
En France, toutes les femmes ont le droit de faire congeler leurs ovocytes, sans motif médical et en étant intégralement prises en charge par l’Assurance maladie depuis la loi de bioéthique de 2021. Une très belle avancée qui a un revers : celui de devoir attendre des mois voire des années avant de pouvoir réaliser la fameuse ponction. Or, il y a un âge limite pour le faire. C’est une course contre la montre qui se joue pour celles qui se lancent dans cette démarche. Laeticia en fait partie. Elle nous raconte.
Tout a commencé par une discussion entre copines à la terrasse d’un café : « Mes amies parlaient de la congélation d’ovocytes et de devoir aller en Espagne pour le faire parce qu’en France c’était trop tard pour elles. » Trop tard ? « Elles m’ont dit : Laeticia, fais attention. En France, c’est 37 ans maximum pour congeler ses ovocytes et il y a au moins 1 an d’attente. Un an ? Mais j’ai déjà 35 ans. » Dans la tête de Laeticia, les pensées se bousculent : « Je ne pensais pas devoir faire ça si tôt. La décision était difficile à prendre. » Ses amis insistent, elle prend rendez-vous chez sa gynécologue.
« Les délais pour avoir un rendez-vous sont monstrueux »
Le jour J, l’appréhension grandit. « J’avais peur du regard du médecin sur ma situation, être encore célibataire à 35 ans et décider alors de congeler ses ovocytes… Mais, ça a été tout le contraire. Je n’ai eu aucun jugement. Ma gynécologue m’a rassurée en me disant que ce n’est pas parce que je suis célibataire à 35 ans que j’allais l’être toute ma vie. Elle m’a dit de voir cette démarche comme une sécurité. » Un regard bienveillant du corps médical qui aide la jeune femme à avancer. « Ce n’est pas une démarche que l’on fait par plaisir, elle est contraignante, longue. Même si je sais que c’est une chance de pouvoir la faire, surtout en France où c’est entièrement pris en charge, le fait que les médecins ne jugent pas aide beaucoup. » En revanche, sa gynécologue est très claire : « Elle m’a dit qu’au regard de mon âge et des délais c’était « maintenant ou jamais ». » Pour Laeticia, « les femmes doivent savoir ». « Je veux les alerter sur le fait qu’il ne faut pas attendre 37 ans pour congeler ses ovocytes même si c’est l’âge légal en France. Le parcours est long, moi à 35 ans, c’est déjà presque limite. »
La gynécologue lui donne la liste des hôpitaux disposant d’un centre de préservation de la fertilité : « Ce n’est qu’à partir du moment où on a un rendez-vous dans un de ces centres que le protocole est ouvert. Je pensais trouver un rendez-vous facilement mais pas du tout. Je les ai tous contactés. Les délais sont monstrueux et, en dehors de votre région, les centres ne vous prennent pas comme ils croulent sous les demandes. » Selon les chiffres officiels, les délais d’attente sont de 10 à 12 mois avant la prise en charge médicale pour congeler ses ovocytes et jusqu’à 4 ans ensuite avant la ponction. Laeticia finit par trouver un rendez-vous. « Là encore, le médecin que j’ai vu était très bienveillant, je n’ai pas eu besoin de justifier les raisons de ma démarche, il ne m’a posé aucune question. »
« Je n’aurai plus la pression de devoir rencontrer quelqu’un maintenant »
Le médecin lui explique le déroulé du protocole, les examens à mener, la phase de stimulation ovarienne (sous forme de piqûres cutanées pendant 10 jours, NDLR) puis la ponction. « Ce qui me fait le plus peur maintenant c’est le test de fertilité. On peut me dire que j’ai la fertilité d’une femme de 25 ans ce qui serait une très bonne nouvelle ou, au contraire, d’une femme de 45 ans. Dans ce cas-là, l’hôpital ne me prélèvera pas. C’est pour ça qu’il faut vraiment s’y prendre tôt pour mettre toutes les chances de son côté (les femmes peuvent le faire à partir de 29 ans en France, NDLR). » Une fois les examens validés et la date de la ponction prévue, il faut se rendre disponible pendant 15 jours. « Il ne faut pas prévoir de vacances, s’organiser au travail. Si l’hôpital appelle pour réaliser la ponction, il faut y aller presque tout de suite. » Pour Laeticia, la congélation devrait intervenir avant la fin de l’année 2025. « Je serai très fière de moi d’avoir passé cette étape, ça m’enlèvera une grosse pression parce que j’aurai le choix et je n’aurai plus à penser de devoir absolument rencontrer quelqu’un maintenant. » Plusieurs médecins lui ont confié que des patientes avaient trouvé « le bon » peu de temps après avoir terminé leur protocole. « Je me le souhaite. Et sinon, je laisse la porte ouverte de faire un enfant toute seule. »
Les femmes peuvent utiliser leurs ovocytes jusqu’à leur 45e anniversaire. Chaque année, elles ont le choix entre les conserver, les utiliser pour une PMA, les donner à des personnes en attente d’un don ou à la recherche scientifique, et mettre fin à leur conservation. Pour Laeticia, le choix de l’après est fait : « Je donnerai mes œufs à la science quand j’aurai dépassé l’âge légal. Je redonnerai ce qu’on m’a donné. »
Entretien réalisé le 14 octobre 2025.
Source : JDF Santé