Commercialisé sous forme d’huile en goutte, d’e-liquide, de fleurs ou de feuilles brutes, le CBD (CannaBiDiol) peut théoriquement se fumer. C’est du moins sous cette forme que certains acheteurs ont envie de le tester. L’avantage ? Pouvoir disposer de ses effets relaxants sans devenir dépendant puisqu’il est censé contenir moins de 0.3% de THC. Mais qu’en est-il vraiment ? Peut-il y avoir des risques à fumer du CBD ? Lesquels ? Peut-on être positif à un test salivaire de dépistage du cannabis après avoir fumé du CBD ? Conseils et recommandations avec le Dr Patrick Daimé, médecin généraliste et Vice-Président de l’association Addictions France.
Est-ce légal de fumer du CBD en France ?
« Le CBD n’étant pas classé comme stupéfiant, il répond au principe européen de libre circulation des marchandises, la règlementation française ne peut donc pas être restrictive et l’interdire » rappelle le Dr Daimé. On le trouve légalement vendu sous la forme d’e-liquide ou d’huile que certains acheteurs fument. La vente de fleurs et de feuilles de CBD en forme brutes avait été interdite par l’arrêté du 30 décembre 2021 du gouvernement français mais le Conseil d’Etat a suspendu cet arrêté. La vente de fleurs et de feuilles de CBD est à nouveau autorisée à compter de cette date. Le gouvernement avait pris la décision d’interdire la vente de fleurs pour des « motifs de santé » et « par des motifs d’ordre public, dans la mesure où, pour préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants, celles-ci doivent pouvoir discriminer simplement les produits, afin de déterminer s’ils relèvent ou non de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants ». De plus, le gouvernement français a reconnu en décembre 2022 que « la consommation par la voie fumée de fleurs et de feuilles brutes présente des risques sanitaires avérés. En particulier, la combustion des substances organiques génère des éléments cancérigènes. C’est pourquoi l’arrêté du 30 décembre 2021 prévoyait une interdiction de commercialisation de ces produits ». Pour le Conseil d’Etat « il n’apparaît pas que les fleurs et feuilles de cannabis sativa L. dont la teneur en THC est inférieure à 0,3 % présenteraient un degré de nocivité pour la santé » et « il n’est pas démontré qu’il serait impossible de contrôler cette teneur pour les fleurs et les feuilles ».
Comment fumer du CBD, avec du tabac ?
« Potentiellement on peut fumer du CBD en mettant quelques gouttes d’huile de CBD dans son tabac ou en prenant du e-liquide que l’on met dans sa vapoteuse« répond notre interlocuteur. On peut également fumer les fleurs et les feuilles brutes de CBD en les mélangeant à du tabac.
Est-ce légal de vapoter du CBD ?
Les liquides de vapotage contenant du CBD produit de façon chimique ou obtenu par extraction des fleurs et feuilles de la plante de chanvre sont autorisés en France, sous réserve qu’importateurs et vendeurs se soient assurés que leurs fournisseurs se sont conformés aux obligations de déclaration au titre de la réglementation européenne (REACH). La teneur en THC de ces produits ne doit pas être supérieure à 0,3%.
Quels sont les effets quand on fume du CBD ?
« Le CBD a un petit effet anxiolytique » répond le Dr Daimé. Des études scientifiques ont montré qu’il agissait au niveau du cerveau sur les récepteurs à la dopamine et à la sérotonine en faisant ainsi un produit psychoactif à part entière. Sa consommation peut donc avoir des effets psychoactifs, de sédation et de somnolence. Dépourvu de THC ou en contenant moins de 0.3%, le CBD a une faible toxicité et un « assez faible risque addictif » poursuit notre interlocuteur.
« Quoiqu’on fume, on inhale de la fumée donc des produits de combustion à risque de cancer »
Est-ce dangereux de fumer du CBD ?
