Les chiffres 2023 de l’Assurance maladie montrent qu’au moins 2.6 millions de personnes souffrent de fuites urinaires en France. Environ une femme sur trois de plus de 70 ans a une incontinence urinaire. Les fuites urinaires ont plus de risque de survenir après une grossesse multiple, un accouchement difficile, en cas de prolapsus génital chez la femme ou après une chirurgie de la prostate chez l’homme.
Quelle est la définition des fuites urinaires ?
Les fuites urinaires ou l’incontinence se caractérise par une perte accidentelle et involontaire d’urine par l’urètre, qui survient donc en dehors des mictions. Il existe plusieurs types d’incontinence urinaire :
► L’incontinence urinaire à l’effort est un problème d’affaiblissement des muscles du périnée. Dans ce cas, la perte d’urine est précédée d’un effort (lorsqu’on tousse, qu’on court, qu’on rit ou dans la forme la plus sévère, lorsqu’on est simplement debout).
► L’incontinence urinaire par urgenturie (anciennement appelée incontinence urinaire par impériosité) est quant à elle une maladie de la vessie. « La vessie a des contractions anormales provoquant une envie pressante et incontrôlable d’uriner. L’urine va alors s’échapper de manière involontaire par l’urètre sans que la personne n’ait le temps de se rendre aux WC« , explique le Pr Xavier Gamé, chirurgien urologue au CHU de Toulouse et Secrétaire général de l’Association Française d’Urologie.
► L’incontinence urinaire mixte correspond à l’association de l’incontinence urinaire à l’effort et l’incontinence urinaire par urgenturie : il s’agit de la forme la plus fréquente de l’incontinence urinaire, particulièrement chez la femme plus âgée.
Quelles sont les causes possibles des fuites urinaires ?
Le périnée aussi appelé « plancher pelvien » est un ensemble de muscles en forme de losange qui sert à maintenir les organes du ventre comme une sorte de hamac. Il est situé entre le pubis et les fesses, les abdominaux étant situés à l’avant. « Le périnée est chargé de la fermeture de la vessie : concrètement, si on le contracte, on se retient de faire « pipi ». En revanche, s’il n’est pas assez tonique et qu’il se relâche, il ne peut plus assurer son rôle de « verrou urinaire » et des fuites peuvent survenir« , explique le Dr Juliane Berdah, gynécologue-endocrinologue à Paris. C’est ce manque de tonus du périnée qui est en cause dans l’incontinence urinaire à l’effort.
L’incontinence urinaire par urgenturie est un trouble de la vessie. Cette pathologie peut avoir une cause fonctionnelle (anomalie de l’appareil urinaire, vessie instable due parfois à des calculs urinaires ou des polypes dans la vessie, complication d’un prolapsus…) ou psychologique (patient(e) mal dans sa peau, qui a connu des agressions sexuelles…). Le fait de se retenir constamment d’aller aux toilettes peut par ailleurs entraîner un dysfonctionnement de la vessie et à terme, une incontinence.
Quels sont les symptômes des fuites urinaires ?
L’incontinence urinaire se manifeste par des pertes involontaires (ou des fuites) d’urine en dehors des mictions. La personne peut s’en rendre compte ou pas. Ces fuites peuvent survenir suite à un effort (toux, rire, port de charges lourdes…) ou il peut s’agir d’envies pressantes qui se transforment donc en fuites : dans ce cas, la personne ne peut pas se retenir d’uriner et n’a généralement pas le temps d’arriver aux toilettes.
Qu’est-ce qui favorise les fuites urinaires ?
- L’âge. « L’incontinence urinaire par urgenturie est favorisée par le vieillissement de la vessie qui va progressivement dysfonctionner. En parallèle, le périnée lui aussi se fatigue s’il n’est pas entretenu. La faiblesse de la vessie va entraîner l’incontinence urinaire par urgenturie, tandis que la faiblesse du périnée va entraîner l’incontinence urinaire à l’effort, explique le Pr Gamé. Mais attention, les fuites urinaires peuvent concerner les femmes de tous les âges, pas seulement les ménopausées ou d’un certain âge«
- La ménopause. Les changements hormonaux qui ont lieu pendant cette période participent au relâchement des muscles du périnée.
- Des accouchements répétés, particulièrement s’ils ont été traumatiques (bébé d’une forte corpulence, utilisation de forceps…) sollicitent beaucoup les muscle du périnée et peuvent les fragiliser. Le poids du bébé lors de la grossesse exerce par ailleurs une forte pression sur la vessie et le plancher pelvien.
