Alzheimer précoce : symptômes, causes, à 30-40 ans ?

« Les patients jeunes ne voient pas forcément les signes. »


On dit que la maladie d’Alzheimer est précoce quand elle survient avant 60-65 ans. Cela concerne peu de patients, 3% exactement soit entre 20 000 et 30 000 personnes en France. « Dans des cas extrêmement rares, on voit des personnes touchées par la maladie à 30 ou 40 ans« , nous explique le Dr Olivier Rouaud, médecin neurologue. « Quand c’est le cas, il faut rechercher une cause génétique à la maladie, qui aurait alors une forme familiale« . Cela représente moins de 1% des cas de la maladie, mais « on peut se retrouver avec des familles qui ont plusieurs membres atteints de la maladie avant 65 ans« , raconte le spécialiste. La comédienne Camille Lou joue actuellement dans une série TF1 avec Hugo Becker qui interprète le rôle d’Emile, un jeune homme atteint d’Alzheimer. La série est diffusée à partir du 27 janvier 2025 et adaptée du roman de Mélissa Da Costa « Tout le bleu du ciel ».

C’est quoi un Alzheimer précoce ?

La maladie d’Alzheimer prend naissance au niveau du cerveau. Les neurones sont alors affectés par deux types de lésions : « Il y a la pathologie amyloïde et la pathologie de la protéine Tau« , explique le Dr Rouaud. Dans la première, des plaques amyloïdes se retrouvent entre les neurones, dans la seconde, la protéine Tau entraîne une dégénérescence neurofibrillaire à l’intérieur même des neurones. En général, la maladie d’Alzheimer apparaît après 65 ans, puis progresse de façon lente. Lorsqu’elle survient avant 65 ans, on considère qu’elle est « précoce ». « Cela ne se produit pas du jour au lendemain. La maladie met du temps à se déclencher, et les patients jeunes ne voient pas forcément les signes, explique le neurologue. C’est pourquoi les patients de moins de 65 ans passent en moyenne 5 ans en errance de diagnostic« .

Quels sont les symptômes d’un Alzheimer précoce ?

« En général, ce sont des symptômes subtils » nous précise d’emblée le neurologue. Au départ, la personne peut manifester des changements de comportements, un manque de motivation et de désir (apathie), un changement de caractère voire une dépression. Ces premiers symptômes n’alertent pas. « Ensuite apparaissent en général des symptômes cognitifs, chez les patients jeunes, on a des éléments de type aphasique, explique le docteur, les patients perdent leurs mots ou utilisent un mot pour un autre« . La personne peut aussi avoir des difficultés à écrire avec une modification du graphisme, des difficultés d’ordre gestuel. « Les patients ont du mal à lacer leurs chaussures, à glisser une enveloppe dans une boîte aux lettres » décrit le spécialiste. Ce sont ces petits éléments qui, mis bout à bout, déclenchent la démarche de consultation.

Test : comment diagnostiquer l’Alzheimer précoce ?

La démarche débute en général par une consultation médicale chez le médecin traitant, qui va s’alerter sur des symptômes neurologiques. Il va rechercher des symptômes associés, comme des troubles moteurs. « Ensuite, il y a un examen d’imagerie cérébrale qui va donner une orientation en faveur de cette hypothèse : on va regarder s’il y a des régions plus minces ou plus atrophiées du cerveau (pour la mémoire, il s’agit du lobe temporal interne ou hippocampe) qui témoigneraient d’un processus dégénératif en train de s’installer« , détaille le docteur Olivier Rouaud. Il faut aussi rechercher d’autres causes qui donneraient les mêmes symptômes. Si l’IRM ne renseigne pas de processus dégénératif chez les personnes jeunes, « il est possible de faire une imagerie métabolique appelée le TEP Scan qui permet de voir l’activité cérébrale pour voir s’il y a des synapses en train de se perdre « , explique le neurologue. Tout cela donne des indices sur la cause de la maladie.

Pour être certain qu’il s’agisse de la maladie d’Alzheimer, il existe une technique validée : les biomarqueurs du liquide céphalo-rachidien

Mais pour être certain qu’il s’agisse de la maladie d’Alzheimer, il existe une technique validée : les biomarqueurs du liquide céphalo-rachidien. Via une ponction lombaire, on a accès à des biomarqueurs dans le liquide céphalorachidien pour doser les protéines Tau et amyloïdes. « Si elles sont dans des concentrations anormales, il s’agit d’un signe biologique de la maladie et on peut donc confirmer que les symptômes sont en lien avec cette maladie, détaille le médecin. Dans le cas d’une personne de moins de 50 ans chez qui on a une confirmation biologique de la maladie, ou chez une personne de moins de 65 ans avec plusieurs cas d’Alzheimer précoce dans la famille, il va falloir qu’on cherche une cause génétique« . Cela se fait par une prise de sang à la recherche d’un gêne anormal qui serait à l’origine de la production de la protéine amyloïde.

Traitement : comment soigner l’Alzheimer précoce ?

Il n’y a pas de traitement curatif contre la maladie d’Alzheimer, « mais il y a de la recherche, on essaye de créer une sorte de vaccin pour éliminer la fameuse protéine amyloïde à l’origine de la maladie« , explique le médecin. Mais tout cela n’est qu’au stade expérimental. A l’heure actuelle, il y a quatre médicaments disponibles :

  • le Donépézil (Aricept),
  • la Rivastigmine (Exelon),
  • la Galantamine (Reminyl),
  • la Mémantine (Exiba).

On appelle les trois premiers les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. « Ceux-ci sont des traitements exclusivement symptomatiques, qui n’empêchent pas la maladie de progresser, précise notre interlocuteur. Leur but est de combler le manque de certains neurotransmetteurs qui sont détruits par la maladie« . La Mémantine, elle protège ces récepteurs contre l’excitotoxicité qui se manifeste dans la maladie d’Alzheimer. « Il existe aussi des thérapies non médicamenteuses (ou médico psycho sociale) : il y a l’ergothérapie, qui consiste à organiser les gestes du quotidien en tenant compte des difficultés gestuelles, l’orthophonie pour pallier aux problèmes langagiers, la kinésithérapie quand il y a des problèmes moteurs…« . Il existe aussi des ateliers mémoires, de musique ou d’activité physique pour les personnes atteintes d’Alzheimer. Selon le neurologue, « tout cela permet d’augmenter la qualité de vie des patients et d’éviter les médicaments psychotropes ».

Quelle espérance de vie avec la maladie d’Alzheimer ?

Il n’existe pas beaucoup d’études épidémiologiques sur la forme précoce de la maladie d’Alzheimer : comme elle ne concerne que 3% des patients et 1% pour les très jeunes, il est difficile d’en trouver pour y participer. « Chez les personnes de tous âges, on estime que l’espérance de vie diminue en moyenne de 50% au début de la maladie« , explique le médecin. « Cela est dû au fait qu’Alzheimer favorise l’apparition d’autres complications, ou encore d’autres maladies chroniques« . L’espérance de vie des patients à la forme précoce d’Alzheimer sera donc plus courte, puisque la maladie est arrivée avant. « On sait aussi qu’elle évolue beaucoup plus rapidement de manière négative chez les patients plus jeunes : ils déclinent plus vite sur le plan cognitif« , conclut le neurologue.

Merci à Olivier Rouaud, neurologue, adjoint à la direction du Centre Leenaards de la mémoire.


Source : JDF Santé