Algodystrophie du pied : c'est quoi, raideur, que faire ?

L’algodystrophie ou « syndrome douloureux régional complexe », est une réaction imprévisible qui peut toucher un ou plusieurs membres à la suite d’un traumatisme (entorse, fracture…). Comment le reconnaître et le soigner ? Que faire contre les douleurs et enraidissements ? Réponses avec le docteur Charles-Marie Dujardin, médecin généraliste et algologue  à la clinique médicale et cardiologique  d’Aressy, Pau.

Qu’est-ce que l’algodystrophie du pied ?

L’algodystrophie est l’ancienne appellation pour du « syndrome douloureux régional complexe ». Il s’agit d’une réaction complexe et disproportionnée qui se développe sur ou ou plusieurs membres, après un traumatisme ou une chirurgie. Il peut toucher tous les membres du corps, dont le pied. Le membre incriminé « peut développer une réaction d’hypersensibilité qui se manifeste par des phénomènes douloureux et inflammatoires« , explique le docteur Charles-Marie Dujardin, médecin généraliste et algologue à la clinique d’Aressy. 

Quelles sont les causes de l’algodystrophie du pied ?

« Il s’agit d’un dysfonctionnement d’un certains nombres de voies neurologiques de l’organisme, dont les voies de la douleur qui sont hypersensibilisées, et le système nerveux autonome avec notamment le système sympathique qui régule tout ce qui est automatique et involontaire, comme l’état de dilatation des vaisseaux, la sudation, la trophicité des tissus musculaires ou cutanés », informe le médecin. Qu’il s’agisse du pied ou d’un autre membre, on relève deux types de causes de l’algodystrophie, « celles consécutives à un traumatisme comme une entorse ou une fracture par exemple, et celles consécutives à un traumatisme d’un nerf« .

Quels sont les symptômes de l’algodystrophie du pied ?

L’algodystrophie du pied se détecte « dans les semaines ou les mois après le traumatisme, lorsque les phénomènes inflammatoires et douloureux ne sont plus en corrélation avec le traumatisme initial. Ces phénomènes s’amplifient, répondent mal aux traitements habituels et perdurent dans le temps alors qu’ils devraient s’atténuer comme au décours d’un traumatisme simple », explique le docteur Dujardin. Après des prises de sang et une radio éliminant d’autres complications, le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe peut être évoqué. Le syndrome comporte trois phases d’évolution.

► Lors de la phase chaude, qui varie classiquement entre un et six mois mais peut s’étendre jusqu’à un an, « le syndrome se manifeste par des phénomènes douloureux et inflammatoires. Le patient peut développer une réaction d’hypersensibilisation au niveau du membre incriminé qui peut rester rouge, se mettre à transpirer, gonfler«  relate le docteur. 

► « Dans un second temps, les phénomènes inflammatoires et douloureux diminuent mais les troubles trophiques apparaissent, ajoute-t-il, la peau est fragilisée, les muscles perdent en tonicité, les articulations s’enraidissent et on peut constater en conséquence une perte de mobilité ». Le pied bouge moins bien, le patient peut ressentir comme une sensation de lourdeur.

► En fonction de la récupération du patient, on peut observer une phase séquellaire ou le pied va se raidir et il sera plus difficile de l’utiliser.  

La remise en appui est nécessaire, mais peut être compliquée.

Peut-on marcher avec une algodystrophie du pied ?

« Dans la mesure de ce qu’il est possible de faire », répond l’algologue. La remise en appui est nécessaire, mais peut être compliquée pour le patient atteint d’algodystrophie qui n’ose pas poser le pied. « Il faut lutter contre la peur du mouvement, le risque c’est l’appréhension, insiste Charles-Marie Dujardin, le but est de maintenir la mobilisation de manière douce mais active« . La marche est ainsi « absolument » conseillée. Le plus important est de maintenir du mouvement, « même s’il s’agit d’un simple appui ou de petits pas dans un premier temps, avec des aides techniques éventuelles comme une canne ou d’un déambulateur ».

A quoi sert la scintigraphie osseuse ?

« La scintigraphie osseuse n’est pas obligatoire car le diagnostic est avant tout clinique », explique le docteur Dujardin. « Elle peut participer à une aide au diagnostic lorsque ce dernier n’est pas évident. Grâce à la scintigraphie osseuse on peut observer les phénomènes de déminéralisation qui participent au diagnostic du syndrome douloureux régional complexe ». Toutefois, la scintigraphie osseuse peut apparaître comme normale, alors même que le syndrome est présent. 

« Il faut éviter les anti-inflammatoires car l’inflammation permet d’amener les cellules immunitaires de réparation des tissus au niveau de la zone lésée »

Quels sont les traitements pour soigner une algodystrophie du pied ?

« C’est la règle de la moindre douleur, explique le médecin, il faut maintenir du mouvement et faire travailler le membre douloureux en douceur avec un kiné ». C’est la mobilisation régulière qui permet d’entretenir la bonne trophicité du pied et d’éviter les séquelles comme les douleurs ou l’enraidissement. En plus d’une kinésithérapie régulière, « le médecin peut proposer un traitement classique de la douleur à base d’antalgiques habituels comme le paracétamol, voire du le tramadol ou de la codéine, en évitant autant que possible d’aller jusqu’à la morphine. Il faut éviter les anti-inflammatoires car c’est justement l’inflammation qui permet d’amener les cellules immunitaires de réparation des tissus au niveau de la zone lésée », préconise l’algologue. En complément, le patient peut aussi se voir proposer des traitements non-médicamenteux comme « la thérapie par l’électricité, des patchs anesthésiants locaux pour diminuer la sensation douloureuse au niveau de la peau ou encore les bains écossais ». La thérapie en miroir peut être envisagée, « elle permet au cerveau d’intégrer la visualisation du membre sain avec la mobilisation de celui qui est douloureux ».

Faut-il prendre de la vitamine C pour accélérer la guérison ?

« C’est conseillé » indique Charles-Marie Dujardin, notamment dans le cas d’un syndrôme douloureux régional complexe en lien avec la chirurgie. « L’os se régénère en permanence or dans le syndrome douloureux régional complexe, il peut y avoir une majoration du système ostéoclastique avec une déminéralisation de l’os qui va le rendre plus fragile. La vitamine C permettrait de prévenir ce phénomène. » 

Peut-on guérir d’une algodystrophie du pied ? En combien de temps ?

« Ce n’est pas parce que vous avez fait ce syndrome que vous aurez mal à vie », rassure le médecin. La durée de guérison est très variable d’une personne à une autre et dépend du travail préventif mis en place par le patient et les professionnels de santé. « On ne sait pas combien de temps va durer la phase chaude, notre but c’est d’accompagner le mieux possible, d’améliorer le quotidien des patients et d’éviter les séquelles grâce à la rééducation. » Les personnes qui restent avec des troubles trophiques seront amenées à consulter dans un centre anti-douleur.

Merci au docteur Charles-Marie Dujardin, médecin généraliste et algologue  à la clinique d’Aressy, Pau.


Source : JDF Santé