La bigorexie désigne une dépendance au sport. Cette addiction à la pratique sportive ou à l’effort est parfois appelée « sportoolism » ou anorexie athlétique. Elle peut aussi bien toucher les sportifs professionnels que les sportifs amateurs. Quelles sont les causes d’une bigorexie ? Comment la reconnaître ? Quels sont les conséquences et les dangers ? La meilleure prise en charge pour la soigner ? Explications de Bertrand Guérineau, psychologue à l’Antenne Médicale de prévention et de prise en charge des Conduites Dopantes (AMCD)
Quelle est la définition de la bigorexie ?
La « bigorexie » est souvent caractérisée par la dépendance à l’activité physique et sportive. Or, « il s’agit d’une définition réductrice et qui peut paraître un peu confuse pour la plupart des gens« , rétablit d’emblée Bertrand Guérineau. En réalité, derrière ce terme peuvent se cacher plusieurs troubles. « L’addiction au sport est souvent associée à des troubles alimentaires. On parle d’anorexie inversée lorsque la personne a recours à une alimentation exclusivement au service de la prise de masse musculaire. Mais aussi d’anorexie athlétique, qui concerne davantage les jeunes femmes et qui est quant à elle la volonté de maintenir un poids maigre, tout en pratiquant des disciplines d’endurance (course à pied, vélo, roller…) », explique le psychologue. Ce ne sont pas des anorexies classiques – mentales et restrictives – car la personne doit tout de même ingérer des aliments pour pouvoir pratiquer un sport, mais plutôt des anorexies comportementales. Enfin, la bigorexie peut parfois être associée à une orthorexie, un trouble regroupant un ensemble de pratiques alimentaires qui se caractérisent par la volonté obsessionnelle d’ingérer une nourriture saine et le rejet systématique des aliments perçus comme mauvais pour la santé.
Quelle est l’origine du mot « bigorexie » ?
Le mot « bigorexie » se compose du mot « big » qui signifie « gros » ou « grand » en anglais et du suffixe grec « orexis » qui signifie « appétit », donc le terme signifie littéralement « grand appétit » dans le sens où la personne « en veut toujours plus ». Par extension, le mot bigorexie signifierait « soif de grandeur ».
La bigorexie est-elle une maladie reconnue par l’OMS ?
La bigorexie est une maladie reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) depuis 2011, mais reste encore peu connue en France. Elle peut aussi bien toucher les athlètes de haut niveau que les sportifs amateurs, devenus dépendants à la suite d’une pratique excessive de sport.
Quelles sont les causes possibles de la bigorexie ?
La cause de la bigorexie est psychologique. La personne qui souffre de bigorexie et de troubles alimentaires associés est à la recherche perpétuelle du corps parfait. Modeler son corps, faire fondre la graisse, se muscler à outrance ou atteindre un poids faible font partie de leurs motivations. Le sport n’est plus considéré comme un simple plaisir ou un divertissement, mais devient obsédant, presque contraignant et doit correspondre à une « routine journalière ». « La sensation de bien-être liée à la production d’endorphines ou la recherche de prouesses techniques peuvent être liées, mais ne sont généralement pas leurs buts premiers« , explique Bertrand Guérineau.
Quels sont les symptômes de la bigorexie ?
La principale difficulté réside dans le dépistage de cette addiction et des troubles alimentaires associés. « Il est très difficile de repérer cette addiction comportementale, car la courbe de poids n’est pas forcément alarmante« , précise le psychologue. Et d’ajouter « qu’au-delà de la courbe de poids, c’est le profil psychologique et le fonctionnement mental qui vont donner des indices sur une potentielle dépendance« . De plus, ce n’est pas forcément le temps passé à faire du sport qui est révélateur d’une bigorexie, mais plutôt les répercussions sur la vie privée ou professionnelle :
- Un comportement obsessionnel
- Un isolement social
- Un sacrifice de tout au profit du sport
- Une perte d’intérêt pour tout ce qui ne touche pas au sport
- L’argent dépensé dans la pratique sportive (protéines, équipement, abonnement à la salle de sport, licences à un club, alimentation healthy…)
- Une culpabilité et une irritabilité si la personne n’arrive pas à faire tous les entraînements physiques qu’elle s’impose
- Le fait de mentir sur sa pratique sportive
- Le manque de recul malgré la connaissance des conséquences négatives sur la santé (risques de blessures graves, de recours à du dopage…).
« Ces caractéristiques sont d’ailleurs communes à toutes les addictions comme l’alcoolisme, la toxicomanie, la nymphomanie ou la dépendance aux jeux vidéo« , précise le psychologue.
Quels sont les dangers et les conséquences de la bigorexie ?
La bigorexie entraîne une dépendance et donc des problèmes psychologiques (listés préalablement). Mais aussi des problèmes physiques, surtout si la pratique est très intense :
- Un épuisement
- Une fracture de fatigue
- Une déchirure musculaire
- Une tendinite
- Un infarctus
Comment soigner une bigorexie ?
« On vit dans une société axée sur la santé, la minceur et l’alimentation healthy. La valorisation du fitness et du sport – notamment avec l’émergence des box de cross-fit dont le seul but est d’avoir un corps parfait – favorise cette problématique« , déplore le spécialiste. De ce fait, les personnes dépendantes au sport vont très rarement consulter. « Pourtant, comme pour toute addiction, une prise en charge, idéalement pluridisciplinaire, est nécessaire« , ajoute-t-il. Il est par ailleurs important que les professionnels de la santé, les entraîneurs et les personnes travaillant dans les milieux sportifs soient sensibilisés à cette pathologie, afin de pouvoir diriger rapidement les personnes dépendantes vers des spécialistes adaptés. Comme pour toutes addictions, il est possible de se faire aider par un psychologue, un addictologue, un médecin du sport, mais aussi dans un Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) où se trouvent de bons interlocuteurs. Toutefois, cette prise en charge n’est possible que si la personne reconnaît avoir besoin d’aide et accepte de vouloir changer.
► Voir l’annuaire des Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) de France
Merci à Bertrand Guérineau, psychologue à l’Antenne Médicale de prévention et de prise en charge des Conduites Dopantes (AMCD)
Source : JDF Santé