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Faut-il avoir peur de l'anesthésie ?

L’anesthésie peut susciter de grandes inquiétudes, même si ses risques sont extrêmement rares. Le point avec Bruno Vibert, psychothérapeute.


Selon la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (Sfar), plus de 13 millions d’anesthésies sont pratiquées chaque année en France, On distingue deux types d’anesthésie : l’anesthésie générale qui supprime temporairement la conscience et la sensibilité à la douleur et l’anesthésie locorégionale qui rend indolore une partie du corps seulement. Dans la première, le patient est totalement endormi et est donc inconscient, tandis que dans la deuxième, le patient est réveillé et conscient. A noter que parmi les anesthésies loco-régionales, on trouve la rachianesthésie et la péridurale, utilisées pour endormir la moitié inférieure du corps, ainsi que l’anesthésie par bloc nerveux. Comment se déroule-t-elle ? Est-il légitime d’en avoir peur ? Comment gérer son stress à l’approche de l’intervention ? Conseils du Bruno Vibert, psychothérapeute spécialisé dans la gestion des émotions liées à une phobie ou à une angoisse.

Comment se déroule une anesthésie ?

Une anesthésie est toujours réalisée par des médecins spécialistes en anesthésie-réanimation dans un environnement très réglementé.

  • Avant toute intervention chirurgicale programmée nécessitant une anesthésie (générale ou locorégionale), le patient a rendez-vous avec un médecin anesthésiste entre 48 heures et une semaine avant le jour de l’opération. Lors de cette rencontre, le médecin choisit le type d’anesthésie le plus adapté. Sont ensuite évoqués le déroulé de l’anesthésie, les risques encourus et les effets secondaires (maux de tête, fatigue, nausées, lésions dentaires, troubles de l’attention, faiblesse musculaire…). Enfin, une prise de sang est réalisée. 
  • Le jour de l’opération, le patient est préparé (douche avec du savon antimicrobien, rasage de la zone à opérer…), installé dans un lit et emmené au bloc opératoire où il est pris en charge par une équipe d’anesthésie. Le médecin anesthésiste, épaulé par un infirmier, pose une voie veineuse pour y injecter des médicaments qui suppriment la conscience et des antalgiques pour supprimer les douleurs, ou un masque facial qui diffuse un gaz anesthésiant à respirer. Il installe les différents appareils pour mesurer la tension, la respiration et l’activité cardiaque.

La mortalité liée à l’anesthésie a été divisée par 10

  • Lors de l’opération, un ou plusieurs membres de l’équipe d’anesthésie sont là pour surveiller l’état du patient, administrer en continu des médicaments pour maintenir ce sommeil artificiel, adapter la dose de produit anesthésiant et préparer son réveil en cessant l’administration de produits. 
  • Après l’opération, le patient est ensuite amené en salle de réveil où il est pris en charge par d’autres médecins et infirmiers anesthésistes. Le patient reprend peu à peu connaissance jusqu’à ce qu’il soit reconduit dans sa chambre. Le patient doit alors s’alimenter légèrement pour retrouver de la force après ces quelques heures de jeun. 

Quels sont les risques ? Décès, réveil…

« Il y a extrêmement peu de risques de ne pas se réveiller ou de se réveiller pendant l’intervention. Les anesthésies sont extrêmement bien maîtrisées, préparées et sécurisées« , rassure le psychothérapeute Bruno Vibert. La mortalité liée à l’anesthésie a été divisée par 10 entre 1980 et 1999, D’après les chiffres actualisés par Santé Publique France en 2019, les taux de décès totalement ou partiellement liés à l’anesthésie sont respectivement de 6,9 et 47 par million. Aujourd’hui, les produits utilisés ne présentent quasiment plus d’effets indésirables et les techniques anesthésiques sont très sûres : l’administration de l’anesthésiant est pilotée par ordinateur et la surveillance tout au long de l’intervention est minutieusement réalisée par un électroencéphalogramme (EEG), une méthode d’exploration cérébrale extrêmement fiable permettant de mesurer l’activité du cerveau et d’ajuster les doses en cas de besoin. 

