Définition : c’est quoi un syndrome interstitiel pulmonaire ?
« Le poumon possède deux structures très différentes : les voies de conduction regroupant la trachée, les bronches et les bronchioles – qui sont des structures cylindriques – et à l’extrémité, le parenchyme pulmonaire qui se déploie sur une grande surface, explique le professeur Jacques Cadranel, chef du Service de Pneumologie et Oncologie Thoracique à l’hôpital Tenon, centre constitutif des Maladies Pulmonaires Rares. Le parenchyme pulmonaire possède une structure fractale ; c’est-à-dire une structure tri-dimensionnelle très complexe qui lui permet de développer une surface d’échange maximale (environ la taille d’un terrain de tennis) dans un volume minimal, celui de votre thorax. Du fait de ses contraintes architecturales, le parenchyme pulmonaire est une structure extrêmement fine et fragile. » Les alvéoles sont les structures élémentaires du poumon, elles jouent un rôle d’échangeur entre l’air et le sang des capillaires pulmonaires. Pour assurer la charpente du parenchyme et des capillaires pulmonaires, il existe un tissu de soutien que l’on appelle le tissu interstitiel formé de fibroblastes. C’est à partir de ce tissu que se développent les pneumopathies interstitielles diffuses (PID).
Quand la communication intercellulaire dysfonctionne dans les poumons, il peut développer une pneumopathie interstitielle.
« Le poumon est un organe très particulier, il reçoit tout le sang de l’organisme contenant les globules rouges qui apportent l’oxygène aux organes et les globules blancs dont les cellules immunitaires et inflammatoires. Le rôle du parenchyme pulmonaire est de faire diffuser l’oxygène de l’air vers l’hémoglobine des globules rouges du sang à raison de 12 respirations d’un demi-litre d’air par minute, soit près de 9000 litres d’air par jour ! Le poumon est donc exposé en permanence aux microbes, polluants, composés organiques contenus dans l’air. Il doit être continuellement contrôlé sur le plan de l’immunité pour ne pas développer à chaque instant une maladie respiratoire. Du fait de sa complexité, le poumon fait cohabiter dans un espace restreint au moins une trentaine de types cellulaires différents… Alors quand la communication intercellulaire dysfonctionne dans les poumons, il peut développer une PID, » détaille le professeur Cadranel.
Un ou deux poumons touchés ?
Les pneumopathies interstitielles diffuses sont une « inflammation du poumon » qui mettent en cause les cellules du « tissu interstitiel ». Elles sont souvent diffuses car elles touchent les « deux poumon ». « Les pneumopathies interstitielles diffuses sont les pathologies les plus compliquées pour un étudiant en médecine. Elles sont mal connues du grand public et en général, des médecins généralistes. Ces pathologies sont compliquées, même pour les pneumologues. Il s’agit d’une sur-spécialisation« , confesse le professeur Cadranel.
Quels sont les symptômes d’un syndrome interstitiel ?
Deux principaux symptômes sont communs aux pneumopathies interstitielles diffuses :
- Un essoufflement, lié à l’épaississement des parois alvéolaires et ;
- Une toux : à l’auscultation le médecin entend des crépitants.
- Parfois de la fièvre
Le syndrome interstitiel pulmonaire peut être très aigu et brutal : « un jour, le patient se sent bien, et le lendemain, il arrive aux urgences« . Les symptômes peuvent aussi être chroniques et s’installer progressivement sur plusieurs mois, voire plusieurs années.
Qu’est-ce qui provoque un syndrome interstitiel ?
Les pneumopathies interstitielles diffuses sont difficiles à classer. Toutefois, « nous séparons les cancers, des infections et des maladies inflammatoires. Il faut également savoir que les poumons sont les oreilles du cœur : le cœur et les poumons sont complètement interdépendants » précise le pneumologue.
► Lorsque la PID est aiguë, avec présence de fièvre, une infection de type grippe ou Covid est souvent la cause du syndrome interstitielle pulmonaire.
► En l’absence de fièvre, l’origine est souvent cardiaque (insuffisance cardiaque), pathologie dans laquelle « le cœur a inondé le poumon« .
► Une fois sur deux, aucune cause à cette forme particulière de pneumopathie n’est retrouvée (PID idiopathique).
► Dans l’autre moitié des cas, il s’agit de plusieurs groupes de maladies.
