Associé à des complications métaboliques, le syndrome des ovaires polykystiques (abrégé SOPK) toucherait environ 10% des femmes en âge de procréer, un chiffre probablement sous-estimé en raison de sa complexité et de la lenteur de son diagnostic.
Comment peut-on définir le syndrome des ovaires polykystiques ?
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est un dérèglement hormonal qui a été décrit pour la première fois en 1936 par deux gynécologues de Chicago (Stein et Leventhal) chez des jeunes femmes qui avaient des problèmes d’absence de règles et qui souhaitaient démarrer une grossesse. « Plusieurs d’entre elles avaient des problèmes associés au fait que leurs ovaires produisaient trop d’hormones mâles (qu’on appelle les androgènes – dont fait partie la testostérone – qui sont précurseurs des œstrogènes chez la femme). Ces deux médecins ont décidé d’opérer ces jeunes femmes car ils avaient repéré que leurs ovaires étaient trop gros. L’opération a montré que ces ovaires ressemblaient à de petites boules de billard, sans cicatrice de corps jaune, indiquant l’absence d’ovulation. Les auteurs ont donc réalisé une réduction du volume de ces ovaires par une résection partielle et ont constaté à l’examen anatomique la présence d’un aspect microkystique. Du fait du retour des règles et dans plusieurs cas du démarrage d’une grossesse, les auteurs ont défini cet état clinique comme étant un syndrome des ovaires polykystiques » raconte le Pr Michel Pugeat, professeur émérite, endocrinologue spécialiste du SOPK. Finalement, l’arrivée de l’échographie a montré qu’il ne s’agissait pas de kystes ovariens mais de microfollicules qui, contenus dans les ovaires, étaient bloqués dans leur maturation et produisaient trop d’androgènes. Malgré cette rectification, l’étymologie « polykystique » a été gardée.
Combien de femmes en France sont touchées par le SOPK ?
« C’est un syndrome qui concerne probablement 10% de la population féminine en âge de procréer, c’est-à-dire des premières règles jusqu’à la ménopause. Il est difficile de faire une évaluation précise, mais près d’un million de femmes seraient concernées par le syndrome des ovaires polykystiques en France (que ce soit une forme complète ou une forme mineure). Un chiffre probablement très sous-estimé« , répond notre interlocuteur.
Quels symptômes entraîne-t-il ?
Ce dysfonctionnement hormonal entraîne des symptômes qui s’expriment à différents degrés selon les femmes. Les plus fréquents sont :
- De l’acné à répétition
- Une accentuation de la pilosité (hirsutisme) dans des zones dites masculines normalement dépourvues de poils chez la femme comme le visage, la poitrine, le dos, les fesses ou la face antérieure des cuisses.
- Une absence de règles ou des règles très irrégulières
Quelle est l’origine du SOPK ?
Il s’agit d’un syndrome complexe dont l’origine exacte reste floue. Les recherches actuelles suggèrent que tout pourrait se jouer pendant la vie intra-utérine, avec une reprogrammation fœtale conduisant à des désordres métaboliques et ovariens, souvent indissociables. Toutefois, le SOPK se manifeste lors de la puberté et ne disparaît pas totalement lors de la ménopause car les désordres métaboliques persistent avec une forte augmentation du risque de surpoids voire plus tard de diabète. Ainsi, si la génétique joue un rôle prédisposant dans le déclenchement de ce syndrome, l’épigénétique (l’étude des changements dans l’activité des gènes) pourrait être le mécanisme clé du SOPK comme pour de nombreuses pathologies chroniques. « Cette complexité autour du SOPK rend sa communication et son apprentissage difficiles pour les acteurs de santé« , tient à préciser notre interlocuteur.
Les femmes ne sont pas stériles, mais peuvent avoir des difficultés à démarrer une grossesse.
Quelles sont les conséquences d’un SOPK ?
« En plus des problèmes d’ordre personnel (on comprend bien que le fait de ne plus avoir ses règles puisse être inquiétant) et d’ordre esthétique (pilosité, acné récidivante), il y a le problème lié à la reproduction. Très souvent, le SOPK est lié à un retard de l’ovulation et donc à un retard de démarrage de grossesse« , explique-t-il. Les femmes ne sont pas stériles, mais peuvent avoir des difficultés à démarrer une grossesse. Ainsi, « environ 10% de femmes atteintes de SOPK ont de réelles difficultés à obtenir une ovulation« , précise l’endocrinologue. Toutefois, les signes ovariens du SOPK sont en partie réversibles et » diminuent au fil du temps dans la mesure où le capital folliculaire diminue. Ainsi la fécondité s’améliore également avec le temps« , poursuit-il. En revanche, plus des 2/3 des femmes atteintes du SOPK ont une forte tendance à prendre du poids voire à devenir en surpoids ou en obésité et ont une élévation du risque de diabète et d‘hypertension artérielle, ce qu’on appelle le syndrome métabolique, un facteur de risque important des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC…). Cela s’expliquerait par un background génétique (antécédents familiaux de surpoids, d’obésité, d’hypertension artérielle…)
Quand consulter pour un SOPK ?
Devant de l’acné, des troubles du cycle menstruel, une pilosité excessive ou des difficultés à concevoir, une consultation auprès du médecin traitant, d’un(e) gynécologue ou d’une sage-femme est nécessaire.
Comment pose-t-on le diagnostic d’un SOPK ?