Que traduit la peur de l’anesthésie ?

L’anesthésie générale n’est pas un acte naturel et anodin, il s’agit d’une mise en sommeil programmée, et qui peut donc être anxiogène. « Il faut à tout prix accepter cette peur et ne pas culpabiliser, car avoir peur est un mécanisme tout à fait naturel. Il s’agit d’un phénomène de protection qui se met en place automatiquement lorsqu’on ressent un danger. Et l’anesthésie générale peut tout à fait être perçue comme un danger« , rassure Bruno Vibert. La peur de l’anesthésie générale reflète généralement trois peurs beaucoup plus profondes : la peur de ne jamais plus se réveiller, la peur de perdre son contrôle ou encore, la peur de se réveiller pendant l’intervention. Toutefois, « il faut dissocier la peur de la phobie : la peur est un phénomène naturel où il y a une certaine logique et conscience, alors que la phobie correspond à une peur irrationnelle et incontrôlable« , précise l’expert.

Derrière la peur de ne pas se réveiller, se cache la peur de mourir

Contrairement à la mort, l’anesthésie est une action réversible : le patient n’est pas inerte, mais simplement déconnecter de l’environnement. Ainsi, une fois que l’on arrête de lui administrer des produits hypnotiques, le patient redevient progressivement conscient. « La peur de se réveiller pendant l’intervention, quant à elle, nous ramène à la souffrance. Cette peur traduit en réalité la peur de souffrir, de voir toutes les actions que l’on peut faire sur nous et de ressentir la douleur pendant l’opération« , explique Bruno Vibert. Enfin, « la peur de perdre le contrôle cache une peur de révéler une part de nous ou d’être manipulé par les autres. Cela peut traduire également un manque de confiance envers l’équipe médicale. D’autant plus que pour une opération nécessitant une anesthésie générale, on est déshabillé, ce qui renforce encore plus le malaise, la perte de pudeur et la mise à nu. Toutefois, il faut se rassurer. Pendant une anesthésie, on n’est pas tout à fait en perte de contrôle car, même si nous sommes inconscient, notre corps, lui, continue de fonctionner et de se réguler comme s’il était réveillé« , précise le psychothérapeute.

Comment vaincre sa peur de l’anesthésie ?

Quelques jours avant l’intervention, il est possible de faire une séance de sophrologie lors de laquelle vous allez travailler votre respiration et apprendre à mieux gérer vos émotions. Pour se détendre, il est également possible de pratiquer l’auto-massage des tempes, régions où il y a une accumulation de nerfs. Vous pouvez également travailler la visualisation ou l’imagerie mentale, idéales pour se créer une bulle de protection. « Par exemple, la veille de l’anesthésie : fermez les yeux, respirez lentement et imaginez un lieu dans lequel vous vous sentez bien. Cet exercice peut très bien être réalisé quelques minutes avant le début de l’intervention. Il est également important de relativiser et de se projeter dans « l’après-anesthésie », même si cela exige un gros effort mental. Pour vous aider, posez-vous ces questions : comment vais-je me sentir après l’opération ? Quelles sensations vais-je retrouver dès mon réveil ? « , conseille Bruno Vibert.  

Lors du rendez-vous pré-anesthésie avec le médecin, il faut poser toutes ses questions sans hésitation. « Le soignant est là pour vous rassurer si vous ressentez de l’anxiété : son rôle est de vous mettre en confiance et le plus à l’aise possible. Et plus vous aurez des informations sur l’intervention, moins votre peur de l’inconnu sera grande« , confie l’expert. Par ailleurs, avant votre arrivée au bloc opératoire, un médicament contre l’anxiété peut vous être proposé. Ce comprimé permet de calmer l’angoisse et faciliter l’endormissement du futur opéré. Dans la mesure du possible, faites-vous accompagner à l’hôpital par une personne proche qui saura vous apaiser et vous aider à prendre du recul sur votre peur. Cette personne ne pourra pas accéder à la salle des opérations, mais sera présente dans la salle d’attente puis à votre retour en chambre.


Source : JDF Santé