- Les vascularites sont une inflammation des capillaires pulmonaires. Une fuite de sang a lieu au niveau intra alvéolaire (hémorragie). Par conséquent, les alvéoles se remplissent de sang et ne peuvent plus assurer leur fonction.
- Le tabac : le poumon se charge d’un très grand nombre de cellules inflammatoires macrophagiques ;
- L’inflammation d’origine environnementale par exposition à des : champignons, moisissures ; particules minérales chez les travailleurs du bâtiment (silice, amiante) ou de fumées d’incendie chez les pompiers ; médicaments, ou exposition prolongée à des fientes d’oiseaux.
- Les maladies auto-immunes : polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie, maladie de Gougerot-Sjögren, myopathie inflammatoire, lupus érythémateux, etc. ;
- La sarcoïdose (dysfonctionnement du système immunitaire) : il s’agit de l’une des causes les plus fréquentes et les plus connues.
► Le patrimoine génétique est également un facteur de risque de développer un syndrome interstitiel pulmonaire. « Par exemple, les pneumopathies interstitielles diffuses peuvent être causées par des maladies du vieillissement (téloméropathies) provoquant un vieillissement prématuré des poumons, qui cicatrisent mal« , illustre le professeur Jacques Cadranel.
Est-ce grave ou mortel ?
Le syndrome interstitiel pulmonaire a des conséquences sur les capacités respiratoires du patient. « C’est une maladie grave, mais qui se traite bien lorsque l’origine est infectieuse, si le patient arrête le tabac ou stoppe l’exposition responsable. Le principal risque est l’insuffisance respiratoire chronique. Parfois, le recours à une transplantation pulmonaire est nécessaire« , précise notre interlocuteur.
Quelle espérance de vie avec un syndrome interstitiel ?
Le cadre des pneumopathies interstitielles pulmonaires est beaucoup trop vaste pour donner un pronostic. « La PID la plus compliquée à soigner est la fibrose pulmonaire idiopathique. La plus fréquente, causée par la sarcoïdose, est de bon pronostic. Dans le cas du covid, le syndrome interstitiel pulmonaire disparaît complètement dans près de 100 % des cas. Le développement d’une fibrose pulmonaire associée au covid est exceptionnel, notamment avec la vaccination, grâce à laquelle le virus Sars-Cov-2 ne descend plus dans les voies respiratoires inférieures« , précise l’expert en pneumopathies rares.
Quels examens pour poser le diagnostic ?
« Lors de l’examen clinique, nous entendons distinctement les crépitants, un son semblable au bruit d’un pas dans la neige ou comme du velcro, explique le spécialiste. L’examen de référence est la radiographie pulmonaire. « Sur la radiographie, le poumon, qui est normalement noir, devient plus blanc. L’organe se condense et présente des lignes ou des micro-nodules. Parfois, lorsque les alvéoles sont comblées, nous observons une opacité floue au niveau thoracique« , détaille notre expert. Le scanner dévoile un épaississement de la structure des poumons, des nodules ou des micro-nodules, des lignes, des ganglions et des alvéoles opaques, comblées par du liquide ou des cellules inflammatoires. D’autres examens indirects sont réalisés en fonction des pneumopathies, comme une prise de sang, un lavage alvéolaire, un examen cardiaque ou des gaz du sang (mesure du déficit des échanges gazeux). Plus rarement, une biopsie pulmonaire est prescrite, notamment en cas de syndrome interstitiel pulmonaire idiopathique.
Comment guérir d’un syndrome interstitiel ?
La première mesure est l’éviction des agents toxiques responsables de la pneumopathie interstitielle diffuse (tabac, médicament, exposition à des animaux, aux volatiles, etc.). « Puis, nous traitons la maladie, comme l’insuffisance cardiaque ou l’infection pulmonaire. L’objectif du traitement est de réduire l’inflammation par une biothérapie ou la cortisone et d’éviter la cicatrisation anormale du poumon avec un anti-fibrosant », conclut le pneumologue. Une oxygénothérapie est parfois conseillée pour améliorer les capacités respiratoires des patients. Par ailleurs, la vaccination contre la grippe, le Covid ou le pneumocoque est recommandée aux patients ainsi qu’à son entourage.
Merci au professeur Jacques Cadranel, chef du Service de Pneumologie et Oncologie Thoracique à l’hôpital Tenon, centre constitutif des Maladies Pulmonaires Rares.
Source : JDF Santé