- La pratique d’une activité sportive avec des à-coups crée une surpression dans le bassin et la cavité abdominale, ce qui favorise l’incontinence urinaire
Qui consulter en cas de fuites urinaires ?
L’incontinence urinaire reste un sujet tabou. A partir du moment où l’incontinence a un retentissement sur la vie personnelle, sociale ou professionnelle, il faut en parler ! « J’encourage toutes les femmes qui en souffrent d’en parler à leur médecin traitant, à leur gynécologue ou à leur sage-femme afin d’envisager une prise en charge adaptée et qui pourra les orienter si nécessaire vers un urologue« , recommande la gynécologue. Pour dépister une incontinence urinaire, un examen clinique et un interrogatoire de la patiente (dans lequel on demande le type de fuites, le contexte, la gêne ressentie, les antécédents chirurgicaux, la quantité des fuites, le retentissement sur la vie professionnelle et privée…) sont nécessaires. « Généralement, lorsqu’on introduit le spéculum dans le vagin de la patiente, on a déjà des indices sur la tonicité de son périnée. Si le spéculum tourne sur lui-même, il est probable que la patiente souffre de fuites. Ensuite, lors du toucher vaginal, je leur demande de contracter le périnée : certaines ne savent pas le faire et cela peut traduire un plancher pelvien un peu trop affaibli… », raconte le Dr Berdah.
Comment soigner les fuites urinaires ?
Les protections contre les fuites urinaires – protège-slips, serviettes, culottes d’incontinence ou couche pour adultes – fournissent une solution immédiate contre l’incontinence, mais elles ne permettent pas de la soigner. Heureusement, « il existe aujourd’hui un grand panel de traitements pour traiter les fuites urinaires« , se réjouit le Pr Gamé.
► En cas de fuites urinaires à l’effort, la personne va devoir en premier lieu, apprendre à renforcer la tonicité de son périnée qui constitue le plancher pelvien. C’est ce qu’on appelle une rééducation périnéo-sphinctérienne. Elle peut se faire soit manuellement, soit par musculation par électrostimulation. Des séances chez un kinésithérapeute ou une sage-femme spécialisée peuvent permettre de (re)prendre conscience de son périnée, de le (re)dynamiser et de le tonifier au moyen de petits exercices de respiration, de posture ou de gainage. Il est conseillé de poursuivre la tonification du périnée en réalisant chez soi les exercices préconisés par le kiné ou la sage-femme.
A partir de la périménopause – période annonçant l’approche de la ménopause – il est possible d’avoir recours à des traitements locaux aux œstrogènes (sous forme de crèmes ou d’ovules) ayant pour effet d’améliorer la trophicité de la muqueuse vaginale, c’est-à-dire le bon développement du tissu, et améliorer l’incontinence urinaire souvent associée.
► En cas de fuites urinaires par urgenturie, la personne va devoir là encore apprendre à (re)contrôler sa vessie par le moyen d’une rééducation périnéo-sphinctérienne. Très utilisée par les kinés, la technique de stimulation du nerf tibial (des électrodes sont apposées au niveau du nerf de la cheville) va permettre de stimuler la vessie. « Puisque le nerf tibial est relié au sacrum et qu’il commande à la fois le système vésico-sphinctérien et le système ano-rectal, le stimuler avec de toutes petites impulsions électriques, va entraîner une inhibition réflexe de la vessie et va lui apprendre à retenir l’urine« , explique l’urologue.
La rééducation du périnée est souvent complétée par un traitement comportemental qui a pour but de reprogrammer les mictions et d’adapter la consommation de liquide pour minimiser le nombre d’allers et venues aux WC. En cas d’échec de la rééducation comportementale, des anticholinergiques peuvent être administrés : ils agissent sur le contrôle du tonus de la vessie, mais peuvent être associés à certains effets secondaires (constipation, vertiges…). Il est nécessaire d’en parler à son médecin.
« Pour information, il existe d’autres médicaments pour soigner l’incontinence urinaire par urgenturie et qui ont un double effet : stimuler le périnée pour le muscler et permettre à la vessie de mieux se relâcher. Ces médicaments ne sont pas commercialisés en France car ils présenteraient des effets secondaires potentiellement graves selon plusieurs études« , indique-t-il.
Opération : dans quels cas poser des bandelettes ?
