Boulomanie, workaholisme, ergomanie… Autant de termes qui font référence à l’addiction au travail. Une addiction comportementale qui se manifeste par toute une palette de signes (hyper implication, disponibilité 7 jours/7, impossibilité de couper même en vacances, exigence excessive…) pouvant avoir des conséquences délétères sur la santé physique et mentale et mener jusqu’au burn-out. « Le travail a une part considérable dans la satisfaction, le parcours identitaire et l’accomplissement de soi quand il est effectué dans les limites nécessaires au bon fonctionnement de la psyché. En revanche, quand il devient obsessionnel ou l’unique source d’activité, c’est problématique« , alerte d’emblée Dana Castro, psychologue.
C’est quoi l’addiction au travail ?
L’addiction au travail est une addiction comportementale. « Comme toutes les addictions (alcool, drogue, jeux vidéos…), elle se définit par un besoin impératif d’effectuer son travail ou de ne penser qu’à ça, contextualise Dana Castro. Ce qui fait la différence entre « beaucoup travailler » et être addict au travail est la capacité à s’intéresser à d’autres choses. Autrement dit, ce n’est pas forcément problématique de travailler 12 heures par jour si, une fois la journée finie ou le weekend, on décroche et on a d’autres intérêts, d’autres repères et d’autres ressources dans la vie« .
5 symptômes pour reconnaître une addiction au travail
- La personne éprouve des difficultés à « couper » avec son travail. « Elle commence à sortir plus tard du travail, ou arriver plus tôt, elle rapporte du travail à la maison, elle lit et répond à ses mails en vacances… jusqu’à ne plus faire de distinguo entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle« , détaille notre spécialiste. L’addiction n’a pas de frontières et ne s’arrête pas à la porte du bureau.
- La personne s’ennuie quand elle ne travaille pas. « Il y a un rétrécissement des centres d’intérêts autres que le travail et rien ne semble plus intéressant que le travail« , résume Dana Castro.
- La personne pense qu’elle est irremplaçable et que personne ne peut faire son travail aussi bien qu’elle. « C’est un argument d’auto-persuasion qui abonde dans son sens« , poursuit-elle.
- Il y a également une notion de manque : quand elle ne travaille pas, la personne est irritable, tendue ou énervée.
- La personne panique à l’idée un jour de perdre son travail et éprouve par anticipation un « vide » infondé et irraisonné lié à l’inaction. « Par exemple, j’ai pu voir des patients qui, proches de la retraite, entraient dans une frénésie de travail, par peur de ne plus servir à rien quand ils arrêteront de travailler« , se souvient la psychologue.
Quel est le nom de l’addiction au travail ?
L’addiction au travail est appelée « workaholisme », en référence au mot « alcoolisme » précédé du préfixe « work » qui signifie « travail » en anglais. Ce terme a été vu pour la première fois en 1971 dans les écrits de Wayne Edwards Oates, un psychologue américain. En français, le terme est parfois traduit par « boulomanie » ou « ergomanie ».
Quelles sont les causes d’une addiction au travail ?
Il y aurait trois causes principales pouvant expliquer une addiction au travail :
► La cause adrénalitique. « Pour les personnes qui aiment véritablement leur travail, ce dernier leur procure une forme d’adrénaline, essentielle à la satisfaction et la réalisation personnelles. Cette adrénaline apporte aussi une grande gratification narcissique. Autrement dit, le travail crée du bien-être. Et plus on ressent du bien-être, plus on en recherche, notamment à travers du challenge, du dépassement de soi, d’une prise de responsabilité de plus en plus grande…« , explique notre psychologue.
► La cause compensatoire. D’autres personnes s’investissent énormément dans leur travail pour éviter d’autres zones conflictuelles dans leur vie (familiales, amoureuses…). Le travail apparaît comme une échappatoire et un moyen de compenser ce qui ne va pas.
► Le besoin de réussite. « Le travail confère un statut social et une visibilité qui peuvent être extrêmement importants pour certaines personnes« , continue la spécialiste. Dans notre société contemporaine, et encore plus en France, le travail fait partie intégrante de l’identité d’une personne et peut être gage, pour certaines personnes, de réussite ou de succès. Par exemple, quand on rencontre quelqu’un, l’une des premières questions que l’on pose est « quel travail faites-vous ? »
Quelles sont les conséquences d’une addiction au travail ?
En termes de performance et de résultats, ce surinvestissement dans le travail peut être vu comme positif dans un premier temps. Cependant, sur le plus ou moins long terme, on s’essouffle faute de récupération, de prise de recul, de discernement ou encore de temps de pause. Autrement dit, l’addiction au travail suit un modèle classique d’addiction et peut entraîner des conséquences délétères observables dans toutes les sphères de sa vie (personnelle, familiale, amicale, santé…) :
- Repli sur soi ou isolement
- Négligence des relations
- Désintérêt pour tout ce qui ne concerne pas le travail
- Hyperactivité
- Stress accru
- Troubles du sommeil (insomnie…)
- Hypertension artérielle
- Epuisement professionnel ou burn-out dans les formes extrêmes.
Y a-t-il un test pour savoir si on est accro au travail ?
Non, il n’y a pas de test officiel pour détecter une addiction au travail. Ce sont des signes qui s’installent progressivement qui vont permettre de savoir si une personne est addict au travail. L’entourage a également un rôle d’alerte.
Quelles solutions pour sortir d’une addiction au travail ?
► Se « forcer » à décrocher du travail, en commençant par ne pas ramener du travail chez soi et en se fixant des horaires limite. Bien entendu, c’est plus compliqué quand on télétravaille, d’où l’importance d’avoir un espace dédié au travail afin qu’il n’empiète pas sur sa vie personnelle. « De plus, avec l’accès aux mails depuis son téléphone portable, il faut beaucoup de discipline et de volonté pour résister à la tentation de travailler. Surtout, il faut garder en tête que l’être humain n’est pas infaillible et peut « déraper ». L’idée est simplement de tendre à un meilleur équilibre pro/perso« .
► Conserver des liens avec son entourage pour retrouver un équilibre de vie hors travail. Sortir, voir des amis, aller au cinéma, faire du sport… Tout cela participe à l’équilibre et à l’épanouissement d’une personne.
► Consulter un professionnel de santé pour traiter l’addiction. « Mais généralement, cette étape arrive trop tard ou quand il y a eu des conséquences graves : la famille s’est décomposée, la santé s’est dégradée… Or, si la personne consultait avant d’arriver à ce stade, elle gagnerait à rééquilibrer sa vie et pourrait éviter toutes les conséquences citées au préalable« , conclut notre experte.
Merci à Dana Castro, psychologue.
Source : JDF Santé