Le cerveau est composé de 100 milliards de cellules nerveuses, les neurones, qui constituent un réseau câblé dans lequel la mémoire, matière vivante, se trouve et va accompagner chaque individu de ses premiers apprentissages aux stades avancés de la vieillesse. Garante de notre autonomie individuelle et de nos liens collectifs, elle influence nos comportements et intervient dans nos performances. Elle est de plus en plus étudiée par les différentes sciences mais recèle encore de très nombreux mystères.
Comment est stockée la mémoire dans le cerveau ?
La mémoire se matérialise de différentes façons : à travers des réseaux de neurones qui sont largement distribués dans le cerveau et dont les connexions et la synchronisation vont permettre de représenter des traces correspondant à des souvenirs ou à des connaissances générales. « Ces échanges biochimiques et électriques entre ces différentes cellules vont former ce réseau de connaissances« , explique le Pr Francis Eustache, neuropsychologue. Ce qui va complexifier le mécanisme de la mémoire, c’est qu’il existe différents niveaux de compréhension du stockage de la mémoire : un niveau cellulaire et neurobiologique et des niveaux plus intégrés qui vont s’intéresser aux grandes régions cérébrales impliquées dans l‘information, le stockage, la récupération des connaissances, des souvenirs, des savoirs. « La mémoire est très complexe, elle repose à la fois sur la biochimie, mais aussi sur le social et le cognitif. La mémoire, c’est se souvenir de ce que l’on a fait samedi soir dernier mais c’est aussi savoir conduire une voiture« , souligne-t-il.
La mémoire va renvoyer, à travers son fonctionnement complexe, à des régions du cerveau complètement différentes.
Quelle est la partie du cerveau qui stocke les souvenirs du passé ?
Les souvenirs du passé sont stockés dans une région très importante du cerveau : les hippocampes. Ces structures cérébrales de 8-10 cm de long sont à la face interne des lobes temporaux, sur les côtés du cerveau au niveau des tempes. « Ces régions sont très importantes et pourraient être comparées à des hubs : tout n’est pas stocké ici mais elles fonctionnent comme des index qui sont en lien avec différentes régions comme celles du cortex qui entoure le cerveau« , illustre-t-il. Les hippocampes vont permettre de synchroniser, coordonner l’activité de différentes régions qui vont aider à récupérer des souvenirs et des informations du passé. La nuance est quand on parle de « souvenirs », de souvenirs du passé, c’est-à-dire les événements dont je me souviens : « Par exemple, quand j’avais 15 ans, j’étais en Bretagne chez mes grands-parents et la barque a chaviré et des touristes m’ont hissé dans leur bateau. Cela correspond à un souvenir situé dans le temps et dans l’espace, la mémoire épisodique, qui est stocké dans les hippocampes« . Par contre, s’il s’agit d’une connaissance, quelque chose que j’ai appris et qui est devenu une connaissance générale, les structures cérébrales impliquées sont différentes : « Par exemple, quand j’étais jeune, j’allais toujours en vacances en Bretagne. Cela ne renvoie pas à un souvenir particulier. Je connais pas mal de choses sur cette province parce que j’y allais assez souvent. À ce moment-là, ces souvenirs qui s’amalgament les uns aux autres deviennent relativement indépendants des hippocampes. On va solliciter la mémoire sémantique et donc les régions du néocortex et notamment les pôles temporaux« , précise-t-il.
Quelle partie du cerveau gère la mémoire à court terme ?
La mémoire à court terme correspond à la mémoire de travail. Elle permet de retenir des informations pendant une durée relativement courte (quelques secondes à une minute). Elle permet de traiter une information « au présent ». Elle est gérée par le cortex préfrontal et implique différentes régions à proximité des aires sensorielles. La mémoire à court terme va solliciter la mémoire sensorielle ou perceptive. « Ainsi, beaucoup de ces informations vont disparaître si elles ne sont pas pertinentes« .
Quelle partie du cerveau gère la mémoire à long terme ?
La mémoire à long terme correspond aux informations que l’on va garder dans la durée. Elle s’exprime à travers différents systèmes : la mémoire épisodique (les souvenirs du passé), les connaissances sémantiques (sur le monde), la mémoire procédurale (savoir-faire) qui interagissent les unes avec les autres. La mémoire sémantique est sous-tendue par les pôles temporaux, « dans ce cas, les hippocampes sont moins sollicités« . Enfin, la mémoire procédurale sollicite un réseau de structures sous-corticales et le cervelet.
Pourquoi certains cerveaux n’arrivent pas à stocker de la mémoire ?
Le problème de stockage de la mémoire correspond à l’oubli. « L’oubli est d’abord bénéfique : on va conserver ce qui est important en fonction de critères personnels ». Il est plus problématique quand il renvoie à une pathologie de type maladies de la mémoire, traumatisme crânien… « La maladie d’Alzheimer touche particulièrement les hippocampes, sous la forme de lésions atrophiques. Le malade perd ainsi ses souvenirs du passé et éprouve des difficultés à enregistrer de nouveaux souvenirs« . Chez l’enfant, le problème de stockage de la mémoire peut être lié à des troubles de l’apprentissage parce que son environnement n’est pas favorable, parce qu’il est stressé… « Il existe une multitude de raisons qui explique que la mémoire fait défaut ou qu’elle ne fonctionne pas de façon optimale« .
Comment améliorer le stockage dans son cerveau ?
« La mémoire évolue en permanence : elle maintient les informations dont on a besoin en fonction des contraintes de l’environnement, mais aussi de ses aspirations et de ses projets. Elle est plastique et dynamique« , insiste le Pr Eustache. Pour faciliter et améliorer le stockage des informations dans le cerveau, Il faut que ce dernier soit en bonne santé : « il faut disposer d’une réserve cognitive pour avoir un cerveau opérationnel ». Pour cela, les conditions suivantes doivent être optimisées : équilibre nutritionnel, hygiène de vie correcte, faire travailler sa mémoire « prendre l’habitude d’avoir envie d’apprendre et avoir des activités positives et stimulantes », avoir des échanges avec les autres et apprendre des autres « les relations sociales facilitent la mémorisation des informations« , et mettre en place une organisation qui facilite l’apprentissage. « Il faut aussi garder du temps pour soi et éviter les surstimulations, la charge mentale. Pour bien fonctionner, la mémoire a besoin d’attention« , conclut-il.
Merci au Pr Francis Eustache, neuropsychologue au laboratoire Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine, professeur à l’École Pratique des Hautes Études, Université de Caen ; Président du conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires.
Source : JDF Santé