Fumer du CBD est dangereux, non pas à cause du CBD (si le taux en THC est bien inférieur aux recommandations légales) en tant que tel mais de la fumée. « Quoiqu’on fume, on inhale de la fumée donc des produits de combustion associés à des risques cardiovasculaires et de cancer, prévient d’emblée notre interlocuteur. On peut même avoir plus de danger à fumer du CBD que du tabac parce qu’on fume ce produit en recherchant un effet psychotrope. Même s’il n’en a pas ou très peu, on va avoir une inspiration plus longue et intense donc une combustion aussi plus intense. La fumée est plus chaude comme on augmente la température de combustion ce qui augmente sa toxicité pour le poumon. Restons donc prudent en matière de consommation de CBD, surtout ne le fumons pas, et ne nous laissons pas piéger par le marketing effréné que pratiquent actuellement les boutiques revendeuses de cette substance. » Le gouvernement français a confirmé que « la combustion des substances organiques (quand on fume les fleurs ou les feuilles brutes de CBD) génère des éléments cancérigènes ».
Peut-on être positif au test salivaire ou urinaire ?
En France, les forces de l’ordre, police et gendarmerie, disposent de tests salivaires et urinaires pour dépister l’usage de stupéfiants appartenant à la famille des cannabiniques dont le cannabis. Comme le précise l’arrêté du 13 décembre 2016, les tests salivaires sont positifs à partir de 15 ng de THC (9-tétrahydrocannabinol) par millilitre de salive. Les tests urinaires le sont à partir de 50 ng de 9 THCCOOH (acide carboxylique du tétrahydrocannabinol) par millilitre d’urine. Les traces de THC éventuellement présentes dans les produits contenant du CBD peuvent passer dans le sang ou la salive de leurs consommateurs. L‘infraction de conduite après avoir fait usage de stupéfiants peut être constatée. « Comme on ne sait pas toujours d’où vient le produit vendu, il peut être moins pur qu’on le pensait, rappelle notre interlocuteur. Si on est contrôlé positif, soit on a consommé du cannabis et on ne le dit pas soit on a pris sans le savoir du CBD qui avait une teneur en THC supérieure au taux autorisé », prévient le Dr Daimé. Le risque d’une suspension du permis de conduire est donc possible.
Fumer du CBD peut-il aider à arrêter le cannabis ?
« C’est un point clé, convient notre interlocuteur. Le CBD n’a pas ou très peu de THC donc il n’a pas d’effet psychotrope addictif. Dans les premiers jours d’une tentative de sevrage au cannabis, utiliser du CBD pour favoriser la diminution de la consommation de cannabis peut aider d’autant qu’on sait que le CBD a un effet antagoniste du cannabis c’est-à-dire qu’il diminue l’effet psychotrope du cannabis et a donc un rôle protecteur. Dans cette situation le CBD a un intérêt en réduction des risques. Mais la personne qui recherchait les effets psychotropes en fumant du cannabis ne se contentera pas longtemps du CBD » estime-t-il.
Est-ce dangereux de fumer du CBD enceinte ?
L’usage du CBD est contre-indiqué aux femmes enceintes et allaitantes (le CBD passe dans le lait maternel). « On n’a pas d’études précises pour savoir les effets du CBD dans ces situations donc par mesure de précaution on leur contre-indique l’usage de ces produits » explique le Dr Daimé. Une femme enceinte qui fume du CBD encourt les mêmes risques que si elle fume du tabac puisque le danger réside dans la combustion des produits.
Merci au Dr Patrick Daimé, médecin généraliste et Vice-Président de l’association Addictions France.
Sources :
Décision du Conseil d’État du 29 décembre 2022. MILDECA.
CBD : le nouvel arrêté est paru – Gouvernement-31 décembre 2021
La Cour de cassation légalise le cannabidiol et les fleurs de chanvre. 7 juillet 2021. Dalloz.
Source : JDF Santé