L’angiœdème héréditaire (AOH) est une maladie génétique rare responsable d’un déficit en protéine (le C1 Inhibiteur). Le nombre de patients en France est estimé à 1 500 cas environ. Il s’agit d’une maladie héréditaire qui peut débuter tôt dans l’enfance et qui se caractérise par l’apparition imprévisible et brutale d’œdèmes (gonflements transitoires) au niveau de la peau ou des muqueuses. Quels sont les différents types d’angiœdèmes ? Quels sont les symptômes typiques d’un AOH ? Les causes ? Comment diagnostique-t-on la maladie ? Quel traitement pour la soigner ?
Quelle est la définition d’un angioedème ?
« Le terme « angiœdème » désigne un symptôme fréquent qui correspond à un gonflement transitoire et limité pouvant atteindre différentes parties du corps (peaux et muqueuses)« , définit le Pr Laurence Bouillet, coordonnatrice nationale du Centre de référence des angioedèmes (CREAK). Il existe plusieurs types d’angiœdèmes :
► Les angiœdèmes mastocytaires (ou histaminiques) spontanés (les plus fréquents) ou allergiques (qu’on appelle communément Œdème de Quincke)
► Les angiœdèmes bradykiniques dont fait partie l’angiœdème héréditaire (AOH), qui lui est rare (environ 1 500 personnes sont touchées en France). Autrefois, l’angiœdème héréditaire (AOH) était appelé « œdème angioneurotique« .
Quels sont les symptômes typiques d’un angioedème héréditaire ?
La maladie se caractérise par l’apparition imprévisible et inopinée d’œdèmes pouvant siéger sur n’importe quelle partie du corps comme les mains, les pieds, le visage (lèvres, paupières), les organes génitaux, la gorge, l’abdomen… La maladie peut survenir à tout âge, y compris chez l’enfant ou l’adolescent. Ces œdèmes persistent environ 2 à 5 jours puis disparaissent. Ces œdèmes peuvent être gênants et douloureux (tiraillement ou tension douloureuse). Du fait de leur localisation, certains œdèmes peuvent être graves, notamment ceux de la gorge qui peuvent obstruer les voies respiratoires et entraîner une asphyxie mortelle en l’absence d’un traitement approprié. Leur prise en charge constitue une urgence vitale. Ceux situés sur l’abdomen peuvent entraîner des douleurs importantes avec vomissements et peuvent nécessiter une hospitalisation en urgence. Les crises d’angiœdèmes sont souvent spontanées mais peuvent être déclenchées par un traumatisme physique, des gestes médicaux même minimes (comme par exemple des soins dentaires de type détartrage), des infections, des médicaments…
Photos d’angioedèmes héréditaires
Quelle est la cause des angiœdèmes héréditaires ?
Les AOH sont secondaires à un déficit ou à un mauvais fonctionnement d’une protéine sanguine appelée le C1 inhibiteur (C1Inh). Cette protéine joue un rôle de « régulation » de la voie kallicréine-kinine (ensembles de protéines responsables de la synthèse de bradykinine). Quand le C1 inhibiteur vient à manquer, ces protéines s’activent en excès et génèrent une augmentation transitoire et localisée de la bradykinine. La bradykinine augmente la perméabilité des vaisseaux sanguins, ce qui entraîne une fuite de liquide dans les tissus, responsable des œdèmes. « A savoir qu’il existe d’autres types d’angiœdèmes héréditaires qui ne sont pas liés à un déficit du C1 inhibiteur mais à d’autres mutations génétiques« , précise notre interlocutrice. On dit que la transmission de la maladie est autosomique dominante et que la plupart des cas sont hétérozygotes, c’est à dire qu’elle peut être transmise à l’enfant si un seul parent est touché.
C’est quoi un AOH de type 1 ou 2 ?
► Le type 1 est le plus fréquent des angiœdèmes héréditaires (85% des malades) et se caractérise par un déficit de la protéine C1 inhibiteur.
► Le type 2 est plus rare et représente 15% des malades. Il se caractérise par un taux normal de C1 inhibiteur mais celui-ci ne fonctionne pas correctement.