Si les traitements non invasifs sont inefficaces, on peut envisager une chirurgie en fonction du degré d’incontinence et de son retentissement sur la vie de la personne. L’opération consiste à introduire, par une petite incision au niveau du vagin, une bandelette sous l’urètre de façon à former un petit hamac et à renforcer le soutien du plancher pelvien. Il s’agit d’une intervention que l’on réalise dans le cas d’une incontinence urinaire à l’effort et qui a prouvé son efficacité. « Il n’y a pas de limite d’âge pour réaliser ce genre d’opération. Si l’incontinence urinaire invalide énormément la personne dans sa vie quotidienne, il n’y aucune contre-indication à la pose d’une bandelette« , tient à préciser le Pr Gamé. « Toutefois, cette opération n’est pas anodine, il faut vraiment que les fuites urinaires représentent une grosse gêne pour la personne« , complète le Dr Berdah. L’opération nécessite un bilan et l’avis d’un urologue ou d’un gynécologue-obstétricien.
Prévention : comment éviter l’incontinence urinaire ?
- Apprendre à prendre conscience de son périnée, le contrôler, le muscler (manuellement par le biais de petits exercices à faire une ou deux fois par semaine ou par stimulation du nerf tibial) et l’entretenir.
- Rééduquer son périnée, après un accouchement,
- Avoir une alimentation variée, équilibrée et riches en fruits et légumes pour éviter le surpoids et la constipation. « Le poids en trop peut faire pression sur les muscles du périnée et accroître leur relâchement. Par ailleurs, les efforts de poussée lors d’une constipation favorisent l’hyper-pression au niveau périnéal et participent à sa détérioration« , alerte la gynécologue-endocrinologue.
- Boire suffisamment d’eau : si on ne boit pas assez, on se déshydrate, la vessie n’est plus suffisamment irriguée et perd l’habitude de faire son travail. Un manque d’hydratation favorise également le risque d’infection urinaire.
- Diminuer sa consommation de tabac. « Le tabac a une action agressive sur la vessie. On sait d’ailleurs que les fumeurs et fumeuses ont plus de risque d’avoir un cancer de la vessie. Mais aussi, la cigarette favorise la toux, ce qui entraîne une hyperpression de la cavité abdominale« , précise-t-elle.
- Ne pas négliger une toux chronique : il faut se faire prendre en charge rapidement.
- Eviter de porter des charges lourdes sans avoir verrouiller son périnée.
- Limiter sa consommation de thé et de café, qui sont des « excitants de la vessie ». « Une consommation excessive, soit environ 8 cafés ou thés par jour, peut avoir un impact négatif sur la vessie« , tempère le Pr Gamé.
Quels sports faire en cas de fuites urinaires ?
« Les sports qui ont le plus d’impact sur le périnée sont les sports avec de nombreux à-coups et des impacts au sol : le tennis, la course à pied, la musculation (abdominaux et port de poids lourds), le trampoline, la zumba et le volley-ball« , énumère le Dr Berdah. Ces sports créent une surpression dans le bassin et la cavité abdominale, ce qui favorise l’incontinence urinaire. « Beaucoup de patients avouent avoir renoncé à ces sports-là. Or, il est possible de continuer à les pratiquer à condition de remuscler et de redynamiser son périnée chez son kiné ou sa sage-femme », conseille-t-elle. Des petits exercices de gainage, de posture et de respiration sont proposés pour apprendre à basculer le bassin avant de porter une charge lourde, ou encore à muscler ses abdominaux sans altérer le périnée. Ce n’est donc pas le sport qu’il faut arrêter, c’est l’incontinence qu’il faut soigner ! Si l’incontinence est très modérée et ne survient qu’occasionnellement, « sachez qu’il existe des dispositifs intra-vaginaux (bague, pessaire, anneau souple…) mis en place comme des tampons et spécifiquement conçus pour limiter les fuites. Toutefois, il ne faut les utiliser que ponctuellement« , prévient le Pr Gamé.
Les fuites urinaires chez l’homme
Les fuites urinaires ne concernent pas que les femmes. « Les hommes sont aussi concernés, même s’ils le sont moins fréquemment. Ils peuvent être touchés par l’incontinence urinaire principalement s’ils souffrent d’une maladie neurologique comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson » qui interfèrent dans le contrôle de la vessie, et également s’ils ont subi un traitement du cancer de la prostate (chirurgie, radiothérapie…)« , explique le chirurgien urologue.
Merci au Pr Xavier Gamé, chirurgien urologue au CHU de Toulouse et Secrétaire général de l’Association Française d’Urologie et au Dr Juliane Berdah, gynécologue-endocrinologue à Paris.
Source : JDF Santé