Anne, narcoleptique : "Je m'endormais partout, tout le temps, j'avais pris 20 kg de façon inexpliquée"

A l’occasion de la Journée mondiale du Sommeil du 17 mars 2023, nous avons rencontré Anne, 40 ans, qui est atteinte de narcolepsie. La narcolepsie est une maladie rare : elle touche 10 000 à 30 000 personnes, selon les chiffres de l’Inserm. Elle se caractérise par un sommeil nocturne de mauvaise qualité, une somnolence diurne ainsi que d’irrépressibles endormissements, qui peuvent survenir à n’importe quel moment de la journée, alors même que la personne est en pleine activité. Il existe deux types de narcolepsies : la narcolepsie de type 1 s’accompagne d’une perte brutale du tonus musculaire (cataplexie) et survient à la suite d’une émotion forte comme la colère, la peur, la joie… La narcolepsie de type 2 se caractérise par une fatigue permanente en journée, des envies fortes de dormir, mais elle est totalement exempte de cataplexies. Quel que soit le type, cette maladie est incurable : la prise au long cours de médicaments permettant de rester éveillé la journée et d’améliorer la qualité du repos la nuit sont, pour le moment, les seuls remèdes.

Fatigue, irritabilité, prise de poids « les symptômes augmentent »

C’est à 35 ans que les premiers symptômes se sont déclarés. « A l’époque, j’étais infirmière et j’avais en parallèle repris des études pour devenir cadre de santé, nous explique-t-elle. J’avais souvent des coups de fatigue intenses. Mais je mettais ça sur le compte de ma vie à 200 Km/h. J’avais aussi un mauvais sommeil, mais à cette époque, j’avais vécu des deuils dans mon entourage et là encore, je me disais que ce pouvait en être la cause. » Le médecin qu’elle contacte lui prescrit des antidépresseurs, mais ce traitement ne change rien à l’affaire. « Les symptômes augmentaient crescendo : je m’endormais partout et tout le temps, que ce soit durant les cours en amphi, dans les transports ou même en mangeant… La fatigue était horriblement forte, comme si je n’avais pas dormi depuis 3 jours. J’étais aussi très irritable et moi qui étais sportive à l’époque et qui faisais attention à mon alimentation, j’avais pris 20 kg de façon inexpliquée. » Parfois Anne fait quelques épisodes de cataplexies partielles : sa mâchoire chute, ses genoux se dérobent« Un jour, je faisais du vélo et j’en suis tombée parce que je me suis endormie au feu rouge, comme ça, en quelques secondes ! Ça a été la goutte d’eau ! Je voulais comprendre ce qui m’arrivait. J’ai décidé de consulter. »

« Au questionnaire pour la narcolepsie, je coche toutes les cases »

Son médecin traitant lui propose de réaliser une polysomnographie car il suspecte des apnées du sommeil. « J’ai passé la nuit dans un centre du sommeil pour enregistrer la qualité de mon repos nocturne, mais cet examen ne révèle rien de particulier. En revanche, le médecin du centre me fait remplir un questionnaire pour mesurer ma somnolence diurne et là, je coche toutes les cases : oui, je m’endors en un claquement de doigts au cinéma, en lisant, en étant passager dans une voiture ou même en parlant avec quelqu’un. » Dès lors, il lui propose de faire un enregistrement plus poussé de son sommeil. Le diagnostic tombe immédiatement : Anne est narcoleptique de type 1. C’est une maladie rare et surtout incurable. « Sur le moment, je suis partagée : bonne nouvelle, je sais enfin ce que j’ai, mais mauvaise nouvelle, c’est une maladie pour laquelle il n’y a pas de traitement curatif. Et je panique : comment vais-je faire pour continuer à vivre normalement maintenant ? Comment vais-je pouvoir poursuivre mon métier que j’adore ? »

« Quel que soit le traitement, il y a toujours des réactions indésirables »

Son médecin lui prescrit le traitement de première intension, du Modafinil, un médicament de la famille psychostimulants. Il lui permet de tenir éveillée la journée. « Ça a été génial pendant un mois : j’ai retrouvé mon énergie et ma vivacité d’esprit. Mais rapidement l’organisme s’est habitué et les effets se sont estompés. » Comme il existe 7 classes de médicaments différents, son médecin lui propose d’essayer une autre molécule, le méthylphénidate. « Le traitement marchait très bien : il avait une vraie action « on-off » sur moi mais les effets secondaires étaient trop éprouvants. Alors on a encore changé le traitement : je suis passée au solriamfetol, puis au pitolisant. » A force d’essais, Anne et son médecin parviennent à trouver une combinaison qui lui convient à peu près bien. « Il associe le pitolisant pour améliorer la vigilance diurne à un traitement à prendre la nuit, l’oxybate de sodium, pour améliorer la qualité du sommeil et éradiquer les cataplexies. Avec cette association, je suis à environ 70 % de ma forme, il m’arrive encore d’être très fatiguée. Mais je n’ai plus ces envies de dormir soudaines et irrépressibles, j’assure mieux en journée. » Seulement, cette solution a aussi des effets secondaires difficiles : Anne a des maux de tête parfois très forts. « Mais j’en fais mon affaire car quel que soit le traitement, il y a toujours des réactions indésirables. A moi de voir quels sont celles que je peux supporter au quotidien, ou pas. »

Le traitement impose aussi une hygiène de vie rigoureuse et beaucoup de contraintes. « Chaque jour, quand c’est possible, j’essaie de faire une sieste préventive de 20 minutes, ça m’aide beaucoup à tenir le reste de l’après-midi. Le traitement du soir doit être avalé en deux prises : la première précisément 2 heures après le dîner, et la seconde en milieu de nuit. La consommation d’alcool m’est formellement interdite. Le week-end, il me faut me reposer un maximum sinon je sais que je ne tiendrai pas le rythme de la semaine à venir. Bref, tout ça complique sérieusement les sorties entre amis… « . L’Association Française de Narcolepsie Cataplexie et Hypersommies rares (ANC) l’a aidée dès le début de sa maladie. « Elle m’a permis de parler avec d’autres personnes atteintes de narcolepsie et d’échanger sur le quotidien, de mieux comprendre les symptômes, les traitements. Surtout, l’association m’a aidé à envisager l’avenir, notamment à oser remplir un dossier de reconnaissance du handicap afin d’obtenir des aménagements dans mon travail. » Aujourd’hui, elle rend cette main tenue en s’investissant à son tour dans l’association.

Merci à Anne pour son témoignage.


Source : JDF Santé