Pourquoi la Diane 35 a-t-elle fait scandale en France ?

Diane 35 est un médicament anti-acnéique commercialisé par le laboratoire Bayer depuis juillet 1987 en France. Ce médicament est indiqué dans le traitement de l’acné chez la femme. Mais sa composition fait qu’il possède aussi des propriétés contraceptives et permet de bloquer l’ovulation. Si bien que même si ce médicament n’a jamais bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en tant que pilule contraceptive, son usage a longtemps été détourné comme contraceptif pour des milliers de femmes. Problème : un risque thromboembolique veineux (formation d’un caillot, risque d’embolie, de phlébite…) multiplié par 4 a été mis en évidence chez des patientes traitées sous Diane 35 (ou ses génériques). En 25 ans, ce sont près de 400 femmes qui ont eu un accident thromboembolique sous Diane 35 et 10 d’entre elles sont décédées par embolie pulmonaire ou par thrombose cérébrale. Suspension, retour sur le marché, restriction d’utilisation… Retour sur le scandale autour de Diane 35. 

Dates-clés : quand Diane 35 a-t-elle été interdite en France ?

En octobre 1997, les premières mises en garde concernant le risque thromboembolique veineux et artériel des spécialités contenant l’association à doses fixes éthinylestradiol + cyprotérone (ce qui est le cas de Diane 35) sont rapportées aux autorités sanitaires françaises. 

En juillet 2011, suite aux risques rapportés et dans le cadre d’une réévaluation systématique du bénéfice/risque des médicaments autorisés avant 2005, l’Agence du médicament (ANSM) demande au laboratoire Bayer de clarifier le positionnement de Diane 35 au vu de son utilisation réelle et de soumettre des données concernant son efficacité contraceptive, afin de régulariser un usage hors-AMM identifié.

En décembre 2011, les laboratoires Bayer fournissent à l’ANSM, un dossier reprenant les données d’efficacité anti-acnéique et anti-ovulatoire de Diane 35, ainsi que des données de sécurité d’emploi du produit. Mais selon l’ANSM, Diane 35 n’a pas pour vocation d’être prescrite en tant qu’anti-ovulatoire. 

► En février 2013, l’Agence du médicament (ANSM) lance une procédure européenne concernant la spécialité Diane 35 et ses génériques. Au terme de cette réévaluation, l’ANSM estime que le rapport bénéfice/risque de Diane 35 et de ses génériques est défavorable dans le traitement de l’acné et suspend l’AMM française par mesure de précaution. Diane 35 ne peut plus être prescrite. 

► Mais quelques mois plus tard, le 25 juillet 2013, la Commission européenne conclut finalement à un rapport bénéfice/risque favorable de Diane 35 et de ses génériques et l’ANSM lève les suspensions d’AMM en janvier 2014. Toutefois, en raison du risque thromboembolique connu, la Commission européenne restreint l’utilisation de Diane 35 et de ses génériques : ces médicaments ne peuvent être prescrits que dans le traitement de seconde intention de l’acné modérée à sévère et en cas d’échec des traitements habituels (traitement local ou traitement oral antibiotique). Désormais, Diane 35 ne doit plus être utilisée en tant que pilule contraceptive et ne doit pas non plus être prescrite en même temps qu’un autre contraceptif hormonal, en raison de son action contraceptive. 

► En 2020 : les ventes de Diane 35 (et ses génériques) chutent considérablement et représentent moins de 900 000 plaquettes alors qu’elles représentaient près de 5 millions en 2010 (voir graphique ci-dessous)

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Données de vente de Diane 35 et de ses génériques entre 2010 et 2020 © ANSM

Quels sont les dangers de Diane 35 ? Combien de décès ?

