines. La prise en charge des personnes souffrant de démence frontale est pluridisciplinaire incluant médecins, psychiatres, orthophonistes, et doit être complétée par une prise en charge psychologique du patient et un soutien des ses proches. L’aide des associations de patients est également importante (France-DFT, France Alzheimer…).
Quelles sont les complications ?
Les personnes atteintes de démences fronto-temporales décèdent le plus souvent des complications de la maladie (chutes, complications de la grabatisation, fausses routes…)
Quelle espérance de vie en cas de démence fronto-temporale ?
L’espérance de vie à partir du diagnostic est en moyenne d’une dizaine d’années. Néanmoins, elle est très variable selon les personnes et il peut y avoir des évolutions plus longues. Il n’y a à l’heure actuelle pas de facteurs permettant de donner une idée précise de la vitesse de progression. En vingt ans, d’importantes avancées en matière de recherches ont été faites avec une amélioration des critères de diagnostic et de la classification clinique de ces maladies, l’identification des protéines qui constituent les lésions cérébrales, l’identification des causes génétiques et le développement d’outils qui permettent d’améliorer le diagnostic différentiel avec d’autres maladies comme la maladie d’Alzheimer. « Ainsi, nous savons maintenant qu’il n’y a pas une DFT, mais des DFT différentes avec des présentations cliniques, et des lésions différentes. Nous connaissons maintenant beaucoup mieux ces différentes formes de la maladie, ce qui permet de mieux les diagnostiquer en d’en améliorer la prise en charge. Les recherches actuelles se concentrent sur la compréhension de leurs mécanismes pathogéniques, l’identification de biomarqueurs pour leur diagnostic et le suivi de la progression de la maladie, et bien sur la recherche de traitements. Dans ce domaine, des pistes thérapeutiques intéressantes sont en cours de développement dans le cadre de protocoles de recherche, en particulier dans les formes génétiques de la maladie » développe la neurologue.
Merci au Dr Isabelle le Ber, neurologue spécialiste des DFT au sein du centre de référence des démences rares ou précoces à la Pitié-Salpêtrière et chercheuse à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM)
Source : JDF Santé