En 2003, à Rotterdam, tous les spécialistes de ce syndrome se sont réunis pour établir les critères diagnostiques. Pour établir le diagnostic du SOPK, 2 des 3 critères de Rotterdam retenus doivent être réunis (en l’absence d’une autre maladie associée à un excès d’androgènes (maladie génétique surrénalienne ou tumeurs de l’ovaire ou de la surrénale)) :
- Absence de règles ou règles très irrégulières (tous les deux mois par exemple)
- Hyperandrogénie clinique (excès de pilosité dans une typographie masculine) et/ou biologique (augmentation du taux de testostérone)
- Aspect multifolliculaire des ovaires (une vingtaine de petits follicules) avec une augmentation de la taille des ovaires.
Le diagnostic de syndrome des ovaires polykystiques peut être compliqué car il s’agit d’un syndrome qui évolue dans le temps (un continuum de symptômes) et qui, contrairement à la plupart des maladies endocriniennes, ne repose pas sur une démarche binaire. « Les études nord-américaines, reproduites en France, estiment que les femmes consultent en moyenne de 4 à 5 fois avant d’être diagnostiquées du SOPK« , rapporte notre expert. Généralement, le diagnostic du SOPK est posé en combinant les résultats de l’interrogatoire, de l’échographie et ceux des examens de laboratoire. Le bilan hormonal permet habituellement de montrer une augmentation du taux de testostérone circulant et en situation de désir de grossesse une élévation de l’hormone hypophysaire lutéinisante (ou LH) sans élévation de la FSH. Le rapport de ces deux hormones qui orchestrent le cycle ovarien normal est essentiel pour la bonne maturation des follicules. Trop de LH facilité l’excès d’androgènes et le blocage de l’ovulation. L’échographie permet quant à elle de déceler la présence de multifollicules dans l’ovaire. « En principe, l’échographie endovaginale n’est faite que chez une femme qui a déjà eu ses premiers rapport sexuels« , précise notre interlocuteur. Ainsi, le diagnostic de SOPK lors de l’adolescence reste délicat.
Le 17 août 2023, de nouvelles recommandations ont été publiées par un consortium international de plus de 3 000 professionnels et mené par l’Université australienne Monash. Elles révisent les critères de diagnostic du SOPK et préconisent le dosage de l’hormone antimüllérienne (AMH) comme alternative à l’échographie. Dans le SOPK, l’AMH est deux à trois fois supérieure à la normale. « C’est intéressant, car une échographie précise avec comptage des follicules n’est pas toujours disponible, même en France » a commenté la gynécologue et endocrinologue Catherine Azoulay dans le Quotidien du médecin. Par ailleurs, lorsque des cycles menstruels irréguliers et de l’hyperandrogénisme sont présents, l’échographie ou l’AMH ne sont pas nécessaires pour le diagnostic. « Chez les adolescentes, à la fois l’hyperandrogénisme et le dysfonctionnement ovulatoire sont nécessaires mais l’échographie et le dosage de l’AMH ne sont pas recommandées en raison d’une faible spécificité » peut-on lire dans les directives publiées sur le site de l’Université de Monash.
Quelle prise en charge pour soigner un SOPK ?
La prise en charge dépend de chaque cas :
► L’administration de progestérone naturelle peut être prescrite pour régulariser le cycle menstruel. « La progestérone va réduire la sécrétion de LH et ainsi modérer l’hyperandrogénie, et souvent rétablir l’ovulation lors des cycles suivants. Au bout d’une dizaine de jours de traitement la progestérone stimule la prolifération de l’endomètre ce qui facilite la nidation et le développement de l’ovocyte fécondé par un spermatozoïde. En rétablissant la capacité de reproduction, le traitement par la progestérone naturelle est le premier recommandé« , explique le Pr Pugeat.
► Un traitement symptomatique, notamment pour traiter l’acné sous forme de crèmes locales ou des antibiotiques par voie orale est recommandé. La récidive de l’acné ou de l’hirsutisme nécessitent l’utilisation d’un anti-androgène combiné à un traitement réducteur de la sécrétion d’androgènes ovariens. La cyprotérone acétate (Androcur®) remplissait cette fonction. Mais la démonstration d’un risque accru de méningiome cérébral associé à la dose et à la durée de prescription de cet anti-androgène a considérablement limité son utilisation sauf dans des conditions de surveillance notamment par la prescription d’une IRM cérébrale. En pratique, « il n’y a pas de traitement spécifique de l’hyperandrogénie. Cependant, les propriétés anti-androgènes de la spironolactone et sa bonne tolérance à long terme font qu’elle est largement utilisée comme anti-androgène dans le contexte du SOPK. Ce traitement peut parfois raccourcir les cycles menstruels d’où l’intérêt de le combiner avec la prise de progestérone. Toutefois, il n’a jamais bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication en France« , conclut le Pr Pugeat.
► Le traitement du syndrome métabolique doit passer par la prévention, l’adoption de mesures hygiéno-diététiques et le contrôle du poids, particulièrement chez les femmes à risque (antécédents familiaux, surpoids…) à l’adolescence, en cas de grossesse avec une augmentation du risque de diabète gestationnel, puis lors de la ménopause. Le contrôle du poids et du syndrome métabolique reste le défi majeur de la prise en charge du SOPK. Sa fréquence et ses risques au long terme font que l’on discute actuellement la prescription de médicaments qui sont habituellement réservés au diabète mais qui dans le contexte du SOPK pourraient s’avérer efficaces dans la prévention de celui-ci.
Merci au Pr Michel Pugeat, professeur émérite, endocrinologue spécialiste du SOPK, co-auteur de « Le monde à l’ovaire »
Source : JDF Santé