Le risque thromboembolique veineux lié à l’utilisation de Diane 35 a été clairement identifié, indique l’ANSM dans son document sur les données sur le risque thromboembolique veineux lié à l’utilisation de Diane 35. Entre 1987 (date de l’AMM de Diane 35 en France) et le 7 août 2015, 347 cas d’événements thromboemboliques associés à la prise de Diane 35 et ses génériques ont été enregistrés dans la Base Nationale de Pharmacovigilance. Sur ces 347 cas, il y avait :

  • 175 cas d’embolie pulmonaire avec ou sans thrombose veineuse profonde rapportée
  • 146 cas de thrombose veineuse profonde (cérébrale, rétinienne, cave, mésentérique, iliaque, poplitée)
  • 17 cas de thrombose superficielle (phlébite) ou non renseignés
  • 9 cas de thrombose artérielle ou mixte

55% de ces femmes ont guéri sans séquelles, 21% des femmes ont guéri avec des séquelles et 10 d’entres elles sont décédées par embolie pulmonaire ou par thrombose cérébrale. Ces femmes avaient en moyenne 23 ans. Au 26 février 2013,  il est estimé que Diane 35 (et ses génériques) représentait 6% des ventes de l’ensemble des contraceptifs oraux combinés en France. Diane 35 (et ses génériques) est prescrite par les médecins généralistes, les gynécologues et les dermatologues avec pour motif de prescription l’acné ou la contraception réparti comme dans le tableau suivant :

Motif de prescription Acné Contraception
Dermatologues 94%
Généralistes 7% 89%
Gynécologues 5% 77%

La majorité des prescriptions de Diane 35 (et ses génériques) en tant que pilule est issue des médecins généralistes et des gynécologues.

Pourquoi Diane 35, un anti-acnéique, a-t-elle été prescrite en tant que pilule ? 

Certaines femmes se sont vues prescrire cet anti-acnéique comme contraception alors qu’elles avaient un acné peu sévère ou simplement la peau grasse

Selon le code de déontologie médicale, « dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance« . Cela signifie qu’un médecin peut donc prescrire un médicament hors AMM si cela lui semble dans l’intérêt de sa patiente (et avec, bien entendu, des obligations entourant cette pratique : la loi Bertrand renforçant l’encadrement des prescriptions hors AMM, la loi Kouchner de 2002 obligeant à informer la patient des risques de la thérapeutique). Dans le cas de Diane 35, certaines femmes se sont vues prescrire cet anti-acnéique comme contraception alors qu’elles avaient un acné peu sévère ou modérée ou simplement la peau grasse. Surtout, certaines l’ont prise pendant longtemps alors que son indication n’est limitée normalement que pour 2 à 3 mois. Aussi, le bouche-à-oreille a fait que certaines femmes l’ont réclamée en consultation, voyant que cette pilule, prise par d’autres femmes dans leur entourage, améliorait considérablement l’état de la peau. « J’ai des dames qui, quand elles l’ont prises, voulaient la même chose pour leurs filles. Elles étaient demandeuses », se souvient Elizabeth Paganelli, secrétaire générale du syndicat national des gynécologues-obstétriciens français, interrogée en 2013 par FranceInfo. C’est sans compter sur le monde médical et les instances gouvernementales qui ont entretenu une relation ambiguë et obscure avec Diane 35 (la posologie ressemblait à celle d’une pilule contraceptive (un comprimé par jour pendant 21 jours avec une semaine d’arrêt), elle faisait l’objet d’un remboursement par la Sécurité sociale en tant que pilule), alors même que le laboratoire Bayer n’a jamais demandé l’AMM comme contraceptif. 

Quels sont les génériques de Diane 35 ?

Diane 35 est le nom du médicament princeps et ses génériques sont les suivants :

  • Holgyeme
  • Lumalia
  • Minerva
  • Cyprotérone acétate
  • Ethinylestradiol générique

Quelle est la composition de Diane 35 ?

Diane 35 contient de l’acétate de cyprotérone et de l’éthinylestradiol.

Sources : 

– Diane 35 et ses génériques, Dossier ANSM, publié le 1er septembre 2020 et mis à jour le 10 juin 2021

– Données sur le risque thromboembolique veineux lié à l’utilisation de Diane 35, ANSM, Octobre 2015

– Revue Prescrire : Diane 35 : retour sur le marché en France, malgré les dérives, février 2013


Source : JDF Santé