C’est quoi un AOH à C1 Inhibiteur normal ?
Ce type d’AOH n’est pas associé à un déficit en C1 inhibiteur. Il est secondaire à un déséquilibre de la voie kallicréine-kinine du fait de différentes mutations des protéines la composant. L’effet est le même qu’en cas de déficit en C1Inhibiteur, soit une augmentation transitoire et localisée de la bradykinine. Les principales mutations impliquées touchent les gènes F12, du plasminogène et du kininogène. D’autres mutations sont en cours de caractérisation.
Comment diagnostique-t-on un angioedème héréditaire ?
« Le diagnostic des AOH avec déficit en C1Inh repose sur une simple prise de sang qui permet d’évaluer la concentration et le fonctionnement du C1 inhibiteur. Le diagnostic est plus complexe pour les AOH sans déficit en C1Inh. Dans ce cas, il faut procéder à une analyse génétique, explique le Pr Bouillet. Comme pour toutes les maladies génétiques, il est impératif d’effectuer un dépistage familial (des parents et de la fratrie), même si les membres de la famille n’ont pas de symptômes. En effet, des personnes peuvent porter la mutation mais n’avoir aucun symptôme.
Quel traitement pour soigner un angioedème héréditaire ?
Les traitements habituellement utilisés dans les angiœdèmes mastocytaires (antihistaminiques, adrénaline et corticoïdes) sont inefficaces et leur administration dans le cadre de l’AOH peut retarder la prise en charge spécifique, et augmentant ainsi le risque de décès. Les différentes thérapeutiques utilisées dans l’AOH visent à restaurer le contrôle de la production de bradykinine ou encore bloquer les effets de la bradykinine sur ses récepteurs, explique la Haute autorité de Santé. Le traitement repose sur :
► Le traitement d’urgence en cas de crise : l’Icatibant en injection sous-cutanée est celui qui est préféré car « en cas de crise sévère ou de risque d’œdèmes graves (à la gorge par exemple), le patient peut réaliser lui-même rapidement une injection sous-cutanée (le patient dispose du produit à domicile).
Le risque de décès existe chez un patient non diagnostiqué ou qui n’a pas sur lui son traitement.
► Le traitement de fond : « quand les patients font beaucoup de crises, on peut leur proposer un traitement de fond pour empêcher la survenue de crise. Actuellement les patients disposent de 2 nouveaux traitements, efficaces et bien tolérés (soit par voie orale, soit par injection sous cutanée tous les mois« ), détaille notre experte. Une dizaine d’autres traitements sont en cours de développement.
La prise en charge des angiœdèmes héréditaires nécessite un suivi régulier par un médecin référent du CREAK. Les patients doivent avoir sur eux une carte de soins et d’urgence pour la maladie rare et disposer à domicile du traitement d’urgence du fait de la gravité potentielle de la maladie.
Est-ce que ça impacte l’espérance de vie ?
« Non, si le patient a été diagnostiqué et dispose du traitement de crise à domicile (« sur lui »). Le risque de décès existe chez un patient non diagnostiqué ou chez un patient qui n’a pas sur lui son traitement spécifique. Bien pris en charge, les patients ont la même espérance de vie que la population générale. Par contre, le caractère imprévisible des crises peut altérer de manière importante la qualité de vie des patients. C’est pourquoi, il ne fait pas hésiter à prescrire un traitement de fond pour restaurer une bonne qualité de vie« , conclut notre interlocutrice.
Merci au Professeur Laurence Bouillet, coordonnatrice nationale du Centre de référence des angioedèmes (CREAK)
Sources :
– Angioedème héréditaire : diagnostic et prise en charge chez l’adulte et l’enfant, Haute autorité de Santé, 2021
– Angioedème héréditaire, Fiche Ministère de la Santé
– Association internationale de Malades atteints de déficit en C1 inhibiteur (AHEI)
– Associations de malades souffrant d’angioedèmes par déficit en C1 inhibiteur (AMSAO)
Source : JDF Santé